
logo Atos (crédit photo : Adobe Stock / )
Décalée à deux reprises, la publication annuelle de l'ex-fleuron technologique révèle une perte nette de 3,4 milliards d'euros, imputable, pour deux tiers, à une charge de dépréciation de l'écart d'acquisition. Atos a par ailleurs ouvert une procédure amiable avec ses créanciers, afin d'obtenir un plan de refinancement de sa dette d'ici juillet. Celui-ci inclura certainement l'émission de nouveaux titres, donc une dilution pour les actionnaires existants.
Tout vient à point à qui sait attendre... Initialement attendus le 29 février, puis la semaine dernière, les résultats 2023 d'Atos ont finalement été dévoilés lundi soir, après que le groupe a appris, coup sur coup, l'arrêt des discussions avec EPEI (fonds détenu par Daniel Kretinsky) ainsi qu'avec Airbus concernant, respectivement, la cession de TechFoundations et du pôle Big Data et Cybersécurité (BDS). Cette publication annuelle a révélé un creusement de la perte nette à 3,44 milliards d'euros en 2023, contre un milliard sur l'exercice précédent. « C'est une perte qui est subie à cause de la dépréciation du goodwill [pour 2,54 milliards, NDLR], c'est donc une perte non monétaire qui est bien plus une question comptable (…) c'est une perte non opérationnelle », a fait valoir le (nouveau) directeur général Paul Saleh, dans un entretien téléphonique avec les journalistes. « Nous avons atteint, en 2023, nos objectifs de chiffre d'affaires et de rentabilité dans un contexte difficile », affirme également l'ancien directeur financier du groupe, cité dans le communiqué.
Dans le détail, les revenus ressortent à 10,69 milliards, en progression organique de 0,4% (+2,9% sur le périmètre Eviden, -1,7% chez TechFoundations). La marge opérationnelle grimpe de son côté à 567 millions, soit 4,4% du chiffre d'affaires, contre 3,2% lors de l'exercice précédent. Le résultat net normalisé, retraitant les éléments exceptionnels, s'établit à 73 millions d'euros, un chiffre légèrement supérieur au consensus des analystes compilé par FactSet (-22 millions) et à comparer à la perte de 28 millions en 2022.
Procédure amiable avec les créanciers
Plus que les résultats, qui apparaissent secondaires au vu des difficultés actuelles du groupe, les investisseurs attendaient d'Atos des informations sur sa situation financière, alors que l'ESN échoue donc à boucler des cessions d'actifs susceptibles de lui offrir un précieux bol d'air. En discussions avec ses créanciers depuis plusieurs mois, Atos indique espérer obtenir un plan de refinancement de sa dette d'ici juillet, date d'arrivée à échéance d'un prêt de 1,5 milliard d'euros, comprenant toutefois une option d'extension de six mois, donc jusqu'en janvier 2025. A cet égard, Atos « a l'intention de présenter les paramètres de son cadre de refinancement à ses créanciers financiers au cours de la semaine du 8 avril 2024 », est-il précisé dans le communiqué.
Le groupe ajoute qu'il informera le marché en temps utile de l'avancée des discussions, de ses projets de cessions, ainsi que de l'évolution potentielle de sa structure du capital, qui « résultera d'un accord global et final de refinancement, pouvant inclure l'émission de nouveaux titres de capital, qui entraînera probablement une dilution des actionnaires existants », prévient Atos. « Le groupe a suffisamment de liquidités pour la conduite de ses activités jusqu'à la conclusion d'un plan de refinancement », tente-t-il néanmoins de rassurer.
Atos se dit toutefois également « en discussions avec ses créanciers concernant la mise en place d'un financement intérimaire, ce qui fournirait un coussin de liquidités supplémentaire au groupe dans l'attente de la conclusion d'un accord global ». Cela suggère, selon les analystes d'Octo Finances, que la trésorerie n'est « peut-être pas si confortable d'ici juillet 2024 ». Atos prévient que « ces circonstances créent une incertitude significative sur [sa] capacité à poursuivre son activité en continuité d'exploitation dans le cas où il ne serait pas en mesure de négocier un nouveau plan de refinancement ou de réaliser un programme important de cession d'actifs ». Encore une fois, Paul Saleh a essayé de rasséréner les investisseurs lors de la conférence avec les analystes, se montrant confiant dans la capacité d'Atos à trouver une « solution globale » avec ses créanciers. « Pas mal de solutions vont se présenter (…) et Atos aura son propre plan », a-t-il développé, précisant que toutes les solutions présentées seront étudiées.
Un duel à venir entre David Layani et Daniel Kretinsky ?
Celles-ci devraient inclure les projets que mûrissent Daniel Kretinsky et David Layani, président et fondateur de Onepoint, qui détient plus de 11% du capital depuis décembre. Après s'être retiré des négociations concernant TechFoundations -pôle où sont notamment logées les activités historiques d'infogérance du groupe- alors que la nouvelle direction menée par Jean-Pierre Mustier tentait de renégocier l'accord conclu, quelques mois auparavant, avec Bertrand Meunier, l'homme d'affaires tchèque préparerait une nouvelle offensive. Celle-ci viserait l'ensemble du périmètre Atos, soit TechFoundations et Eviden, à l'exception de l'entité BDS, dont les activités sont jugées stratégiques par l'Etat, qui n'exclut pas une nationalisation partielle de celles-ci. David Layani aurait un temps étudié cette possibilité, mais souhaiterait finalement se positionner sur l'ensemble du périmètre, BDS inclus.
« Mon projet est de faire d'Atos l'Airbus du cyber et du digital : la plateforme européenne du digital, de la cybersécurité et de l'intelligence artificielle, et le premier opérateur européen de cloud souverain, dans un marché émergent dominé par les Chinois et les Américains », détaille l'entrepreneur, dans un entretien accordé au Figaro ce dimanche. Pour mener à bien ce projet, David Layani devra convaincre à la fois la direction actuelle du bienfondé de son projet, les créanciers de remettre au pot et, enfin, l'Etat d'accepter que l'entité BDS, comprenant notamment les supercalculateurs (hérités de Bull) utilisés pour la simulation d'essais nucléaires et la gestion du parc nucléaire d'EDF, change de mains, au profit d'un acteur à la surface financière moins large qu'Atos. Du haut de ses 500 millions de revenus, Onepoint s'attaque de fait à un poisson vingt fois plus gros que lui.
La visibilité financière demeure réduite à néant, ce qui nous incite à rester à l'écart, au moins jusqu'à ce qu'un plan de refinancement soit entériné par les créanciers.
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