(Actualisé avec communiqué du Quai d'Orsay §18)
par Saliou Samb
CONAKRY, 5 septembre (Reuters) - Une tentative de coup d'Etat a été menée dimanche en Guinée, où un groupe de soldats mutins a dit avoir évincé du pouvoir le président Alpha Condé, proclamé la dissolution de la Constitution et du gouvernement et instauré la fermeture des frontières.
Le chef de l'unité d'élite de l'armée, Mamady Doumbouya, un ancien de la Légion française, a déclaré que "la pauvreté et la corruption endémique" avaient poussé ses forces à destituer le chef de l'Etat.
"Nous avons dissous le gouvernement et les institutions", a-t-il déclaré à la télévision publique drapé dans le drapeau national guinéen et entouré de huit autres soldats armés. "Nous allons réécrire une Constitution ensemble."
Dimanche matin, des coups de feu ont retenti et des combats ont éclaté près du palais présidentiel de la capitale, Conakry. Quelques heures plus tard, des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, non authentifiées dans l'immédiat, ont montré le président Alpha Condé dans une pièce, entouré par des soldats des forces spéciales.
Selon des sources militaires, le président a été emmené dans un lieu tenu secret.
Dans un message lu à la télévision d'Etat, la junte putschiste a affirmé qu'Alpha Condé n'était pas blessé, que son bien-être était garanti et qu'il avait eu accès à ses médecins.
Elle a également déclaré que les gouverneurs régionaux avaient été remplacés par des commandants militaires et que les ministres et chefs d'institutions sortants étaient conviés à une réunion lundi matin au Parlement.
"Tout manquement sera considéré comme une rébellion contre le CNRD", a déclaré le groupe en référence au nom qu'il s'est choisi, le Comité national de rassemblement et de développement (CNRD).
Les forces commandées par le chef des putschistes - que l'une des sources, un proche collègue, a décrit comme calme et de nature réservée - ont procédé à d'autres arrestations, de hauts responsables du gouvernement notamment.
Le principal chef de l'opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo, a démenti les rumeurs selon lesquelles il faisait partie des personnes arrêtées.
Alpha Condé, qui est âgé de 83 ans, a été réélu en octobre dernier pour un troisième mandat de cinq ans à la suite d'une réforme de la Constitution vivement critiquée par l'opposition.
Plusieurs dizaines de personnes sont mortes dans des violences liées au scrutin.
Ces dernières semaines, le gouvernement a fortement augmenté les impôts pour renflouer les caisses de l'Etat et fait grimper de 20% le prix du carburant, provoquant un fort mécontentement de la population.
SCÈNES DE LIESSE À CONAKRY
Rien ne permettait d'affirmer dimanche soir que Mamady Doumbouya et ses hommes avaient pris le contrôle du pays de près de 13 millions d'habitants, le ministère de la Défense ayant publié un communiqué affirmant qu'une attaque contre le palais présidentiel avait été repoussée.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a condamné "toute prise de contrôle du gouvernement par la force" et appelé à la libération immédiate du président Condé.
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a brandi la menace de sanctions et condamné ce que son président, le Ghanéen Nana Akuffo-Addo, a qualifié de tentative de coup d'Etat.
L'Union africaine a elle aussi condamné le putsch et annoncé une réunion prochaine tandis que le ministre des Affaires étrangères du Nigeria, la puissance économique régionale, réclamait un retour à l'ordre constitutionnel.
Dans un communiqué, le ministère français des Affaires étrangères déclare se joindre à l'appel de la CEDEAO "pour condamner la tentative de prise de pouvoir par la force", demander "le retour à l’ordre constitutionnel et appeler à la libération immédiate et sans condition du président Condé."
Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrent des véhicules militaires patrouillant à Conakry, et une source militaire a déclaré que l'accès au seul pont menant au quartier de Kaloum, où se trouvent le palais et la plupart des ministères, était fermé.
Dans la capitale, des habitants ont commencé à s'aventurer dans les rues dans l'après-midi pour saluer ce soulèvement.
Un témoin de Reuters a vu des camionnettes et des véhicules militaires accompagnés de motocyclistes en train de klaxonner en signe de liesse.
"La Guinée est libre ! Bravo", a crié une femme depuis son balcon.
(Reportage Saliou Samb et Bate Felix ; version française Jean-Stéphane Brosse et Elizabeth Pineau)
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer