Véronique Riches-Flores affiche toujours son scepticisme sur la situation de l'économie mondiale.
L'économiste Véronique Riches-Flores est revenue mercredi 23 septembre sur la situation actuelle de l'économie mondiale et des marchés financiers. Pour elle, les soubresauts boursiers des dernières semaines ne reflètent qu'un difficile retour à la réalité, qui risque de se poursuivre.
On connaît le point de vue souvent « pessimiste » de Véronique Riches-Flores vis-à-vis de l'économie mondiale et des marchés financiers. « Pessimiste mais réaliste », diront certains.
« Je suis souvent en porte-à-faux par rapport à l'orientation des analyses dominantes », a-t-elle recoonu ce mercredi en conférence de presse. L'économiste était notamment à contre-courant du discours ambiant au printemps dernier , lors du lancement du plan de relance monétaire de la BCE (« quantitative easing ») qui avait suscité l'enthousiasme des investisseurs.
Jusqu'à cet été, « on a vécu dans l'illusion d'une forte consommation des émergents », mais désormais, « la consommation chinoise bat de l'aile », résume Véronique Riches-Flores. Pour elle, « on assiste désormais à un retour à la réalité » sur les marchés financiers.
« Grisés par l'afflux de liquidités, les marchés ont ignoré les signes avant-coureurs de détérioration de l'environnement mondial ». Beaucoup d'espoirs ont depuis été déçus, avec « le ralentissement industriel, l'anémie des échanges mondiaux, [le risque de] déflation, ou encore la médiocrité de l'investissement », affirme l'économiste.
Etats-Unis : d'importantes fragilités
Parmi les mauvais indicateurs relevés, Véronique Riches-Flores retient l'indicateur PMI manufacturier mondial, qui traduisait une activité industrielle en croissance encore dynamique il y a un an et demi, mais qui s'approche désormais de la stagnation.
Surtout, les indicateurs ISM « régionaux » américains, calculés par la Fed de New York, de Philadelphie ou encore de Dallas, indiquent désormais une contraction de l'activité industrielle aux Etats-Unis. Ceci est « très préoccupant » pour Véronique Riches-Flores, qui y voit un « signe de risque de récession ». L'ISM manufacturier de la Fed de New York s'est particulièrement contracté ces derniers mois.
À ceci pourra néanmoins être objecté le fait que les économies modernes fonctionnent moins sur l'industrie que sur les services, et que le développement de l'économie numérique vient dans une certaine mesure à l'encontre d'une intensification de la production industrielle, sans que cela soit forcément quelque chose de négatif.
Il n'empêche que la santé de l'économie américaine reste relativement fragile. C'est d'ailleurs ce que semble avoir à l'esprit la Fed (banque centrale américaine), qui a préféré laisser ses taux directeurs proches de 0% la semaine dernière, pour ne pas risquer de porter un mauvais coup à la croissance du pays.
Chine : en phase de "rupture"
Vient inévitablement le sujet de la crise en Chine. Aucun doute que la Chine traverse une phase de « rupture » selon Véronique Riches-Flores.
Les importations chinoises, qui ne progressaient plus depuis 2012, on désormais commencé à se contracter lourdement. Les statistiques officielles ont affiché une contraction de 14% des importations en rythme annuel le mois dernier, mais les chiffres réels du commerce pourraient se révéler encore plus mauvais cette année. Pour Véronique Riches-Flores, on assiste à une forme de « fermeture de l'économie chinoise », pesant sur les prix des matières premières, et entraînant des risques de déflation à grande échelle.
Banques centrales : entre impuissance et jeu dangereux
L'inflation faible que l'on constate en effet de nos jours dans les pays développés cherchait pourtant à être combattue par les plans de relance monétaires des grandes banques centrales (Fed, BCE et BoJ notamment). Pour rappel, la Fed a réalisé trois plans de « quantitative easing » au cours des dernières années, et la BCE est actuellement en train d'appliquer cette même politique de relance en Europe. Pour autant, les effets en termes de dynamisme économique restent faibles.
« Le contexte actuel est très loin de ce que promettaient les injections de liquidités des banques centrales », résume Véronique Riches-Flores, qui parle de « cause perdue du "QE" »
Pire : les politiques monétaires très accommodantes des banques centrales, en poussant les taux du crédit à des niveaux historiquement faibles, « ont créé une situation de surendettement qui pourrait devenir une nouvelle source de difficultés », affirme l'économiste.
Certes, le crédit au secteur non-financier n'a pas progressé dans les pays développés depuis 2008, mais l'endettement a en revanche été multiplié par 2,6 au cours des cinq dernières années dans les pays émergents, particulièrement en Chine. Ainsi, « les injections de liquidités pour parer aux effets de la crise [ont] gonflé la dette », ailleurs que sur les continents où cette politique a été appliquée.
En somme, pour Véronique Riches-Flores, « le "QE" était indispensable au début, mais est allé beaucoup trop loin ». Sans compter que pour l'économiste, les injections de liquidités ont provoqué une « bulle des prix des actifs financiers (actions, obligations corporate) mais également physiques (immobilier, art) dans des proportions incompatibles avec les fondamentaux économiques de moyen terme ».
Marchés financiers : prudence
On aura compris, d'après les éléments qui viennent d'être mentionnés, que les prévisions de Véronique Riches-Flores sont pour le moins prudentes en ce qui concerne l'évolution des marchés financiers.
« La chute des bourses [au cours des dernières semaines] signe la fin d'une illusion assise sur trois convictions, toutes successivement mises à mal », affirme l'économiste. Selon elle, ces illusions étaient : l'idée que les pays émergents (notamment la Chine) allaient tirer la croissance dans les années à venir, la confiance dans l'efficacité du « quantitative easing », ainsi que les bienfaits de la nouvelle « révolution technologique » en termes de croissance.
Pour l'économiste, les raisons de prudence dominent largement sur les marchés par rapport aux rares et fragiles raisons d'optimisme. Affaire à suivre.
X. Bargue (redaction@boursorama.fr)
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