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Bond anniversaire : «taper tantrum» 10 ans après
information fournie par Carmignac 24/05/2023 à 17:25

Kevin Thozet, portfolio Advisor et membre du comité d'investissement de Carmignac. (Crédits photo : DR -  )

Kevin Thozet, portfolio Advisor et membre du comité d'investissement de Carmignac. (Crédits photo : DR - )

Par Kevin Thozet, portfolio Advisor et membre du comité d'investissement de Carmignac


Fin mai 2013, les marchés financiers ont connu une période de fortes turbulences connue sous le nom de « Taper Tantrum ». Cette période a été marquée par une volatilité marquée, la Réserve fédérale (la Fed) ayant fait part de son intention de réduire son programme d'achat d'obligations (« Quantitative Easin »g). À l'occasion de son dixième anniversaire, Kevin Thozet, membre du comité d'investissement de Carmignac, revient sur l'impact qu'a eu cet évènement et ses conséquences pour les marchés financiers.

Les origines d'une crise

Le «Taper Tantrum» a été déclenché dans le sillage des remarques de Ben Bernanke, alors président de la Fed, en mai 2013, indiquant que la banque centrale avait l'intention de réduire son rythme d'achats d'instruments obligataires. Ces remarques ont pris les marchés financiers «par surprise» ; ces derniers avaient jusque-là largement fait fi des avertissements - s'étant très (trop ?) largement reposés sur les mesures de soutien monétaire exceptionnelles mises en place par la Fed pour stimuler la reprise économique post grande crise financière. La perspective d'une réduction des liquidités, d'une potentielle hausse des taux d'intérêt et, plus généralement, d'un resserrement monétaire accru, a entraîné une chute brutale des marchés obligataires, entrainant une hausse de la volatilité sur l'ensemble des classes d'actifs.

Les turbulences du marché mondial

L'impact du «Taper Tantrum» s'est fait sentir à l'échelle mondiale, les marchés émergents ayant été particulièrement affectés. Les investisseurs retirant leurs capitaux des actifs jugés comme plus risqués, les devises et les obligations émergentes se sont fortement dépréciées et les rendements obligataires sont eux remontés fortement. Les pays présentant d'importants déficits des comptes courants et des dont les niveaux de dette externe étaient particulièrement élevés ont été les plus exposés aux sorties soudaines de capitaux.

Enseignements tirés et ajustements politiques

Banquiers centraux et décideurs politiques du monde entier ont su tirer de nombreux enseignements du «Taper Tantrum». Cet événement a mis en évidence la nécessité d'améliorer la communication monétaire et de définir des orientations plus claires et cela afin de gérer au mieux les attentes de marché. Les banquiers centraux sont devenus plus attentifs aux retombées potentielles de leurs décisions sur les marchés financiers mondiaux et ont cherché à adopter une approche plus prudente et plus transparente.

Résonances et différences avec l'environnement actuel

Le cas des marchés émergents

Les marchés émergents sont aujourd'hui confrontés à un choc externe beaucoup plus brutal qu'il y a 10 ans. Le resserrement de la politique monétaire n'est pas seulement le fait de la Fed, mais il concerne l'ensemble des banques centrales du G10 (à l'exception du Japon). Et les grands argentiers ne se contentent pas de «ralentir» (en anglais «Taper») le rythme de leurs achats d'obligations, ils réduisent passivement mais franchement leurs bilans ne réinvestissant pas les tombées de leur portefeuille d'obligations, une politique connue sous le nom de «resserrement quantitatif» (en anglais «Quantitative Tightening»). Enfin, les autorités monétaires relèvent les taux d'intérêt à un rythme inégalé depuis le début des années 1980. Le choc étant tel qu'il a même provoqué une crise des banques régionales américaines.

Nonobstant, les marchés émergents se sont dans leur ensemble bien tenus. Le stress financier s'est concentré sur les acteurs les plus fragiles au sein des marchés dits frontières, comme le Ghana, le Sri Lanka ou la Tunisie. Les principales victimes du "Taper Tantrum" de 2013, les "Fragile Five" (Brésil, Inde, Indonésie, Afrique du Sud notamment) ont globalement bien résisté du fait de fondamentaux bien meilleurs qu'il y a dix ans et d'un cycle de hausse de taux précoce contrastant avec le retard pris par leurs homologues du G10.

L'inflation y a ainsi été maîtrisée plus tôt que dans les pays du G10, mais au prix d'un amenuisement de la demande globale. Ainsi lorsque la Fed a remonté ses taux, leurs comptes courants s'étaient déjà ajustés, l'inflation avait également entamé sa trajectoire de décélération et les courbes de taux d'intérêt intégraient aussi l'assouplissement monétaire à venir. Les sorties de capitaux y ont également été minimes, les actifs des pays émergents étant largement sous-détenus par les investisseurs étrangers.

Divergence entre les attentes du marché et les actions prévues par la Fed

Un autre parallèle avec 2013 est l'écart apparent entre les prévisions de la Fed et les attentes du marché en matière de politique monétaire future. Il y a 10 ans, les marchés avaient ignoré le message de durcissement monétaire que la Fed envoyait depuis janvier et, lorsque son intention est devenue sans équivoque le 22 mai 2013, la correction de marché a été brutale. Et aujourd'hui, la Fed signale son intention de maintenir ses taux directeurs sur les niveaux actuels, alors que les marchés s'attendent à ce que ces mêmes taux soient baissés de 2,5 % au cours des deux prochaines années.

On peut ainsi s'interroger sur la trajectoire que serait susceptible de suivre les marchés si les anticipations de baisse de taux directeurs n'était non plus d'une baisse de 250 points de base pour les 24 prochains mois mais d'une réduction de 150 points de base seulement. Les taux d'intérêt des obligations souveraines pourraient en effet remonter quelque peu, mais ceux des marchés émergents souffriraient davantage, de même les marchés d'actions les plus chèrement valorisés devraient essuyer un retrait marqué.

Pour autant, plusieurs mécanismes ont été mis en place au cours des 10 dernières années ; et cela afin d'éviter une issue potentiellement désastreuse liée à un tel fossé entre les intentions de la Fed et les anticipations de marchés. Le premier est le désormais célèbre « dot plot » (graphique à points qui illustre et résume les intentions des membres du FOMC (le comité chargé de la conduite de la politique monétaire américaine) quant à l'évolution des taux d'intérêt pour les 2 deux ans à venir) - bien qu'il ait été introduit dès 2012 soit 1 an avant le « Taper Tantrum ».

Le second tient à l'amélioration des études menées préalablement aux réunions du FOMC, qui ont été affinées à la suite du « Taper Tantrum ». En 2014, l'enquête auprès des contreparties privilégiées par les autorités monétaires pour l'ensemble de leurs activités de marchés a été complétée par une enquête auprès des investisseurs. Ces enquêtes visent à mieux apprécier et accompagner les divergences qui pourraient peser sur stabilité financière et, le cas échéant, à mieux ajuster les messages quant à la conduite de la politique monétaire à venir - et ainsi à réduire le risque d'erreur de communication.

Quelles pourraient être les problématiques rencontrées ?

Les leçons du passé suggèrent que la perspective d'une erreur majeure de politique monétaire - et donc d'une nouvelle crise sur les marchés de taux - est peu probable. Le scénario central reste celui d'une Fed qui inverserait sa trajectoire de politique monétaire si une nouvelle crise devait se matérialiser. Toutefois, il est encore trop tôt pour évaluer pleinement l'ensemble des ramifications internationales de ce choc de politique monétaire.

L'un des développements en cours est la résonance potentielle des tensions sur les liquidités avec les craintes de non-relèvement du plafond de la dette. Une fois le plafond de la dette relevé, le Trésor devra émettre plus de 2 trillions de dollars d'ici la fin de l'année, dont $1,4 trillion de bons du Trésor. La question est alors de savoir comment le marché pourra absorber cette quantité de papiers obligataires sans provoquer une onde de choc sur l'ensemble du marché monétaire américain. Les fonds monétaires, qui investissent dans des instruments à court terme très liquides, pourraient choisir de s'en tenir à leurs avoirs existants déposés auprès de la Fed (actuellement 2,2 milliards de dollars), en particulier si le marché obligataire continue d'anticiper de fortes baisses de taux dans les mois à venir. Cela pourrait conduire à une redite de la crise du marché interbancaire de septembre 2019. Cette dislocation sur les marchés du « repo » et du financement à court terme pourrait envoyer des ondes de choc sur le dollar offshore et voir ce dernier remonter fortement vis-à-vis des devises des marchés émergents.

Conclusion

À l'occasion du dixième anniversaire du « Taper Tantrum », nous pouvons constater l'impact significatif que cet événement a eu sur les marchés financiers mondiaux ainsi que sur les ajustements qui ont été de fait mis en œuvre. Les enseignements de cette crise ont contribué à façonner la conduite de la politique monétaire actuelle – notamment dans sa communication.
Mais un cadre de communication, tout transparent soit-il, ne peut préserver les marchés de la volatilité lorsque les banques centrales commettent une erreur politique majeure et se retrouvent dans l'obligation de rectifier vigoureusement et rapidement leur trajectoire de hausse de taux. C'est la problématique à laquelle nous faisons face après que les banquiers centraux du monde développé se sont trompés et aient considéré l'inflation comme transitoire en 2021. Le brusque revirement de politique monétaire qui a suivi invite à la vigilance, car il pourrait faire naitre d'autres poches de vulnérabilité, comme on a pu le voir sur le secteur bancaire américain au printemps.

À mesure que nous avançons dans ce cycle, les banques centrales et les décideurs politiques continuent de naviguer dans un paysage économique complexe. Leur objectif premier vise à produire une croissance économique durable tout en maintenant la stabilité financière. Un exercice d'équilibre et de coordination toujours plus complexe.

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