
Garder le silence en matière successorale peut être une mauvaise idée. (Crédits photo: Shutterstock)
Hériter ne se résume pas à recevoir un patrimoine : c'est aussi risquer de porter les dettes du défunt. Un simple oubli ou un délai dépassé peut transformer un héritage en piège financier, comme l'illustre cette affaire dans laquelle le syndicat de co-propriétaires du défunt somme les héritiers.
A l'ouverture d'une succession, chaque héritier a le choix entre trois options
Le droit français laisse à chaque héritier le soin de choisir, à l'ouverture d'une succession, entre trois options :
- Accepter purement et simplement la succession :
l'héritier reçoit alors tous les biens et droits du défunt, mais aussi toutes ses dettes, sans limite. Cela signifie que si les dettes sont supérieures à l'actif, l'héritier devra les payer sur ses biens personnels. Cette option est risquée si l'on ne connaît pas exactement la situation financière du défunt.
- Renoncer à la succession :
l'héritier renonce à tous les biens et ne récupère rien de la succession. En contrepartie, il n'a pas à payer les dettes du défunt. Il est alors censé n'avoir jamais été héritier aux yeux de la loi. Cette option est souvent choisie si la succession est manifestement déficitaire.
- Accepter la succession à concurrence de l'actif net :
l'héritier accepte la succession, mais ne paiera les dettes du défunt qu'à hauteur de ce qu'il reçoit. Si le patrimoine du défunt ne couvre pas toutes ses dettes, l'héritier n'a rien à payer en plus.
Cette liberté de choix est cependant encadrée par des délais précis, notamment lorsque l'héritier est sommé par un créancier de prendre parti.
Les héritiers sommés par le syndicat des copropriétaires, créancier du défunt
Dans cette affaire, les enfants d'un défunt sont sommés par le syndicat des copropriétaires — créancier du père décédé — de se prononcer sur leur option successorale. Conformément à l'article 771 du Code civil, cette sommation a été faite plus de deux ans après le décès. Les héritiers ne réagissent dans les deux mois suivants, et ne demandent pas de délai supplémentaire auprès du juge, comme le leur permettait pourtant l'article 772.
Résultat : ils sont juridiquement réputés avoir accepté la succession purement et simplement. Cette acceptation de plein droit les rend responsables des dettes du défunt, sans limitation. La Cour de cassation a donc confirmé leur condamnation à régler solidairement une créance de plus de 91.000 euros correspondant à des charges de copropriété impayées.
Un silence lourd de conséquences
La portée de cette décision est importante, notamment pour les héritiers confrontés à des successions complexes ou potentiellement déficitaires. La jurisprudence vient rappeler que l'inaction ne protège pas : au contraire, elle scelle l'engagement.
Le raisonnement de la Cour repose sur une lecture stricte du Code civil : une fois les délais expirés sans réaction de l'héritier, la loi présume son acceptation. Dès lors, toute tentative ultérieure de renoncer à la succession est irrecevable.
La Cour écarte par ailleurs une défense souvent avancée : tant qu'aucune décision judiciaire n'est intervenue pour constater cette acceptation, il serait encore possible de renoncer. Elle affirme ici que la présomption légale joue automatiquement, sans qu'un jugement constatant l'acceptation soit nécessaire pour la rendre effective.
Source : Cour de cassation - 5 février 2025 - Pourvoi n° 22-22.618
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