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Pourquoi la voiture électrique inquiète certains garagistes
information fournie par Le Figaro 23/03/2021 à 06:00

(Crédits photo : Unsplash - VanveenJF )

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Le succès de ces véhicules va obliger les professionnels du service automobile à revoir leur modèle.

La voiture électrique semble avoir beaucoup d'arguments pour elle : écologique, fiable, plus économe à long terme, agréable à conduire et silencieuse. Pourtant chez les garagistes, l'arrivée de ces nouveaux véhicules ne suscite pas le même enthousiasme, bien au contraire.

En effet, pour ces professionnels du service automobile, les prestations sont beaucoup moins nombreuses : peu d'usure des rares pièces qui constituent le moteur, plus de vidange, moins de plaquettes de frein à remplacer grâce au freinage régénératif, etc. «Le volume d'intervention sur les véhicules électriques est moitié plus faible que sur les véhicules à essence. En termes de pièces, c'est le même résultat», confirme Jocelyn Gombault, responsable de projet à l'Observatoire des Métiers des Services de l'Automobile. Pour l'heure, l'observatoire manque de recul sur ce marché encore jeune et les données sont prospectives - elles s'appuient toutefois sur le retour d'expérience des concessionnaires en Norvège. Ce pays, précurseur, a déjà électrifié plus de la moitié de son parc.

Des données qui peuvent donc légitimement inquiéter certains professionnels surtout quand ils constatent l'explosion du 100% électrique. En 2020, les ventes ont presque triplé pour une part de marché qui s'élève désormais à 6,7% selon le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA). « C'est inquiétant tout ça, notre profession va s'écrouler, des milliers voire des millions de licenciements sont à prévoir : toute la chaîne constructeur, pièces, maintenance risque de s'effondrer », partage un garagiste indépendant. Au-delà de la baisse d'activités, les professionnels s'interrogent également sur les compétences nécessaires pour la prise en charge de ces nouveaux véhicules.

Redéfinir la proposition de valeur

Des « formes de crainte » que Julien Gouraud, Directeur Réseau chez Midas, entend souvent chez ses franchisés sans pour autant les partager. Pour le directeur de cette franchise qui compte 360 points de vente « la première étape est de démystifier cette technologie ». «L'électrique est un axe de développement déjà engagé chez Midas (…) nos entrepreneurs ont également l'expérience des batteries avec le 'start and go' - qui est une forme de première électrification du véhicule. Il y a également l' hybride, pris en charge depuis un certain temps déjà», rassure-t-il.

Pour autant, des transformations profondes au sein du groupe sont engagées : « L'arrivée de l'électrique nous force à changer notre business model », partage Julien Gouraud. Pour Midas, face à la baisse des prestations due à l'arrivée de l'électrique, il s'agit de « trouver d'autres modes de fonctionnement » . Ainsi la franchise cherche par exemple à se spécialiser sur la prise en charge des flottes de véhicules électriques : 800 Smart du réseau d'autopartage ShareNow sont ainsi entretenues par Midas en région parisienne. Sur le plan des compétences et de la formation nécessaires à la prise en charge de l'électrique, l'enseigne met depuis 2020 en place des « plateformes qui permettent de mutualiser les savoir-faire ». Chaque franchisé qui rencontrera un problème sur un véhicule électrique pourra contacter cette plateforme tenue « par des profils différents, ingénieurs automobiles, techniciens électrotechniques ».

Les autres réseaux de franchisés ne sont pas en reste et anticipent également ces changements dus à l'explosion de l'électrique : « cette accélération implique un certain bousculement » confirme Eric Terefenko, le président de Speedy. L'enseigne, elle, pense notamment à redéfinir sa proposition de valeur, auprès d'une cible renouvelée : «Les clients seront plus variés : on aura des particuliers, mais aussi des petits utilitaires du dernier kilomètre, proche du centre-ville. On pense aussi à d'autres prestations comme l'échange standard de batterie ».

Mais si les grands réseaux comme Speedy et Midas peuvent se permettre des investissements importants sur la formation, la recherche et développement et la réorientation de leur modèle d'affaires, il semble plus difficile pour les indépendants, moins accompagnés, de faire face à l'arrivée de l'électrique. « Quand on mesure les moyens financiers qu'on met en œuvre, les plans de formations, oui, je préfère être du côté d'une franchise » confie Julien Gouraud.

Des évolutions encore incertaines

Il reste cependant une grande incertitude sur le temps que ces évolutions mettront à se généraliser. « L'explosion sera alignée sur l'évolution des infrastructures », assure le président de Speedy, pour qui le réseau de bornes est à ce jour, trop limité. Le renouvellement du parc automobile mettra lui aussi un temps certain à se faire. En effet, même si l'on a constaté un bond de l'électrique en 2020, il faut, pour Philippe Debouzy, président de la branche artisans au Conseil National des Professions de l'Automobile, prendre garde à ne pas surinterpréter le phénomène : « Le confinement à repousser les décisions d'achat du fait de l'incertitude du contexte. La part de marché de l'électrique a augmenté certes, mais ceux qui ont changé sont aussi ceux qui en avaient les moyens» .

Pour la survie des garagistes, cette transition devra se faire de façon progressive. En effet, la profession a déjà été durement touchée par la crise : avec les confinements et le télétravail, les Français ont moins pris leur voiture ce qui a réduit les accidents et accrochages de même que les dépenses pour l'entretien. Ajouté à cette baisse exceptionnelle, et à l'arrivée de l'électrique, Philippe Debouzy fait remarquer qu'une baisse structurelle était déjà en cours dans le secteur depuis une dizaine d'années : « il y a moins de garages qu'avant car moins de pannes, les voitures sont plus fiables et durent de plus en plus longtemps. Alors qu'une voiture avait des gros soucis à partir des 100.000 km, aujourd'hui les ennuis arrivent autour des 250.000km ». Une double peine puisque cette fiabilité est notamment due à l'électronisation à outrance des véhicules : une évolution qui profite davantage au technicien électrotechnique qu'au garagiste.

Un horizon plutôt sombre pour ce métier donc. Toutefois, cette contraction du marché en cours arrive au moment même où les départs à la retraite dans la profession vont être particulièrement nombreux : « Sur la période 2020-2030, on atteindra un niveau jamais connu » affirme Jocelyn Gombault ; une bouffée d'air pour les jeunes générations de garagistes.

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