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Simple avantage ou d'une libéralité rapportable à la succession ? Quand un appartement familial loué à l'un des héritiers à un loyer inférieur à celui du marché devient le cœur d'un conflit successoral.
Les faits à l'origine du litige
La succession de deux époux décédés respectivement en 1996 et 2007, donne lieu à un conflit familial entre leurs cinq enfants. Au centre du litige se trouve un appartement occupé par l'un des héritiers, Monsieur S, entre novembre 2003 et octobre 2015, en échange d'un loyer inférieur à celui du marché.
Les autres héritiers considèrent cette situation comme une donation indirecte, constituant un avantage à rapporter à la succession. Ils intentent une action en justice. La Cour d'appel condamne Monsieur S à rapporter la somme de 182.939 euros, correspondant à la différence entre le loyer payé et la valeur locative de marché sur cette période. En effet, pour la Cour d'appel, l'occupation de l'appartement à un tarif réduit par Monsieur S a appauvri l'usufruitier du bien, puis l'indivision successorale. Elle estime que cet appauvrissement témoigne de la volonté de gratifier Monsieur S, caractérisant ainsi une libéralité rapportable à la succession conformément à l'article 843 du code civil. Contestant cette décision, Monsieur S se pourvoit en cassation.
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse la décision de la Cour d'appel, en rappelant une règle fondamentale en matière de libéralité : pour qu'un avantage soit qualifié de libéralité rapportable à la succession, deux conditions doivent être réunies :
1. Un appauvrissement du disposant (ici, le propriétaire ou l'indivision)
2. Une intention de gratifier l'héritier bénéficiaire
Or, la Cour de cassation estime que la Cour d'appel a déduit l'existence d'une intention libérale de l'appauvrissement seul et rappelle que l'intention de gratifier ne saurait être présumée et doit être clairement démontrée. En effet, un simple avantage consenti ne suffit pas à établir une libéralité. L'intention libérale doit être prouvée. Pour cela, les juges doivent s'appuyer sur des éléments concrets pour qualifier une situation de libéralité, notamment en s'interrogeant sur les motifs et le contexte des avantages octroyés.
La Cour de cassation annule donc la condamnation Monsieur S à rapporter les 182.939 euros à la succession.
Source : Cour de cassation - 12 juin 2024 – Pourvoi 22-19.569
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