(Actualisé avec éléments supplémentaires)
Le parquet du tribunal de Paris a requis jeudi une peine de 4 ans d'emprisonnement, dont un an ferme aménageable à domicile sous surveillance électronique, à l'encontre de l'ex-PDG du distributeur français Casino CASP.PA , Jean-Charles Naouri, dans le cadre de son procès pour corruption et manipulation de cours qui s'est ouvert au début du mois.
Une amende de deux millions d'euros a également été requise.
Jean-Charles Naouri, qui a dirigé Casino pendant près de 20 ans jusqu'en mars 2024, est accusé de manipulation de cours en bande organisée et de corruption privée active aux côtés de trois anciens cadres du groupe ainsi que de l'éditeur de publications financières Nicolas Miguet.
Le parquet a par ailleurs demandé une sanction de 75 millions d'euros contre la société Casino Guichard-Perrachon, également poursuivie devant le tribunal correctionnel de Paris pour corruption privée active et manipulation de cours en bande organisée.
"La stratégie victimaire de M. Naouri flirtant régulièrement avec le complotisme ne saurait aveugler le tribunal", a déclaré le parquet lors de ses réquisitions, qui ont duré plus de cinq heures, estimant dans son introduction que "dans ce dossier, la manipulation affleure à tous les étages".
Le verdict doit être rendu d'ici quelques mois, après une ultime audience prévue le 22 octobre.
"Les réquisitions ne constituent pas une décision de justice et ces demandes n'engagent pas le tribunal", a déclaré Casino dans un communiqué écrit partagé jeudi soir à des journalistes à la sortie de l'audience.
Jean-Charles Naouri est accusé d'avoir, entre 2018 et 2019, rémunéré Nicolas Miguet pour que ce dernier diffuse au marché des informations favorables à Casino afin de défendre son action, notamment concernant une rumeur d'OPA hostile qu'aurait étudiée Carrefour à l'encontre de Casino. Il conteste l'ensemble de ces accusations.
Au moment des faits présumés, la direction de Casino était sous pression, son action ayant violemment chuté en 2018 alors que le marché s'inquiétait de son lourd endettement.
Le titre Casino n'a jamais récupéré, continuant à tomber ces dernières années jusqu'à valoir aujourd'hui quelques dizaines de centimes d'euros.
"J'AI EU TORT DE SIGNER"
Au premier jour de son procès, le 1er octobre, Jean-Charles Naouri a livré le récit d'un Casino subissant des "attaques coordonnées" à partir de 2015, notamment du fait du fonds activiste américain Muddy Waters.
"Sur le plan réputationnel, j'ai absolument eu tort de signer cette convention" avec Nicolas Miguet, a alors concédé l'ancien PDG. Il a cependant dit tout ignorer des condamnations antérieures de Nicolas Miguet.
N'épargnant pas l'éditeur de presse, qu'il a qualifié d'"outrancier", de "vulgaire" ou encore de "grossier", Jean-Charles Naouri a en revanche peiné à justifier du contenu des services fournis par Nicolas Miguet et de l'objet de la convention signé avec lui face au tribunal.
"La convention de conseil est sans doute à la délinquance en col blanc ce que la valise de billets est au blanchiment de trafic de stupéfiants", a brocardé jeudi le procureur.
Dans le but d'atténuer sa possible peine, le groupe Casino a quant à lui fait valoir être encore en pleine restructuration financière, et avoir remanié en profondeur sa direction.
"Ce n'est plus du tout le même groupe qu'en 2018", a déclaré le 1er octobre la directrice juridique du groupe, Béatrice Davourie, qui représentait Casino à la barre du tribunal, soulignant avoir "changé d'actionnaire", "changé de gouvernance" et que "le comex avait été complètement renouvelé".
"Surtout, ce qu'il faut retenir, c'est qu'on est un groupe en sauvegarde", a insisté Béatrice Davourie au premier jour des audiences, rappelant que Casino faisait toujours face à une dette d'1,4 milliard d'euros au 30 juin 2025 et que le distributeur était "en constante transformation depuis un an et demi".
"PAS DE NOUVEAU CASINO"
La directrice juridique a précisé que Casino avait "pris la décision de ne pas provisionner" le risque pénal lié au procès, considérant que "les éléments constitutifs des infractions reprochés ne sont pas réunis".
Le procureur a balayé cet argumentaire jeudi, estimant qu'il n'y avait "pas eu à l'audience de Nouveau Casino, juste une défense bien huilée", estimant que ce choix de ne pas provisionner le risque pénal "ne doit pas s'avérer stratégiquement gagnant".
La peine requise par le parquet a toutefois pris en compte les difficultés financières de Casino, puisqu'elle s'avère bien plus faible que les 1,275 milliard d'euros de sanction maximale que risquait le distributeur.
Ces réquisitions "ne prennent pas en considération le fait que le Nouveau Casino n'a plus rien à voir" avec le groupe tel que dirigé par Jean-Charles Naouri, a cependant estimé le groupe dans son communiqué à la sortie de l'audience. Ses avocats souhaitent demander "la relaxe totale".
Détenteur des enseignes Monoprix, Franprix ou Naturalia, Casino est passé sous le contrôle du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky en 2024, après la validation de son plan de sauvetage par le tribunal de commerce de Paris en février 2024, menant à une restructuration drastique après l'ère Naouri.
En février 2025, la direction désormais menée par Philippe Palazzi déclarait avoir cédé 366 hypermarchés et supermarchés sur l'année 2024 et prévoyait la suppression d'environ 3.200 postes dans le cadre de son redressement.
(Reportage de Florence Loève, édité par Jean Terzian)
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