29/09/2011 | 17:00 | David Baverez |Les Echos
Arrêtons de paniquer quand ils commencent à paniquer !
Les politiques européens sont "effrayés" par la crise ? Ce constat pourrait bien signaler que la volatilité des prochaines semaines offrira un bon point dentrée pour des actions choisies judicieusement.
Wolfgang Munchau, le brillant éditorialiste du Financial Times, conclut son article du 26 septembre par cette remarque en marge de la réunion annuelle du FMI : « je n ai jamais vu les politiques européens aussi effrayés ! ».
Ce constat à première vue terrifiant pourrait cependant bien signaler, de manière paradoxale, que la volatilité des prochaines semaines offrira un bon point dentrée pour des actions européennes, si choisies judicieusement. Notamment parmi les cycliques traitant sensiblement en-dessous de leur valeur de remplacement.
Car entre un rebond, après la correction den gros 20% déjà réalisée, ou un plongeon supplémentaire du même ordre, mon sentiment est que les marchés devraient opter dans les semaines à venir pour le premier scénario sous la pression de quatre facteurs favorables, malheureusement tous de nature court-termiste :
La multiplication des rachats dactions par les entreprises, Martin Bouygues servant pour loccasion de mentor inattendu à Warren Buffett, soulignant par la même quà près de 8x PE, les marchés européens intègrent déjà une réduction de moitié des bénéfices, cest à dire le plein effet dune récession de grande ampleur ;
La recapitalisation limitée du secteur bancaire européen, notamment français, grâce à la connivence à la fois du régulateur local et de la BCE par ses injections de liquidités, qui permettront tous deux de masquer la véritable étendue du problème de la dette souveraine ;
La confirmation dun ralentissement apparemment sous contrôle de la croissance chinoise bien que toujours au prix des mêmes déséquilibres structurels ;
Enfin, un vague semblant de coordination mondiale à loccasion du G20 de Cannes, qui, bien que fort éloigné du coup dimpulsion du sommet de Londres davril 2009, devrait cependant plus se rapprocher de laction concertée récente des principales banques centrales sur lapport de liquidités en dollars aux banques européennes, quaux insultes des dirigeants européens à Monsieur Geithner il y a quelques semaines...
Tout ceci à un moment où les actifs dits "refuges" connaissent un retournement de nature à inciter de nouveau au choix du risque - le franc suisse enterrant son drapeau blanc pour annoncer le premier la guerre à venir des dévaluations compétitives ; lor, qui a lamabilité doffrir une fois par an un très bon point dentrée à tous ceux qui ont préféré suivre son ascension à distance...
Malheureusement, la ministre française du Budget sévertue, dans une interview plutôt surréaliste aux Echos cette semaine, à nous rappeler que ce retour espérons-le profitable sur les actions ne pourra être que de courte durée. Elle y indique en effet que, grâce a un effort sans précédent, les dépenses publiques baisseront de 56,6 % du PNB en 2010 à... 55,8 % en 2012 ( !!) - laissant au moins à la France encore un record du monde, plus de dix points au dessus de lAllemagne ! - à une période où il ne reste plus que 5.000 foyers sur 60 millions dhabitants gagnant encore 1 million deuros par an... dont la tonte, même savamment programmée, aura du mal à combler un déficit dont on nose imaginer lampleur le jour dune normalisation des taux..
Sil est donc souhaitable de laisser aux hommes politiques du monde entier - à lexception notable des français - le soin de paniquer dans les semaines à venir, il nest sans doute pas inutile de commencer dès maintenant à réfléchir à la façon de se protéger pour laprès 2012 ; lorsque limpuissance des gouvernements nouvellement désignés dans la plupart des grands pays du monde débouchera logiquement sur le retour surprise de linflation, la nécessaire reconnaissance des pertes sur les dettes publiques et privées, lérection de barrières douanières dans la foulée des dévaluations compétitives et linstauration dun contrôle des changes dans bon nombre de pays occidentaux... comme si le zeste des années 1930 commençait à annoncer son rajout au cocktail des années 1975-1980 que nous dégustons actuellement.
Alors ne paniquons pas aujourdhui... Gardons ça pour la suite !