
(Crédits: Wikimedia Commons - Lionel Allorge)
Après avoir testé partiellement la technologie sur la construction de maisons, un bailleur social se lance dans la construction intégrale d'un immeuble avec une imprimante 3D. Un chantier réalisé dans la région de Reims.
Au milieu du chantier, courbé devant son ordinateur portable comme un DJ, un ouvrier supervise un portique robotisé pour l'impression 3D béton d'un immeuble de logements sociaux, première en France pour ce type de bâti, à l'écho international. «C'est un petit peu la même chose que l' imprimante 3D que chacun peut avoir chez soi, sauf qu'elle est géante puisqu'elle va englober tout le gabarit du bâtiment à construire» , résume Jérôme Florentin, directeur de la maîtrise d'ouvrage et de l'aménagement chez Plurial Novilia. Cette filiale du groupe Action Logement est à la manœuvre pour ce projet de bâti à loyers encadrés à Bezannes, bourgade proche de Reims (nord-est), métamorphosée depuis l'implantation d'une gare TGV.
Il y a donc un portique amovible (11 mètres de haut, 12 de large) et «une tête d'impression va imprimer tous les murs» , poursuit ce responsable. Les murs qui s'élèvent sont des rangées superposées d'une pâte molle et grise qui sort de «l'imprimante» puis se solidifie. «L'encre» , c'est «un vrai béton, avec des granulats, des cailloux qui viennent de carrières en provenance de la région» , décrit le directeur de la maîtrise d'ouvrage. L'impression 3D béton n'est pas nouvelle en France (ni ailleurs), cette technologie ayant accouché d'une tour de bureaux près de Valenciennes (nord) ou de maisons déjà proposées par le même bailleur social à Reims .
Coopération internationale
Mais cette fois, les murs ne sont pas livrés tout faits (comme pour les maisons), ils naissent sur le terrain. Et l'ambition est toute autre: un immeuble de 9 mètres de haut (du rez-de-chaussée au 2e étage) avec 12 logements pour 800 m² habitables au total. Une coopération internationale prouve que le produit final - prévu pour le premier trimestre 2026 - sera décortiqué bien au-delà des frontières françaises. Aux côtés de l'architecte hexagonal (collectif Hobo) et d'une entreprise française (Demathieu Bard), on trouve au casting une technologie allemande ou encore un portique danois (Cobod).
Casque jaune sur le crâne, Chikaeze Ugwu, ingénieur appliqué chez Peri 3D Construction (société allemande), est un des deux ouvriers allemands qui supervisent le portique. Tablette numérique à la main, pendant que son compatriote Simon Wein est devant son ordinateur portable, entouré par le portique en mouvement: on est loin du cliché grue-truelle-coffrage. Les nuisances sonores sont d'ailleurs minimes par rapport à un chantier classique. «Ici sur ce chantier on économise 10% de matériaux du fait de la liberté de design permise par la 3D avec des formes arrondies» , quand l'angle droit règne dans le bâti traditionnel, expose Hélène Lombois-Burger, directrice recherche et développement bétons et granulats chez Holcim (groupe suisse). Le robot «peut imprimer la forme qu'on souhaite avoir, dans le bâti traditionnel on est limité avec des coffrages spécifiques à faire» , note Nicolas Bouillard, directeur régional adjoint de Demathieu Bard.
30% de surcoût
Cette compagnie est en charge des travaux qui échappent au robot (cage d'ascenseur, d'escalier, planchers, poutres, etc.). «On va gagner à peu près 3 mois sur le délai global par rapport à la technologie habituelle» , brosse Jérôme Florentin. Qui n'élude pas l'écueil: sur ces projets-prototypes, le surcoût de construction «est de l'ordre de 30% encore par rapport à un bâtiment traditionnel» . Écart qui devrait être gommé «dans 5 à 10 ans» selon lui. L'investissement global est de 4,5 millions d'euros, englobant un bâtiment similaire construit traditionnellement, pour comparer. Le surcoût tient aussi au béton à qui «on demande de pouvoir tenir les charges et aussi d'être bas carbone» , éclaire Hélène Lombois-Burger. «Mais c'est un bâtiment qui peut être livré plus tôt avec des rentrées de loyers qui vont arriver plus rapidement» , appuie Jérôme Florentin.
Une productivité accrue avec un personnel divisé par deux par rapport à un chantier classique d'après lui. Faut-il craindre une casse de l'emploi ? «Le bâtiment est moins attractif, on a du mal à recruter» , relativise Nicolas Bouillard. «Plus personne n'a envie de se retrouver dans un environnement avec port de charges lourdes, poussière, risques physiques, bruit» , prolonge Hélène Lombois-Burger. Et d'ajouter: «On va créer des emplois qualifiés, par exemple pour la confection ou l'entretien du robot.»
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