Deux anciens dirigeants de l’entreprise Spanghero et deux négociants néerlandais sont poursuivis pour «tromperies» et «escroquerie en bande organisée». Ouvert en janvier, le procès des «lasagnes au cheval» touche à sa fin.
Y a-t-il eu entente frauduleuse entre l’entreprise française Spanghero et deux négociants néerlandais pour écouler de la viande de cheval pour du bœuf? C’est la question à laquelle doit répondre le tribunal correctionnel de Paris ce mardi. Six ans après les premières révélations, la justice va enfin statuer sur ce scandale alimentaire qui avait mis en lumière des failles dans la traçabilité de la viande en Europe. Deux anciens cadres de la société Spanghero, Jacques Poujol et Patrice Monguillon ainsi que leurs intermédiaires néerlandais, Johannes Fasen et Hendricus Windmeijer, sont soupçonnés d’avoir vendu entre 2012 et 2013 au fabricant de plats préparés Tavola plus de 500 tonnes de viande de cheval, la faisant passer pour du bœuf. Aux yeux du parquet, ces deux binômes de «professionnels de la viande» «ont organisé de concert» la fraude.
Selon le scénario déroulé par l’accusation, le négociant en viandes Johannes Fasen achetait du cheval roumain ou canadien, ensuite dépouillé de ses étiquettes dans les frigos néerlandais de son bras droit Hendricus Windmeijer. Cette viande partait pour l’ex-entreprise Spanghero à Castelnaudary, sans mention explicite de l’espèce chevaline ou de la provenance de la marchandise. Chez Spanghero, le directeur général Jacques Poujol et le patron de l’usine Patrice Monguillon «brouillaient encore plus la traçabilité», selon la procureure, en apposant des étiquettes laissant croire que la viande était transformée sur place. Elle était enfin réexpédiée à Tavola, au Luxembourg, étiquetée comme du boeuf. Jacques Poujol et Johannes Fasen avaient un intérêt financier «tout particulier» dans ces manœuvres, affirme le parquet, celles-ci permettant au premier de vendre le cheval au prix plus avantageux du bœuf et au second d’en «écouler de grandes quantités» en Europe de l’Ouest. Des marques comme Findus et Picard avaient alors découvert que les lasagnes et autres plats préparés «pur bœuf» qu’ils commercialisaient contenaient en fait, pour des milliers d’entre eux, du cheval.
Les peines requises par le parquet
Lors du procès qui s’est déroulé en janvier et février, le parquet a requis de la prison ferme contre les deux principaux prévenus, dénonçant une fraude aux «effets catastrophiques», «organisée de concert» entre les Pays-Bas et la France. Contre Johannes Fasen, «grand organisateur de la fraude», la procureure a requis quatre ans de prison avec mandat d’arrêt. Le sulfureux Néerlandais, déjà condamné aux Pays-Bas dans une affaire similaire avec H. Windmeijer, est menacé par deux autres affaires portant également sur de la viande de cheval. La magistrate a demandé trois ans de prison, dont deux avec sursis, contre Jacques Poujol, ainsi que la confiscation de plus de 870.000 euros saisis et son interdiction définitive d’exercer dans la viande en France, comme pour Johannes Fasen. Dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis ont été requis contre H. Windmeijer et deux ans avec sursis et 10.000 euros d’amende contre Patrice Monguillon.
Les parties civiles que sont les fabricants ou distributeurs de plats préparés, les représentants de la filière viande, les liquidateurs et associations de consommateurs, réclament, quant à elle, 40 millions d’euros de dommages et intérêts aux prévenus.
La défense des parties
Depuis le début du scandale, chacun des protagonistes se décharge de toute responsabilité. Contacté par Le Figaro en janvier, l’un des avocats de Jacques Pujol estimait que son client était la principale victime de cette affaire. D’après Maître Vey, le manque de transparence des partenaires néerlandais était tel que son client «ne pouvait pas savoir» que la viande était du cheval. Pour l’avocat pénaliste, la condamnation en 2012 de Johannes Fasen réunissant exactement «les mêmes conditions» de fraudes démontrait «la manipulation» dont son client avait été victime.
De son côté, la défense de Johannes Fasen réclamait la relaxe pure et simple. Le négociant néerlandais n’a jamais caché son activité de vente de cheval, avait indiqué son avocat. Pour preuve, le mot «Draap» présent dans la dénomination sociale «Draap Trading Ldt» ( la société de Johannes Fasen) est l’anagramme de «Praad» qui signifie «cheval» en néerlandais. Jan Fasen est même appelé «le roi du Cheval» avait-il ajouté.
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