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Des maçonnes qui tentent de construire une Argentine moins machiste
information fournie par Le Figaro 09/07/2021 à 06:00

En 10 ans, le nombre de femmes ouvrières du bâtiment a plus que doublé dans ce pays. Une partie d’entre elles s’organisent en groupes féministes.

Barbara tire sur une corde pour soulever des seaux pleins de sable jusqu’au toit. Sur ce chantier de Buenos Aires, des femmes ouvrières du bâtiment non seulement construisent des maisons, mais déconstruisent aussi le machisme en Argentine. «Être une maçonne me rend heureuse car pendant longtemps on a dit aux femmes qu’elles ne pouvaient pas l’être. J’aime le dire à mon père, qui est le plus surpris et qui y croyait le moins!» , raconte Barbara Burruchaga, 21 ans, dreadlocks blondes, sur un chantier de rénovation d’un vieux centre culturel de la banlieue de la capitale. Selon le syndicat argentin des ouvriers du bâtiment, le nombre de femmes a augmenté de 131% entre 2003 et 2010, mais elles ne représentent que 5% des effectifs. L’Argentine est cependant une exception en Amérique latine: au Mexique par exemple, les femmes ne représentent que 0,4% des ouvriers du bâtiment.

Vêtue de son bleu de travail, Barbara fait partie de «Déconstruction dissidente», un collectif de huit femmes et membres de la diversité sexuelle ouvrières du bâtiment. Sur le chantier, un haut-parleur crache de la cumbia et un récipient à maté, une boisson typique argentine, tourne de mains en mains pendant que les ouvrières s’activent à abattre un mur à la masse ou à remuer du ciment à la pelle. Le patriarcat «juge que nous n’avons pas la force pour ces tâches-là» , déplore Eva Iglesias, 36 ans, qui ne définit pas son genre et préfère être appelée Evit. Mais «les maçons ne sont pas tous musclés et grands, il y a beaucoup de petits avec du ventre!» , lance-t-elle. La plupart ont mal au dos «mais comme ils n’ont pas le droit de paraître faibles, ils ne le disent pas» .

Un groupe Facebook

De nombreux collectifs de maçonnes se sont créés ces dernières années en Argentine. Valeria Salguero, une coiffeuse de 34 ans, ne savait pas comment réaliser une chambre supplémentaire pour sa fille et voulait, par souci d’économies, le faire elle-même. Elle a créé le groupe «maçonnes, une affaire de femmes» sur Facebook pour demander des conseils pratiques. Le résultat a été «complètement fou», raconte la trentenaire à la coiffure en crête. En un mois, elle comptait près de 6.000 adeptes, pour la plupart des mères célibataires - même d’Uruguay ou du Costa Rica - désireuses d’apprendre à bricoler dans leur maison. Elles ont désormais à disposition «un espace virtuel» avec des experts «pour répondre» à toutes leurs questions, explique Mme Salguero.

Elle dit avoir reçu des commentaires sexistes tels que «va faire la vaisselle» ou «féminazi» mais, surtout, elle a été contactée par une entreprise internationale de construction qui lui a proposé de former et d’encadrer une équipe de femmes. Carolina Gutiérrez, architecte et maçonne de 37 ans, défend les «ouvrages séparatistes» , comme elle nomme ceux exclusivement réalisés par des mains féminines. «Quand il y a des hommes et des femmes, ce sont automatiquement elles qui font la partie nettoyage» , relève-t-elle, énumérant également le harcèlement et l’inégalité salariale. «Il reste encore un long chemin à parcourir» pour parvenir à une égalité totale dans le travail.

La municipalité d’Avellaneda, au sud de Buenos Aires, a employé en avril vingt femmes âgées de 29 à 59 ans qui avaient reçu une formation en maçonnerie du gouvernement, dans une équipe mixte à salaire égal avec les hommes. Sous son casque jaune, Andrea Figueras coordonne les travaux réalisés par les femmes. Elles sont «plus perfectionnistes» , dit-elle, gardent le chantier plus «propre» et ne perdent presque jamais d’outils. Mais elle souligne la difficulté pour elles une fois de retour chez elle: «Il y a les enfants, la nourriture, le repassage... Les hommes eux rentrent chez eux et se font servir le repas. Il faut aussi l’égalité des tâches dans les foyers» , revendique-t-elle.

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