France-Europlasma pourrait produire jusqu'à 300.000 obus à Caudan en 2025-PDG
Le 20 mars 2025 à 15:01
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* L'ex-fonderie Renault deviendrait le 1er site du genre en France
* Corps d'obus de mortier, drones en kit, 4X4, la défense pourrait accélérer la diversification de la filière auto
* D'autres activités civiles nécessaires aussi pour prendre le relais-CGT
par Gilles Guillaume
PARIS, 20 mars (Reuters) - Europlasma, candidat à la reprise de la Fonderie de Bretagne, pourrait y produire jusqu'à 300.000 corps d'obus de mortier dès cette année, a dit à Reuters son PDG, reflet du potentiel des activités de défense envisagées pour diversifier et sauver l'ancien site Renault de Caudan (Morbihan).
En redressement judiciaire, l'héritière des forges historiques d'Hennebont devrait être fixée sur son sort mi-avril. Le tribunal de commerce de Rennes (Ille-et-Vilaine) dira alors s'il retient l'offre de reprise d'Europlasma, groupe de traitement de déchets dangereux diversifié dans les munitions.
"Cette année, on pourrait imaginer 250.000 à 300.000 obus de 120 mm en démarrant à la rentrée", a déclaré Jérôme Garnarche-Creuillot dans une interview.
Avec un volume qui pourrait atteindre 750.000 pièces à un horizon de trois-quatre ans, "ce serait la plus grosse usine en moyen calibre en France, et probablement l'une des plus grosses en Europe et dans le monde", a-t-il ajouté.
Confrontés à un marché automobile atone et à la baisse de la demande pour des pièces de motorisations thermiques à cause de l'électrification des véhicules, de nombreux sites automobiles cherchent à élargir leurs activités depuis plusieurs années. Mais de telles mutations demandent de l'argent et du temps, et les sociétés et usines de petite taille mettent régulièrement la clé sous la porte avant d'y parvenir.
"L'accélération sur la diversification n'est pas assez rapide", poursuit le PDG d'Europlasma. "L'intérêt de la défense, c'est que c'est brutal. Instantanément, cela vient compenser la perte de chiffre d'affaires dans l'automobile."
L'effort de guerre lié à l'invasion russe de l'Ukraine et aux nouveaux besoins identifiés par l'Europe devant l'évolution de la diplomatie américaine ont fait apparaître des besoins nouveaux en armements et équipements militaires, que les secteurs traditionnels de la défense auront du mal à honorer rapidement.
L'industrie automobile, qui dispose d'un savoir-faire sur les grandes séries et de sites sous-utilisés, pourrait constituer un renfort bienvenu.
"Quand on sait faire des voitures, on peut faire des véhicules militaires, des drones, de nombreuses entreprises peuvent faire cela", a dit à Reuters Jean-Michel Jacques, député Renaissance du Morbihan.
QUELQUES MOIS PEUVENT SUFFIRE
Une conversion peut aller vite - trois à quatre mois - s'il s'agit de fonderie de corps d'obus ou d'usinage de produits amont dans une usine de moteurs. Dans le cas d'un transfert de production d'un élément existant - assemblage d'un drone en kit, adaptation d'un véhicule - le délai tournerait plutôt autour d'une année, selon des sources du secteur.
Pour passer d'une activité de fonderie automobile à la production d'obus, la partie la plus longue n'est pas forcément la formation des salariés ou l'équipement en machines, mais plutôt le processus administratif - autorisations du ministère de la Défense pour fabriquer du matériel militaire, feu vert du ministère des Finances pour les activités stratégiques - auquel es'ajoute un renforcement de la sécurité.
"La durée de conversion dépend beaucoup du niveau de complexité du produit qu'on doit industrialiser", résume Pierre Loret, analyste chez S&P Global. "Après, en cas de force majeure, on met les moyens."
Europlasma estime que les besoins énormes en munitions permettent de se projeter à un horizon de 15 ans, une perspective de long terme bienvenue pour une industrie automobile qui souffre d'une instabilité réglementaire et technologique devenue chronique.
A condition que le contexte géopolitique, en cas d'apaisement bienvenu, ne remette pas tout en question.
"Je pars du principe qu'on a grosso modo cinq ans devant nous, et pas 15", a déclaré Jérôme Garnache-Creuillot.
Cinq ans, c'est aussi le temps minimum requis pour réussir une diversification dans l'automobile, a dit à Reuters le président de l'association européenne des équipementiers CLEPA, Matthias Zink.
Dans cette fenêtre, Jérôme Garnache-Creuillot compte utiliser le levier des commandes militaires pour investir dans ses autres axes de diversification - matériel agricole et ferroviaire - ainsi que dans sa stratégie visant à rendre tout son appareil de production vertueux et autonome en énergie, vrais gages de pérennité selon le PDG d'Europlasma.
"Il reste beaucoup d'incertitudes sur les volumes réels d'obus qui seront produits, au-delà des paroles et des lettres d'intention", nuance Maël Le Goff, secrétaire CGT, principal syndicat à la fonderie de Caudan. "Et la défense à elle seule ne suffira pas à diversifier le site, ce type d'activité n'est pas forcément ad vitam aeternam." (Reportage Gilles Guillaume, avec Leign Thomas et Elizabeth Pineau, édité par Blandine Hénault)
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