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Le 1er août 2025
Notre prise de position de la semaine dernière ayant consisté à alléger les positions alors que tout le monde célébrait la signature de l'accord douanier entre l'Union européenne et les Etats-Unis, était audacieuse. Cet accord, ayant mis fin à des mois de d'incertitude sur le montant des taxes douanières imposées à nos exportateurs européens, était présenté par la quasi-totalité des commentateurs comme un grand jour pour les investisseurs. Ceux-ci devaient être enfin débarrassés d'une inconnue majeure qui obérait à la fois la visibilité sur les perspectives d'activité économique et les résultats d'entreprises. Comme nous le craignions, la réaction des marchés s'est révélée bien moins enthousiaste qu'espéré, puisque tous les indices européens s'affichent en baisse depuis le début de la semaine. C'est notamment le cas, à Paris, du CAC 40 et à Francfort, du Dax 40. A Wall Street, le S&P 500 ainsi que le Dow Jones ont également reculé, seul le Nasdaq Composite, gonflé à bloc par les excellentes performances des valeurs technologiques américaines, ressort en légère progression.
Les sujets de préoccupation, que nous avions mis en avant pour justifier notre prudence sur les valeurs européennes, reposent sur la perte de compétitivité évidente que représente la mise en place d'une taxe de 15% à l'entrée des Etats-Unis, de tous les produits fabriqués dans l'UE. Le taux infligé à nos exportateurs et certes, comme disent nos amis Québécois, moins pire que les 30% initialement prévus, mais la note reste salée. Au niveau économique, Donald Trump ne s'est pas privé de montrer les premiers effets de ses « tariffs » sur les recettes de l'Etat issues de la perception des droits de douane qui ont dépassé au cours du premier semestre (à 87 milliards de dollars) la totalité des droits perçus par les Etats-Unis en 2024. Et ce n'est qu'un début, une fois que tous les accords auront été mis en place ces chiffres vont exploser à la hausse. Joli tour de passe-passe : les Français, déjà écrasés d'impôts, sont invités par les Etats-Unis à renflouer les caisses de l'état à la place du contribuable américain.

Laskine
Au-delà du sentiment général qui désigne les Etats-Unis comme étant le grand gagnant des récents accords commerciaux, les marchés prennent en réalité conscience que la hausse unilatérale des droits de douane décrétée par les Etats-Unis n'est pas bonne pour les marchés. De plus en plus d'analystes ressortent le très mauvais souvenir qu'avait laissé à Wall Street la promulgation de la loi Hawley-Smoot en juin 1930 visant à taxer l'importation plus de 20.000 produits différents. Loin de protéger l'Amérique contre les ravages de la crise de 1929, cette décision avait aggravé la récession et conduit à un effondrement du commerce mondial dont personne n'a profité. Le contexte est différent de la situation actuelle, notamment parce que cette loi s'était doublée d'une erreur de politique monétaire ayant conduit à une hausse des taux directeurs de la Fed, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
En ayant pris la décision de réduire les positions sur l'ensemble de nos portefeuilles à la veille de la signature l'accord conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, nous avions exprimé quelques doutes sur bien-fondé de l'opération. Nous ne regrettons pas notre initiative. Sur un an glissant, trois de nos quatre portefeuilles PEA surperforment toujours très largement les indices européens. C'est le cas de notre sélection d'ETF Monde et celle dédiée aux fonds ISR/PEA, ainsi que de notre portefeuille Défensif.
Seul l'Offensif, plus exposé aux risques de marché, est à la traîne. Ce dernier n'est pas parvenu à profiter de la hausse de la volatilité. De ce point de vue, il faut bien reconnaître que la multiplication des arbitrages à laquelle nous avons procédé dans ce portefeuille n'a été d'aucun secours. A l'opposé, le Défensif, plus économe en mouvements, a bien rempli son office. Les arbitrages réalisés ces derniers mois ont consisté à réduire la part des valeurs de luxe dont les récents résultats n'ont pas enthousiasmé le marché. Nous nous sommes également efforcés de sélectionner de préférence des valeurs liées à la finance ou au marché intérieur, peu concernées par la question des droits de douane. La sélection de fonds ISR/PEA poursuit son parcours imperturbablement vertueux, alors que la sélection d'ETF Monde brille toujours par sa capacité à profiter des possibilités de diversification géographique qui nous sont offertes, notamment en direction de Wall Street et vers le marché chinois en net redressement.

Laskine
Quelle stratégie d'investissement pour le mois d'août ? Pour l'instant, la Bourse de Paris est portée par des résultats globalement satisfaisants, à l'image de Safran, Danone, Legrand, EssilorLuxottica, Orange, ainsi que des banques. Les déceptions sont un peu plus fréquentes qu'au cours des semestres précédents, elles concernent en priorité les grands groupes exportateurs, comme Sanofi, ArcelorMittal, Stellantis, LVMH et même Hermès International qui n'a pourtant pas démérité. Pour les semaines à venir, l'enjeu ne se situe cependant pas au niveau des publications passées, mais à celui des prévisions de résultats pour le second semestre et surtout 2026. Il faut en effet s'attendre à un train non négligeable de révisions à la baisse des anticipations bénéficiaires dans les semaines à venir de la part des analystes financiers. Ceux-ci ne vont pas manquer de faire tourner leurs modèles d'évaluation du marché à l'aune des accords commerciaux signés avec l'Europe. Une récente étude réalisée par les analystes de Deutsche Bank Research indique que, dans la zone euro, les sociétés les plus touchées sont celles appartenant aux secteurs de la consommation durable et courante, la pharmacie, ainsi qu'à l'industrie et aux produits de base. L'échantillon est vaste et peut conduire à des dégâts sur la cote parisienne. Donald Trump n'ayant pas l'intention de lever le pied durant le mois d'août, il faut aussi s'attendre à quelques passes d'armes musclées avec les pays qui n'ont pas encore signé, comme le Brésil, l'Inde, le Mexique ou le Canada. Les négociations en cours avec la Chine s'annoncent également ardues. Tout ceci nous incite à conserver une stratégie d'investissement plutôt prudente jusqu'à la rentrée. L'idée n'est pas de partir en courant de peur que le ciel nous tombe sur la tête, mais plutôt de laisser la poussière retomber avant de reprendre les initiatives. Les opérations de réduction des positions auxquelles nous avons procédées au cours de ces dernière semaines nous ont permis de disposer d'importantes liquidités. Celles-ci nous permettront d'amortir les chocs qui pourraient intervenir pendant l'été et de disposer des moyens d'envisager un retour progressif aux affaires.
Bonne lecture et bonnes vacances à tous. Rendez-vous après le 15 août pour un prochain point hebdomadaire sur nos portefeuilles.
Roland Laskine
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