par Abhinav Ramnarayan et Pauline Renaud LONDRES, 3 avril (Reuters/IFR) - Plusieurs grandes sociétés de gestion européennes ont réduit leur exposition sur le marché des obligations d'entreprise et certaines sont même passées à la vente, estimant que les tensions s'accumulent sur une catégorie d'actifs qui a affiché des performances impressionnantes au cours des cinq dernières années à la faveur de taux d'intérêt toujours plus bas. Le malaise face aux prix élevés des obligations d'entreprise, dont de nombreux gérants estiment qu'ils ne reflètent pas leur vulnérabilité à des chocs de marché, a rendu plus difficile le placement de nouvelles émissions que les investisseurs s'arrachaient jusqu'il y a peu. Au delà des niveaux de valorisation élevés et d'écarts de rendement très faibles par rapport aux emprunts d'Etat de référence, théoriquement sans risque, les investisseurs s'inquiètent aussi de l'endettement de certains émetteurs. De plus, la Banque centrale européenne semble en voie de mettre un terme à son programme d'achat d'actifs dans le cadre duquel elle a acquis l'équivalent de 143 milliards d'euros de d'obligations d'entreprise depuis début 2016. "Il y a une forte vulnérabilité dans le marché des obligations d'entreprise en ce moment", a dit Mike Riddell, gérant chez Allianz Global Investors, dont les actifs sous gestion atteignent près de 500 milliards d'euros. "En Europe, la BCE (Banque centrale européenne) a soutenu le marché tandis qu'aux Etats-Unis et en Chine les taux d'endettement sont assez élevés. Si on laisse de côté les géants high techs comme Google, Apple et Amazon, qui ont des montagnes de cash, les chiffres sont nettement plus mauvais." Les achats de la BCE ont entraîné un écrasement des spreads des obligations d'entreprise par rapport aux taux de swap de référence qui sont tombés de 116 points de base début 2016 à 38 points de base en février. Il se sont un peu élargis depuis. Au plus fort de l'optimisme des investisseurs sur ce segment en Europe, courant 2016, le rendement moyen de l'indice Iboxx des entreprises non financières .IBBEU00EE était tombé à 0,69%. Il est remonté à 1,18% actuellement. Un marché baissier sur les emprunts d'entreprise constitue la conviction d'investissement la plus forte d'Allianz Global Investors, a dit Mike Riddell. Pour se positionner en conséquence, il est notamment à l'achat sur l'indice Itraxx des swaps de défaut de crédit (CDS) sur les créances subordonnées d'émetteurs financiers et sur l'indice CDX des obligations à haut rendement américaines. "Nous sommes aussi très sous-pondérés sur le marché au comptant des obligations d'entreprise. Notre indice de référence comporte environ un tiers d'obligations d'entreprise et notre exposition est actuellement légèrement inférieure à zéro", a-t-il précisé en référence à l'indice Bloomberg Barclays Global Aggregate. SIGNES DE TENSIONS Le boom du marché des obligations d'entreprise a été largement alimenté par les politiques monétaires ultra-accommodantes mises en place par les banques centrales après la crise financière de 2008 et, au sein de la zone euro, après celle des dettes souveraines de 2011-2012. La ruée des entreprises en vue de profiter des taux bas a entraîné une explosion des ratio d'endettement à travers le monde. L'endettement, toutes catégories d'émetteurs confondues, rapporté au produit intérieur brut (PIB) a atteint un pic de 210,5% en Chine et un plus haut de sept ans de 152% aux Etats-Unis, selon des données de la Banque des règlements internationaux (BRI). La tendance en Europe s'améliore un peu mais le taux d'endettement demeure à un niveau historiquement élevé de 160%. Les émissions d'obligations d'entreprise ont atteint 383,5 milliards d'euros l'année dernière, soit 45% de plus qu'en 2013, selon des données de Thomson Reuters. BNP Paribas Asset Management, dont les actifs sous gestion atteignent près de 570 milliards d'euros, est à la vente sur les obligations d'entreprises européennes, craignant un effet de contagion du marché américain. "Les entreprises américaines ont augmenté leur taux d'endettement mais beaucoup d'entre elles l'ont fait pour racheter leurs actions et cela pourrait être soumis à de fortes pressions", a dit Patrick Barbe, responsable des investissements obligataires en Europe de BNPP AM. "Les pressions sur le marché du crédit sont plutôt du côté américain, mais cela pourrait un jour ou l'autre affecter aussi l'Europe." Selon des données du Fonds monétaire international (FMI), le taux d'endettement net, qui rapporte la dette nette à l'Ebitda, des entreprises du S&P 500 avait atteint fin 2016 un niveau supérieur à celui qui prévalait avant la crise financière de 2008. Amundi, l'une des premières sociétés de gestion mondiales et la première en Europe avec 1.400 milliards d'euros d'actifs sous gestion, n'est pas à la vente sur les obligations d'entreprise mais elle a beaucoup réduit son exposition. "Nous avons été fortement à l'achat sur le crédit au cours des cinq à six dernières années. Nous avons toujours des positions à l'achat sur certains segments du marché, mais sensiblement moins que ce que nous avions par le passé", a dit Grégoire Pesques, responsable mondial de l'investissement sur les marchés du crédit d'Amundi. Pour la première fois depuis des années, les émetteurs font face à des réticences des investisseurs sur le marché des obligations d'entreprise syndiquées de 380 milliards d'euros par an, le principal canal de financement obligataire pour les entreprises. Ainsi, la firme britannique de services d'information Relx REL.L qui avait prévu une émission de 600 millions d'euros le 15 mars a dû revoir ses ambitions à la baisse à 500 millions d'euros. Dans un marché où les émetteurs avaient pris l'habitude de voir leurs opérations sur-souscrites deux voire trois fois, cela a fait l'effet d'un choc. Des banquiers ont dit à Reuters que des investisseurs allemands avaient récemment refusé de souscrire à de nouvelles émissions, arguant de la nécessité d'y voir un peu plus clair sur les perspectives du marché du crédit. "Les marchés ont été excellents pendant si longtemps", a dit un banquier chargé du placement sur le marché européen des obligations d'entreprise. "Les émetteurs doivent se préparer à des spreads plus élevés (par rapport aux taux de référence) à l'avenir et à des investisseurs encore plus sélectifs. Il va falloir revoir sa façon de penser." <^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ Corporate bond spreads show signs of stress https://reut.rs/2IWVLAV Credit-to-GDP global https://reut.rs/2GiYQd4 ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^> (Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)
Le marché des obligations d'entreprise en proie au doute
information fournie par Reuters 03/04/2018 à 12:41
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