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Face aux droits de douane, le spectre d'une chute prolongée de Wall Street
information fournie par Reuters 08/04/2025 à 12:33

par Lewis Krauskopf et Saqib Iqbal Ahmed

Le recul spectaculaire de la Bourse de New York alimente les craintes des analystes quant à des scénarios encore plus sombres, les opérateurs évaluant la possibilité d'une guerre commerciale mondiale prolongée et de perspectives de bénéfices beaucoup plus faibles pour les entreprises américaines.

Les principaux indices de la place new-yorkaise ont dégringolé en fin de semaine dernière, accusant leur plus forte chute hebdomadaire depuis le début de la pandémie de COVID-19 il y a cinq ans.

Après une séance volatile lundi, un rebond est attendu mardi dans un contexte toujours nerveux, les investisseurs continuant à digérer l'impact des surtaxes imposées par le président Donald Trump sur les partenaires commerciaux des Etats-Unis.

Les stratèges de Wall Street s'interrogent notamment sur l'ampleur du coup porté aux marchés actions, certains n'écartant pas le scénario d'une chute de près de moitié du S&P 500 par rapport à son pic historique du 19 février. L'indice américain a terminé lundi à 5.062,25 points, soit plus de 17% en dessous de ce plus haut.

Selon Matthew Maley, stratège chez Miller Tabak, un recul du S&P 500 à 4.300 points dans les mois à venir est "très possible", et une chute à 4.000 ou même moins n'est pas non plus à exclure.

L'analyste souligne que les marchés ont été trop optimistes quant au potentiel de profit à court terme lié à l'essor de l'intelligence artificielle (IA) et n'ont pas suffisamment tenu compte de l'affaiblissement de la confiance des consommateurs.

"Il ne s'agit pas seulement de droits de douane", défend-il. "Il s'agit d'un processus de recul du marché par rapport à ses fondamentaux sous-jacents".

UNE BAISSE RAPIDE ET INTENSE

Les scénarios les plus pessimistes de certains analystes prévoient que le S&P 500 pourrait chuter d'environ 50% par rapport à son plus haut historique, ce qui serait comparable aux conséquences de l'éclatement de la bulle Internet en 2000.

La dégringolade des indices au cours des dernières séances a été en effet comparable en vitesse et intensité aux chutes dues à la pandémie de COVID-19 en 2020 et à la crise financière de 2008, et rapproche le S&P 500 de la zone de marché baissier ("bear market").

La baisse combinée de 10,5% de l'indice S&P 500 jeudi et vendredi derniers est la quatrième plus forte baisse sur deux jours enregistrée par l'indice depuis 1950, note Keith Lerner, codirecteur des investissements de Truist Advisory Services.

Les plus fortes baisses sur deux jours ont eu lieu en mars 2020 en raison du choc provoqué par l'émergence de COVID-19, en novembre 2008 dans le contexte de la "Grande récession" et lors du krach boursier du "lundi noir" d'octobre 1987.

L'indice de volatilité VIX .VIX , qui mesure le niveau de volatilité anticipé du S&P 500 pour les 30 jours à venir, a enregistré lundi son niveau de clôture le plus élevé en cinq ans.

Les analystes de JPMorgan ont fixé lundi un objectif de fin d'année pour le S&P 500 d'environ 4.000 points comme leur "scénario baissier", qui inclut l'hypothèse d'une absence d'allègement sur les droits de douane et des perspectives de bénéfices pour 2026 impliquant deux années d'absence de croissance réelle.

Le scénario baissier d'Evercore ISI prévoit pour sa part 4.500 points pour le S&P 500 et un scénario très baissier ou ("SuperBear") à seulement 3.100 points, ce qui représenterait une chute de près de 50% par rapport au pic de février.

Ce dernier scénario implique également une récession qui réduirait les bénéfices annuels des entreprises d'environ 15%, ainsi que des perturbations sur les marchés du crédit et des difficultés à relever le plafond de la dette, ont averti les analystes d'Evercore dans une note publiée dimanche.

Michael Purves, directeur général de Tallbacken Capital Advisors, prévient pour sa part qu'une combinaison de "contraction de la valorisation et des bénéfices" pourrait faire chuter l'indice jusqu'à 4.000 points.

"Ce n'est pas du tout un scénario irréaliste", ajoute-il.

À l'instar de Michael Purves, les investisseurs mettent en évidence deux raisons possibles pour lesquelles les marchés d'actions pourraient continuer à s'affaiblir : la modération des valorisations par rapport à des niveaux élevés et la possibilité d'une nouvelle réduction des estimations des bénéfices d'entreprise.

Le ratio cours/bénéfice (PE) de l'indice S&P 500 est passé de 22,4 fois les bénéfices attendus sur 12 mois en février à 18,4 vendredi, ce qui correspond au ratio cours/bénéfice moyen de l'indice au cours des 10 dernières années, selon LSEG Datastream.

Mais le ratio moyen à plus long terme sur 40 ans ressort à 15,8, soit 14% de moins que le niveau de vendredi dernier.

En 2022, lorsque la Réserve fédérale (Fed) avait commencé à relever ses taux d'intérêt pour freiner l'inflation, ce ratio était descendu jusqu'à 15,3.

BESOIN DE MODERATION

Les valorisations actuelles reposent également sur des prévisions de bénéfices qui, selon de nombreux investisseurs, n'ont pas encore reflété de manière adéquate les probables dégâts économiques liés à l'augmentation des droits de douane.

Les bénéfices des sociétés composant le S&P 500 sont toujours attendus en hausse de 10,4% en 2025, selon des données de LSEG IBES datées de vendredi. Mais en période de récession économique, ces profits chutent en moyenne de 24% sur un an, selon Ned Davis Research.

"Si la probabilité d'une récession est de 50%, il faut s'attendre à une nouvelle baisse de 20% à 25% des actions à partir de maintenant", a estimé lundi Colin Graham, responsable des stratégies multi-actifs chez Robeco à Londres.

Mais même les investisseurs qui ont établi des hypothèses de chute brutale des actions ne pensent pas que ces scénarios soient les plus probables.

Evercore, par exemple, a fixé dimanche un objectif de cours de fin d'année de 5.600 points pour le S&P 500, soit un gain de 10% par rapport aux niveaux actuels, tout en décrivant des résultats potentiels plus négatifs.

Les marchés pourraient également être prêts à se redresser à l'annonce d'un éventuel allègement de la guerre commerciale.

"La seule chose qui aidera à la fois le sentiment et la direction du marché sera un certain assouplissement des positions tarifaires bien ancrées", a déclaré Michael James, analyste chez Rosenblatt Securities. "Nous aurons besoin d'une certaine forme de modération sur ces niveaux de droits de douane pour avoir un potentiel d'amélioration significatif".

(Reportage Lewis Krauskopf et Saqib Iqbal Ahmed ; avec la contribution de Carolina Mandl et Sinéad Carew ; version française Diana Mandia, édité par Blandine Hénault)

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