Les ventes dans ces commerces de bouche reposent pour moitié sur les plus de 60 ans, selon une étude de Kantar publiée cette semaine.
Assis sur une petite chaise au fond de sa boutique, Thierry, comme tout bon maraîcher, contemple avec curiosité le petit monde qui passe devant ses étals de pommes, tomates et autres oranges. Ici, à quelques pas des Grands Boulevards, il voit déambuler dans son commerce tout Paris : des cols blancs, des touristes, des habitués, des nouveaux venus, des jeunes, des retraités. Mais davantage de retraités... «Les jeunes travaillent, ils n’ont pas forcément le temps, ni l’argent de faire des courses. Et puis, ils mangent beaucoup de plats tout préparés», assène-t-il. S’il ne crie pas au catastrophisme, Thierry a bien conscience que les habitudes de consommation ont changé depuis quelques années.
Ce constat, il est loin d’être le seul à le faire. Cette semaine, l’institut Kantar a justement mis des chiffres sur ce ressent i. «50% du business des produits frais traditionnels repose sur les clients de plus de 60 ans», détaille une note du sondeur dévoilée mardi. Les habitués des boucheries, poissonneries, et des commerces de fruits et légumes frais sont donc avant tout des seniors. Une habitude ancrée dans leur quotidien, alors que les jeunes générations ne représentent qu’une petite partie du marché, faute de temps, de budget et de savoir-faire culinaire. «Les plus jeunes n’ont pas les codes» , souligne notamment Kantar.
De quoi générer un brin d’inquiétude pour le futur de ces commerces. D’autant plus que les ventes des produits frais traditionnels ont chuté de 1,5% en 2024. Une baisse qui s’inscrit dans une tendance de fond qui a débuté il y a cinq ans, accentuée par l’inflation, le retour des ménages dans les restaurants après le Covid, et la montée en puissance des plats tout préparés. Dans le détail, la consommation totale de la viande de boucherie a ainsi reculé de 3,7% en 2023. Pour les produits de la mer, la situation est encore plus alarmante : les dépenses des ménages diminuent de 7% par an.
La majorité des ventes concernent des produits prêts à cuisiner
Face à cette évolution des modes de consommation, Arthur Charistin, vice-président du syndicat OPEF (Organisation des Poissonniers Écailleurs de France ), se veut tout de même rassurant et souligne que la clientèle des 28-55 ans reste une part importante du marché. «Il ne faut pas oublier que cette tranche d’âge représente encore 50% des clients. Mais il est vrai que les modes de consommation évoluent : depuis dix ans, la majorité des ventes concernent des produits à réchauffer ou semi-bruts, prêts à cuisiner», détaille-t-il .
«En achetant de la viande ou du poisson chez un boucher ou un poissonnier, il faut du temps et l’envie de cuisiner. Et c’est plus le cas des retraités, pour qui la cuisine occupe et amuse», analyse-t-il . Avant d’ajouter : « les personnes âgées ont moins de charges et de dépenses. Elles ont donc plus d’argent à mettre dans des produits de qualité». Un point central quand on sait que le prix est une variable clé dans l’acte d’achat. Une étude de l’Insee publiée fin 2023 montrait que l’inflation avait notamment poussé nombre de ménages à changer leurs habitudes de consommation. Et notamment en mangeant des produits moins onéreux.
L’essor du «bien manger»
Outre cet aspect purement financier, certains commerces tentent tout de même de draguer la plus jeune clientèle en jouant sur ces nouvelles habitudes de consommation. « On a un service traiteur, avec des plats tout préparés, et ça nous permet d’avoir des jeunes actifs, qui viennent chercher un déjeuner à emporter pour manger au bureau, pas forcément très cher, et plutôt sain. »
Paradoxalement, les réseaux sociaux jouent un rôle grandissant dans la sensibilisation des jeunes générations au «bien manger» . «Les consommateurs sont de plus en plus conscients qu’il vaut mieux manger deux tranches de jambon de qualité que quatre tranches d’un produit transformé» , analyse Arthur Charistin. Les émissions culinaires ont elles aussi eu un impact sur cette nouvelle manière de penser : «Avec ces programmes les gens s’intéressent beaucoup au culinaire», explique-t-il. Avec néanmoins quelques limites. «Comme personne ne sait désosser une viande, ou préparer un poisson, ils veulent des produits semi-bruts, prêts à cuisiner. Les artisans ont donc dû s’adapter à ce besoin » .
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