
(Crédits: Pexels - Snapwire)
L'Unesco doit déterminer cette semaine au Paraguay si ce métier, qui a très peu évolué depuis sa création et se pratique dans des conditions très particulières à Paris, mérite d'être classé au patrimoine mondial de l'humanité.
«S'il devait nous rejoindre, mon grand-père ne serait pas très dépaysé, ni par notre poste de travail, ni par notre équipement» , explique avec un sourire Rémi Riccoboni, en visite de chantier sur un toit parisien du 10e arrondissement, rue des Petites Écuries. Issu d'une lignée de couvreurs, il a repris l'entreprise familiale qui porte son nom il y a près de 20 ans, quittant son emploi salarié pour prendre le relais de son père parti à la retraite. La société qui compte une soixantaine de salariés et travaille surtout dans la capitale est la seule entreprise parisienne de ce type labellisée Entreprise du patrimoine vivant .
«Nous sommes toujours installés sur un petit abri posé sur les toits pour travailler les mêmes feuilles de zinc de 2 mètres sur 65 centimètres, avec la même plieuse, précise l'artisan. La seule chose qui a changé, c'est que cet outil basique pour plier les feuilles de zinc est désormais en aluminium pour sa légèreté et non plus en bois.» D'ailleurs, les planches du plan de travail sont, elles, toujours en bois et affichent plus de 80 ans au compteur. Mais pourquoi donc cette profession a-t-elle aussi peu évolué et prétend-elle être inscrite au patrimoine immatériel de l'humanité? «C'est un geste séculaire qui a très peu évolué, souligne Rémi Riccoboni. À Paris, tout est plus difficile: il n'y a pas de place, pas de grue, l'accès est compliqué et les toits sont particulièrement imbriqués. Tout se fait sur site avec peu de matériel, le moins de poids possible et une matière brute pour faciliter son acheminement et sa manipulation.»
Gouttière anglaise et œil-de-bœuf
Alors que pour la plupart des chantiers hors de la capitale, une grosse majorité du travail se réalise en atelier avec des plaques rivetées entre elles, on pratique toujours la «pose en feuilles sur tasseau» à Paris. Le tasseau, c'est ce morceau de bois trapézoïdal sur lequel se fait la jonction de deux feuilles de zinc, permettant au métal de se dilater. Et ce sont ces fameux tasseaux qui créent ces rainures typiques que l'on voit sur les toits parisiens en zinc. Autre élément typique de la ville Lumière, malgré son nom: la gouttière anglaise. Cette grosse gouttière demi-ronde en zinc avec son ourlet renforcé sur le bord extérieur doit permettre d'éviter les remontées d'eau en cas de forte pluie sur les toits haussmanniens. Sans oublier le travail des ornemanistes, ces artisans qui fabriquent œils-de-bœuf, lucarnes et autres parures de faîtage et dont le savoir-faire doit aussi être classé par l'Unesco.
Mais malgré l'esthétique et la poésie des 128.000 toits de la capitale couvrant une surface totale de 32 millions de m², dont 21,4 millions de m² de toits traditionnels en zinc et autres matériaux, selon l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), tout n'est pas rose au pays des couvreurs-zingueurs parisiens. «C'est un métier difficile qui se pratique sur les toits toute l'année et qui devient encore plus pénible l'été, admet Rémi Riccoboni. C'est un geste difficile à acquérir: il faut 5 à 7 ans pour bien travailler et 10 à 12 ans de pratique pour être pleinement opérationnel. Je note même que c'est souvent hors de portée pour des personnes en reconversion tardive dans la vingtaine.» Résultat: la profession manquerait en permanence de 500 couvreurs à Paris. Et ils sont d'autant plus difficiles à recruter que la différence de salaire avec la province a eu tendance à s'amoindrir, contrairement aux différences de coût de la vie.
Surveiller la qualité du zinc
C'est d'ailleurs pour relancer l'attractivité du métier que la profession avait tenté sans succès de faire classer les toits de Paris l'an passé avant de réajuster le tir cette année en tentant de faire classer plus spécifiquement le métier. Et si les bases du savoir-faire sont immuables, avec pour bien des artisans un parcours de compagnon et le recours à des matériaux traditionnels tels que le zinc, l'ardoise et le plomb (irremplaçable à Paris pour les balcons filants), la profession connaît néanmoins quelques évolutions notables. Principalement l'intégration d'un isolant dans la toiture. «Il y a 10 ans encore, nous n'intervenions que pour des problèmes d'usure et d'étanchéité, explique Rémi Riccoboni, désormais la question de l'isolation et des performances énergétiques est centrale.» Ce qui vient encore alourdir la note. Là où le m² de toiture finie coûte déjà près de 400 euros HT, on peut y rajouter 150 euros avec un bon isolant car en plus du matériau il faut souvent une intervention lourde sur la toiture. Sur le chantier en cours, pour une belle copropriété classique d'une vingtaine de lots, la facture devrait s'élever à près de 500.000 euros.
Dernière évolution, le zinc lui-même et cette fameuse feuille de 0,65 mm d'épaisseur. «Il faut s'assurer de la qualité et de la provenance du zinc, précise le patron de Riccoboni. La propreté du laminage peut faire toute la différence car ce sont les impuretés qui vont créer des défauts dans les feuilles débouchant sur une oxydation et finalement une micro-perforation.» D'ailleurs si la feuille contient toujours au minimum 98% de zinc, les 2% restant avec du cuivre et du titane plus quelques ingrédients secrets selon les fabricants peuvent faire la différence pour prolonger la longévité déjà remarquable de ce matériau.
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