Alors que le gouvernement envisage la création d’un «impôt minimal différentiel», l’économiste Benoît Perrin dénonce une mesure qui fera fuir les créateurs de richesse.
Benoît Perrin est directeur général de Contribuables associés, association de défense des contribuables.
C’est en catimini que la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin révélait récemment son projet d’instauration d’un « impôt minimal différentiel ». Derrière ce terme savamment choisi se cache sans surprise un retour déguisé de l’impôt sur la fortune (ISF). Cette nouvelle prouesse administrative risque de faire entrer la fiscalité française dans une nouvelle ère d’absurdité. L’objectif ? S’assurer que les impôts payés atteignent au moins 0,5 % du patrimoine des contribuables les plus riches, hors biens professionnels. Autrement dit, si vous avez eu le malheur de travailler, d’épargner ou d’investir en France, il est temps de payer pour votre audace.
Derrière cette réforme prétendument « équitable » se cache une véritable usine à gaz. Quels seront les seuils exacts ? Qui sera réellement concerné ? Mystère. Mais une chose est certaine : pour s’y retrouver, l’administration fiscale va devoir embaucher des bataillons de contrôleurs et d’experts en décryptage de textes fiscaux. Si l’on s’aligne sur l’IFI (1,3 million d’euros de patrimoine net taxable), alors près de 170.000 foyers devront se soumettre à une nouvelle série de formulaires abscons et de calculs interminables. Et pour ceux dont le patrimoine est essentiellement immobilier ? Devront-ils vendre leur résidence principale ou certains actifs sous la pression d’une taxation toujours plus insatiable ? Faudra-t-il brader un appartement familial, liquider un terrain ou se séparer d’un bien hérité de plusieurs générations, simplement pour satisfaire l’administration fiscale ? L’histoire se répète : l’ISF avait déjà poussé certains contribuables «riches pauvres» à vendre leur résidence pour éviter de se retrouver étranglés, et voilà que l’on remet ça, comme si la première version n’avait pas suffi.
Si l’objectif de cette mesure était d’instaurer une instabilité fiscale chronique, alors mission accomplie ! Depuis la suppression de l’ISF , l’investissement productif avait enfin repris des couleurs. Mais pourquoi encourager l’innovation et la prise de risque quand on peut, à la place, faire fuir les entrepreneurs et les investisseurs ? Après tout, la France n’a-t-elle pas déjà une longue tradition de taxation punitive ? Le plus savoureux dans cette affaire, c’est qu’Amélie de Montchalin s’oppose à la «taxe Zucman» de 2 % sur les patrimoines des très riches, votée par les députés, au motif qu’elle serait confiscatoire et inefficace. Mais dans le même temps, elle propose un impôt minimal différentiel qui repose sur la même logique de taxation patrimoniale, sous un habillage différent. Si la taxe Zucman est un repoussoir, pourquoi alors imposer un dispositif tout aussi complexe et punitif ? Ce double discours illustre parfaitement l’incohérence de la politique fiscale actuelle : on refuse une taxe affichée comme idéologique, tout en instaurant un prélèvement qui en reproduit les effets sous une autre forme. La seule différence : le vernis technocratique qui permet d’en masquer la véritable nature.
Cette réforme marque une nouvelle étape dans l’art français de la taxation inventive. Chaque gouvernement détricote les réformes précédentes pour les remplacer par des dispositifs toujours plus complexes et punitifs. Aujourd’hui, on nous vend un impôt «minimal». Demain, ce seuil sera relevé. Et après-demain, pourquoi ne pas établir un impôt maximal garanti ? Avec ce retour en arrière magistral, la fuite des investisseurs et des entrepreneurs ne sera plus une simple hypothèse, mais une certitude. Alors que l’Allemagne allège sa fiscalité pour attirer les capitaux, que l’Italie met en place des régimes fiscaux avantageux pour les expatriés et que le Royaume-Uni maintient un climat pro-business, la France, elle, semble déterminée à faire fuir ses créateurs de richesses. Pourquoi investir ici quand on peut, ailleurs, bénéficier d’une fiscalité stable et prévisible ? Nous déroulons non pas un tapis rouge, mais bien un tapis de clous pour ceux qui auraient encore l’envie saugrenue de rester.
Face à cette spirale absurde, une question se pose : veut-on une France qui encourage la prospérité, l’innovation et la création d’emplois ? Ou une France qui, par une fascination quasi maladive pour la fiscalité, s’obstine à repousser ceux qui pourraient réellement contribuer à son dynamisme économique ? Si cette taxe au doux nom d’«impôt minimal différentiel» venait à être adoptée, elle ne serait pas seulement une erreur. Elle serait une caricature de la politique fiscale française : punitive, contre-productive et parfaitement fidèle à notre réputation de champion du matraquage fiscal . Un beau gâchis en perspective.
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