* Johnny Hallyday est mort dans la nuit de mardi à mercredi * Icône nationale en France, méconnu en dehors * Plus de 50 ans de carrière, de tubes et de concerts * De "l'idole des jeunes" aux "vieilles canailles" PARIS, 6 décembre (Reuters) - "Idole des jeunes" et des moins jeunes d'une certaine France, Johnny Hallyday, qui a succombé à un cancer du poumon dans la nuit de mardi à mercredi à l'âge de 74 ans, a bâti pendant plus d'un demi-siècle sa carrière de chanteur et d'inusable homme de scène sur la passion du rock américain et de son aura première de rébellion. Celui qu'on appelait "Johnny" tout court était à peu près ignoré du monde anglo-saxon dont la culture populaire l'avait inspiré, mais le showman comptait dans son pays des fans de tous milieux et professions, qui affluaient dans des salles et des stades pleins à craquer où il se "donnait" à fond. Sa voix musclée qui s'adoucit pour une ballade, son physique d'athlète et son regard bleu-gris étaient des atouts pour le cinéma, où cet admirateur de James Dean a joué sous la direction de Jean-Luc Godard ou de Costa-Gavras. Ils ont surtout favorisé le succès du rockeur, de l'époque "yéyé" à celle d'internet. Marathonien des tournées qui font le lien avec les publics, Hallyday a vendu plus de 110 millions de disques, enregistré plus de 40 albums et un millier de chansons dont un quart d'adaptations, surtout de titres américains ou britanniques. Après avoir pris pour modèles Elvis Presley, Eddie Cochran et d'autres "pionniers" du rock, Johnny Hallyday s'est adapté à une série de tendances, passant de la soul et du blues à la pop. PARCOURS MÉDIATIQUE Parmi ses titres les plus connus figurent "L'idole des jeunes", "Retiens la nuit", "Le Pénitencier", ou "Que je t'aime" pour les années 1960 ; "Le bon temps du rock'n'roll", "J'ai oublié de vivre", "Gabrielle", "Toute la musique que j'aime", "Ma gueule", "Fils de personne" pour les années 1970. On citera pour la suite "Quelque chose de Tennessee", "Rock'n'roll attitude", "Sang pour sang", "Allumer le feu". Sa vie privée a été aussi "médiatisée" que sa carrière, à commencer par ses mariages avec la chanteuse Sylvie Vartan (sa partenaire de duo jusqu'en 2009), le mannequin Elisabeth Etienne, l'actrice Nathalie Baye, Adeline Blondieau - qu'il épousera deux fois - et le mannequin Laëticia Boudou. "Johnny et Sylvie" ont eu un fils, David Hallyday, né en 1966 et devenu chanteur comme ses parents, qui devaient divorcer en 1980. Nathalie Baye a donné au chanteur une fille, Laura Smet, en novembre 1983. Avec Laëticia Boudou, qu'il a épousée en 1996, Hallyday a adopté deux filles originaires du Vietnam: Jade Odette Désirée, née en 2004, et Joy, née en 2008. Sa passion du sport automobile et de la moto, ses rixes occasionnelles ont défrayé la chronique dans la première partie de sa carrière. Dans les années 2000, il est accusé du viol d'une employée sur son yacht mais obtient un non-lieu. En 1975, le fisc lui réclame des arriérés dont il s'acquittera durant des années. Plus tard, on le soupçonnera de vouloir contourner ce même fisc en briguant la nationalité belge, qu'il n'obtiendra pas. Il sera critiqué en 2006 pour avoir choisi de devenir résident en Suisse. Sur Europe 1, il dira en avoir "marre de payer ce qu'on nous impose comme impôts" en France bien qu'il reste citoyen français. Après avoir soutenu Jacques Chirac, il donnera son appui à Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2007. A ce propos, il dira s'être "engagé pour un homme, pas pour un parti". En retour, plus d'un politique témoignait sa sympathie au chanteur. Pour l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, il était "le symbole de l'énergie, une forme de puissance vitale". LA VOIX D'ELVIS AU CINÉMA Johnny Hallyday naît Jean-Philippe Smet le 15 juin 1943 à Paris, d'une mère française et d'un père belge qui se séparent très vite. Elevé par sa tante Hélène Mar, soeur de son père Léon Smet, il empruntera son nom d'artiste à Lee Halliday, compagnon américain d'une cousine et membre d'un duo de music-hall grâce auquel il montera sur scène à onze ans. Il figure en 1955 dans "Les Diaboliques", film d'Henri-Georges Clouzot, habite à Paris le quartier de la Trinité, suit des cours de chant et d'art dramatique, puis découvre à 14 ans la voix d'Elvis Presley dans le film "Loving you". C'est une révélation. Il fréquente le Golf Drouot, rendez-vous parisien des rockeurs en herbe où il chante et adapte le répertoire américain, puis se produit au dancing du Moulin Rouge. On l'entend à la radio en décembre 1959 avant de le voir à la télévision avec Line Renaud, qui le présente comme un jeune chanteur d'origine américaine... Les disques Vogue l'engagent sous le nom de Johnny Hallyday et publient en mars 1960 "T'aimer follement", chanson de Dalida, puis en juin "Souvenirs, souvenirs", qui lui vaut un succès immédiat. Ses passages en public déclenchent de mini-émeutes, certains parlent d'hystérie quand il se roule sur scène : Johnny sera une idole. "Viens danser le twist" ("Let's twist again") lui rapporte un disque d'or dès 1961. L'émission "Salut les copains" (SLC) de Daniel Filipacchi sur Europe 1, puis la revue du même nom, achèvent de l'imposer comme chef de file des "yé-yé". Il est la vedette d'un concert gratuit qui attire 150.000 jeunes place de la Nation à Paris le 22 juin 1963, affluence que nul n'attendait. UNE BÊTE DE SCÈNE Son service militaire en Allemagne (1964-65) marque un tournant après lequel il s'expose à de nouvelles influences, des Beatles au folk-rock et à la soul. Avec le temps, Hallyday ajustera son répertoire et ses spectacles à l'évolution du public, avec des mises en scène parfois démesurées, mais sans rompre avec l'Amérique : en 1966, il emmène en tournée un inconnu nommé Jimi Hendrix et, en 1996, des milliers de fans français iront l'entendre à Las Vegas. Il se produit avec une armée de musiciens sur le porte-avions Foch (1979), chante quatre mois au Zénith de Paris (1984) avant de "se donner à Bercy" (1987). Il fête ses 50 ans en fendant la foule du Parc des princes pour atteindre la scène (1993). Durant ce qui était censé être sa "dernière" tournée, il remplit le Stade de France en mai 2009 et attire pour le 14-Juillet près de 800.000 personnes aux abords de la Tour Eiffel. En décembre 2007, il annonce l'intention de se retirer en 2009 à l'issue une tournée d'adieux. Mais les événements prendront une autre tournure. Opéré d'une hernie discale en novembre 2009 à Paris dans des conditions controversées, il est victime de complications en décembre à Los Angeles où on le plonge dans un coma artificiel pour le soigner. La durée de sa convalescence fait annuler la dernière partie de son "Tour 66". Ayant frôlé la mort, il poursuivra le chirurgien français qui l'avait opéré. Un différend l'amène ensuite à rompre avec son producteur de longue date, Jean-Claude Camus. Mais après le lancement de son album "Jamais seul", on le revoit en 2011 à Paris sur une autre scène - celle du Théâtre Edouard VII où il joue le rôle de Chicken dans "Le Paradis sur Terre" de Tennessee Williams. L'une de ses dernières apparitions sur scène remonte à l'été dernier avec les "vieilles canailles", ses compagnons de jeunesse Eddy Mitchell et Jacques Dutronc. Johnny Hallyday était chevalier de la Légion d'honneur depuis 1997. Mais son image reste liée à une Amérique dont il avait traversé les étendues à moto, réalisant un rêve de jeunesse. (Philippe Bas-Rabérin, édité par Yves Clarisse)
PORTRAIT--Johnny Hallyday, rockeur au long cours à la française
information fournie par Reuters 06/12/2017 à 04:57
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