24/01 les Echos
Les hauts-fourneaux de la planète largement sous-utilisés
En décembre, le taux d'utilisation des capacités mondiales de production d'acier est tombé à 71,7 %. Son plus bas niveau depuis deux ans et demi.
Il y a deux façons de lire les statistiques publiées hier par la Fédération mondiale de l'acier. L'une est très positive pour le secteur : jamais la planète n'avait fabriqué autant d'acier qu'en 2011. La production mondiale a progressé de 6,8 % l'an dernier, et passé ainsi pour la première fois le seuil de 1,5 milliard de tonnes. Une hausse essentiellement tirée par l'Asie, de loin la première région productrice. Près des deux tiers de l'acier mondial en proviennent désormais. En un an, les volumes ont bondi de 9 % en Chine, 16 % en Corée du Sud, 15 % à Taiwan. Parmi les grands pays, seuls le Japon et l'Espagne ont réduit leur production. Peu d'industries alignent d'aussi bons scores.
L'autre lecture est plus morose pour la profession : malgré cette croissance, les hauts-fourneaux sont globalement très sous-utilisés, donc peu rentables. En décembre, le taux d'utilisation des capacités mondiales de production d'acier est tombé à 71,7 %. Son plus bas niveau depuis deux ans et demi. Il était de 73,8 % en décembre 2010 et de 83 % au printemps dernier.
La filière n'est évidemment pas au fond du trou, comme en décembre 2008, au plus fort de la crise, lorsque plus de 40 % des installations avaient été mises à l'arrêt. Mais clairement, la récession dans nombre de pays d'Europe et le ralentissement économique mondial pèsent sur le secteur. Depuis des mois, les industriels s'ajustent à une demande qui freine en arrêtant une partie de leurs aciéries, afin de ne pas se retrouver avec d'énormes stocks sur les bras. Et dans l'espoir de soutenir les prix.
En décembre, la hausse de la production mondiale a ainsi été limitée à 2 %. Une progression très réduite par rapport au bond de près de 16 % réalisé sur l'ensemble de l'année 2010, ou même à l'augmentation de plus de 11 % enregistrée en juillet dernier.
Pékin prône la consolidation
Parallèlement à ce ralentissement de la demande, les capacités de production, elles, ont continué de s'étoffer. Pas en Europe ni aux Etats-Unis. Mais dans les pays émergents comme l'Inde et la Chine. Steel Authority India Ltd (Sail), le numéro un indien de l'acier, compte par exemple accroître ses capacités de 55 % en deux ans !
En Chine, le gouvernement cherche justement à calmer le jeu afin de redresser la rentabilité du secteur sidérurgique. Selon le Cisa, le comité des producteurs d'acier chinois, les aciéries chinoises sont à un niveau de marges historiquement bas. Dans son dernier plan à douze ans pour la sidérurgie, Pékin a identifié les principaux producteurs autour desquels le secteur devra se consolider. A horizon 2015, les 10 premiers fabricants devront représenter plus de 60 % de l'acier produit. La production devra en outre se concentrer sur les installations qui fabriquent de l'acier de meilleure qualité. Le patron de Baosteel, Xu Leijang, dit ainsi s'attendre à de nombreuses opérations de fusions-acquisitions dans les prochaines années. Car même si sur l'année 2011 la sidérurgie chinoise s'en tire bien, les données mensuelles traduisent une nette fragilisation du secteur. Sous l'effet du ralentissement de l'industrie manufacturière, la production a baissé de mois en mois pour s'établir maintenant à un niveau de 15 % à 20 % inférieur à son sommet du mois de mai.