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Derrière la saga Lagardère, l'Elysée et le spectre d'un "Fox News" français
information fournie par Reuters 17/12/2020 à 07:00

* L'Elysée inquiet concernant les médias de Lagardère - sources

* Redoute un Fox News à la française en cas de rachat par Bolloré

* Lagardère objet des convoitises d'actionnaires puissants

* L'ancien fleuron français pourrait être démantelé

par Michel Rose, Gwénaëlle Barzic et Mathieu Rosemain

PARIS, 17 décembre (Reuters) - Derrière la bataille d'actionnaires autour du groupe Lagardère LAGA.PA , se joue un autre bras-de-fer politique impliquant les deux hommes forts du capitalisme français, Bernard Arnault et Vincent Bolloré, et le président Emmanuel Macron.

En jeu, le devenir des médias détenus par le groupe d'Arnaud Lagardère et leur capacité à influer sur le choix des électeurs d'ici l'élection présidentielle de 2022 qui pourrait opposer Emmanuel Macron à la cheffe de file de l'extrême-droite Marine Le Pen.

L'Elysée redoute en particulier que la radio Europe 1 tombe dans l'escarcelle du premier actionnaire de Vivendi VIV.PA qui pourrait constituer un groupe de médias ancré à droite à deux ans du scrutin, selon deux sources familières du dossier.

Ainsi, lorsque Vivendi est entré en avril au capital de Lagardère, l'Elysée a relayé ses craintes auprès de Bernard Arnault, PDG du géant du luxe LVMH LVMH.PA et parmi les premiers soutiens d'Emmanuel Macron, ont indiqué les sources.

"La situation est regardée de près par le pouvoir", a expliqué une des sources. "On lui a fait passer le message".

Quelques semaines plus tard, la première fortune française entrait dans la bataille en apportant des fonds à la holding personnelle d'Arnaud Lagardère et en affichant son soutien au fils de Jean-Luc Lagardère, fondateur de l'ex-fleuron français. "Mon meilleur ami", a expliqué Bernard Arnault lors d'une rare interview à la télévision.

L'Elysée et un porte-parole de Vincent Bolloré n'ont pas souhaité faire de commentaire. LVMH n'a pas répondu à des demandes de commentaires.

A l'époque, l'investissement de Bernard Arnault a été vu comme un soutien supplémentaire pour Arnaud Lagardère face au fonds activiste Amber Capital qui dénonce depuis plusieurs années la façon dont la société, également présente dans l'édition et les boutiques d'aéroport, est gérée.

Une source proche de l'homme d'affaires a confirmé que l'amitié qui liait Bernard Arnault à Jean-Luc Lagardère avait poussé le PDG de LVMH à intervenir lorsqu'Arnaud Lagardère s'était mis en quête de soutiens.

L'investissement d'environ 300 millions d'euros du patron de LVMH n'en a pas moins surpris le milieu financier.

"FOX NEWS" À LA FRANÇAISE

Bernard Arnault a une réputation d'homme d'affaires redoutable, comme l'a encore démontré la renégociation récente du rachat du joaillier américain Tiffany TIF.N .

Les spéculations ont grandi dans les médias français quant à une motivation plus politique du soutien de Bernard Arnault à une entreprise dont la dette et les pertes ont enflé à cause de l'épidémie de coronavirus qui a vidé de leurs visiteurs les boutiques d'aéroport.

L'entourage d'Emmanuel Macron redoute notamment l'émergence d'un "Fox News" à la française issu d'un rapprochement entre les activités médias de Vivendi et celles de Lagardère, qui possède également Paris Match et le Journal du Dimanche, ont dit les sources.

En juin, soit peu après l'investissement de Bernard Arnault dans Lagardère, Vincent Bolloré a offert de racheter Europe 1 pour 250 millions d'euros mais sa proposition a été rejetée par la direction de Lagardère, a fait savoir une troisième source.

Vivendi n'a pas souhaité commenter.

Le groupe de médias et de divertissement possède déjà le premier groupe français de télévision payante Canal+ et la chaîne d'information en continu CNews, qui a opté pour un positionnement conservateur sous la houlette de Vincent Bolloré.

Les commentaires sécuritaires et anti-immigration de plusieurs des intervenants réguliers de CNews enflamment régulièrement les réseaux sociaux et la chaîne gratuite a vu ses audiences et ses recettes publicitaires bondir.

Son directeur général Serge Nedjar a reconnu que certains propos avaient pu heurter mais dans un rare entretien accordé au Parisien, il a soutenu que la priorité de la chaîne était de permettre le débat, sans s'interdire aucun sujet ou intervenant, affirmant que CNews n'avait pas de ligne politique.

De son côté, Europe 1 fait face à une chute d'audience, ce qui a engendré des pertes, mais la radio a su conserver un public urbain, éduqué et plutôt conservateur.

VERS UN DÉMANTÈLEMENT

Lagardère faisant partie des rares sociétés françaises avec le statut de commandite, Arnaud Lagardère dispose d'un droit de veto sur les décisions importantes bien qu'il ne détienne que 7% du capital. Les analystes s'attendent toutefois à ce que ses puissants nouveaux co-actionnaires s'emparent de ses actifs les plus attractifs.

Vivendi détient aujourd'hui près de 27% de Lagardère et s'est allié avec Amber (20%) pour réclamer une recomposition du conseil de surveillance. Même le fonds souverain du Qatar, troisième actionnaire - longtemps silencieux - avec 13% du capital, appelle désormais à une représentation équitable de tous les actionnaires, accentuant la pression sur Arnaud Lagardère.

Selon quatre personnes au fait de la situation, des discussions sont en cours depuis plusieurs semaines sur un partage des actifs de la société qui pourrait aller de pair avec un abandon du statut de commandite, avec à la clef une "indemnisation" pour Arnaud Lagardère. Selon l'une des sources, Bernard Arnault et Vincent Bolloré en ont discuté en personne.

Les deux milliardaires n'ont jamais été des concurrents directs en affaires et ne sont pas particulièrement proches, mais les deux hommes ne sont pas intéressés par une guerre ouverte, d'après des personnes de leur entourage.

Vincent Bolloré pourrait se contenter de reprendre certaines parties de la filiale d'édition du groupe ou s'engager à céder une partie des médias de Lagardère en cas d'offre publique d'achat sur l'ensemble du groupe, un scénario qui pourrait permettre de trouver une issue à cette longue et complexe saga, ont déclaré des sources proches des discussions.

Ces scénarios restent spéculatifs, ont-elles précisé.

Lagardère possède également des actifs dans le "travel retail" mais le secteur est particulièrement touché par la crise sanitaire et LVMH est déjà confronté à des problèmes similaires avec sa filiale DFS.

En attendant l'issue de cette saga capitalistique, le prochain volet interviendra ce jeudi: Vivendi et Amber attendent une décision de justice concernant leur demande de réunir une assemblée générale des actionnaires et d'obtenir une représentation au conseil de Lagardère.

(Avec Sarah White, Blandine Hénault pour la version française, édité par Jean-Michel Bélot)

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