
Elliot Randriamandrato, porte-parole du mouvement de la génération Gen Z, durant une interview à Antananarivo le 16 octobre 2025 ( AFP / Mamyrael )
Issu de la jeunesse malgache urbaine et diplômée qui s'est révoltée contre ses conditions de vie, Elliot Randriamandrato, 31 ans, incarne le collectif Gen Z dont les manifestations ont chassé le président Andry Rajoelina du pouvoir.
Le renversement du président, déjà remplacé par le colonel Michaël Randrianirina, a fait passer ce militant aux pantalons baggy et Doc Martens basses en vogue à Antananarivo, de l'ombre à la lumière, à mesure que le mouvement doit passer de la contestation à la proposition.
"Les dernières semaines sont une demi-victoire, la vraie lutte commence maintenant. Notre principale revendication est le changement du système politique actuel", affiche auprès de l'AFP le porte-parole désigné du mouvement, diplômé du master en affaires publiques de Sciences Po Paris.
Le mouvement est novateur: numérique, horizontal et empreint de références culturelles générationnelles comme le manga One Piece. Il a finalement abouti à un classique de l'histoire malgache: une intervention des militaires pour arbitrer.
"On bosse à mort pour éviter d'être récupérés, que ça ne se reproduise pas comme avant et que la jeunesse ne soit pas oubliée", assure Elliot Randriamandrato, des tatouages Dragon Ball et Warhammer sous la manche du t-shirt.
La disparition de la page Facebook initiale du mouvement, suivie par près de 200.000 abonnés avant d'être piratée, n'aide pas. Même s'il se dit "agréablement surpris par l'écoute" des militaires après une brève entrevue avec eux, l'heure est à la "vigilance", dit-il.
- "Convergence" -
"Les gens doivent le comprendre, l'un ne serait pas arrivé sans l'autre, rappelle-t-il. Seulement les militaires, ça n'aurait pas été possible. Juste nous, ça aurait duré des mois, même si on était prêts à ça. La bascule s'est faite par la convergence des deux".

Elliot Randriamandrato, porte-parole du mouvement Gen Z à l'origine des manifestations à Madagascar qui mis le président Andry Rajoelina en fuite, le 16 octobre 2025 ( AFP / Mamyrael )
Rentré en mars à Madagascar où son association d'agro-écologie, Tetikasa Ala, oeuvre depuis 2019 à la création de jardins forêts pour lutter contre la dégradation des sols, Elliot Randriamandrato tenait aussi un média sur la culture urbaine malgache, Hype Mada, avant d'être pris dans les événements.
"Je suis venu en manif, le 25 septembre, comme tout le monde et le jour d'après, des amis m'ont demandé si ça me disait de participer à l'organisation du mouvement", retrace celui qui a été interpellé brièvement jeudi avant le ralliement des militaires.
"Le Népal a ouvert la voie. On a vu ce qu'il s'est passé, le drapeau levé, les liens ont été faits avec One Piece. Et on s'est dit: c'est bon, ras-le bol", raconte-t-il.
- "Tournant" de sa vie -
La crise politique de 2009 ayant conduit à la prise de pouvoir d'Andry Rajoelina maque le début de son engagement. Il a 14 ans, prépare son brevet des collèges, quand des grenades lacrymogènes pour disperser des manifestants atterrissent dans la cour de son école.
"Je me rappelle très bien avoir dû fuir l'école avec ma sœur, au beau milieu des tirs de balles. C'était au moment des événements d'Ambohitsorohitra", relate-t-il, quand 36 manifestants ont été abattus par la garde présidentielle de Marc Ravalomanana.
Dans ces semaines d'émeutes, le restaurant de ses parents est incendié au cocktail molotov. "Mon père a failli y passer: 2009, on l'a vécu directement. Quand le restaurant brûle, on perd quasiment tout. On doit changer de maison. On va habiter chez la grand-mère. On n'est plus chez nous. Mes parents s'endettent", se souvient Elliot Randriamandrato.
Il tient d'ailleurs à préciser que son père n'est pas ancien ministre des Finances, il s'agit d'un grand oncle homonyme du paternel.
Vient ensuite 2018, le "tournant de (s)a vie". Andry Rajoelina est en campagne électorale après avoir renoncé à la présidence de transition en 2014 sous pression internationale.
Le candidat vient à Paris pour une conférence à Sciences Po. "Avec des amis, on se dit qu'on ne peut pas le laisser continuer à mentir aux yeux du monde et on fait une lettre ouverte à la direction", explique-t-il.
"Le soir même, ma soeur me dit +Regarde sur Facebook, il y a ton nom partout+. En effet, il y a ma photo, mon adresse, mon nom de famille, celui de ma soeur, mon frère, ma mère, mon père diffusés avec écrit +Eux, ce sont des ennemis de la nation+", rapporte Elliot Randriamandrato évoquant des "usines à troll" et "médias en ligne soutiens du régime".
Il affirme avoir reçu des "menaces de mort par centaines", assistant malgré tout à la conférence pour "confronter Rajoelina à plusieurs dans les questions-réponses". Sept ans plus tard, il a donné sa part à son départ.
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