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Cacao: «il n’est plus possible de consommer avec des œillères»
information fournie par Le Figaro 01/10/2019 à 06:59

Cacao: «il n’est plus possible de consommer avec des œillères» (Crédits photo : Unsplash - Rodrigo Flores )

Cacao: «il n’est plus possible de consommer avec des œillères» (Crédits photo : Unsplash - Rodrigo Flores )

INTERVIEW - À l'occasion de la Journée mondiale du cacao qui se tient ce mardi, Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar France, appelle les consommateurs à se tourner vers le chocolat équitable. Une urgence aussi bien sociétale qu'écologique, à l'heure où la filière cacao est menacée par le réchauffement climatique.

LE FIGARO - Max Haavelar annonce une hausse du prix minimum garanti pour le cacao et de la prime de développement. Dans quelle proportion?

BLAISE DESBORDES - Après deux ans de consultation avec tous nos partenaires, nous avons décidé d'augmenter le prix minimum garanti de 20%: on passe de 2000 dollars la tonne de cacao à 2400 dollars la tonne. Nous augmentons aussi la prime de développement. Elle représente 200 dollars et on la remonte à 240 dollars. À cela s'ajoute une prime de 300 dollars pour le bio.

À quoi servent concrètement le prix minimum et la prime d'investissement?

Le prix minimum est un filet de sécurité qui garantit que les coûts de production sont au moins couverts. C'est le pilier central de la philosophie du commerce équitable. Car le drame de beaucoup de denrées agricoles au Sud c'est que, du fait du trading, de la concurrence entre les différents pays, il arrive que la denrée soit achetée en dessous des coûts de production. Ceci est massivement destructeur de l'agriculture familiale et des petits planteurs. La prime de développement permet quant à elle à la coopérative d'investir dans son avenir: soit dans son outil de travail, car la demande de fèves est de plus en plus qualitative, soit dans les services sociaux, comme les écoles.

Pourquoi avoir pris la décision d'augmenter ces deux outils cette année?

Nous avons fait le constat que sur le terrain, l'agriculture familiale n'a pas les moyens de prendre en main son destin car elle est corsetée dans un cadre de prix bas. Il y a de grands contrastes entre Amérique du Sud et Afrique de l'Ouest, liés à la qualité et au terroir, mais le constat est global. Les 5,5 millions de planteurs continuent à vivre mal et restent collés dans la trappe à pauvreté.

Quelle est aujourd'hui la part du cacao équitable dans le commerce mondial de cacao?

Sur les 4,5 millions de tonnes de cacao produites dans le monde, la production de cacao équitable représente 430.000 tonnes, produites par 260.000 producteurs. On arrive à vendre à peu près la moitié aux conditions du commerce équitable, avec des acheteurs prêts à payer le prix minimum et la prime de développement. Si demain on a des grandes marques qui s'engagent, cette part va augmenter.

La hausse du prix minimum ne va-t-elle pas freiner le développement de ce marché en entraînant une hausse du prix du chocolat vendu en rayon?

Non! La part de l'achat des fèves dans une tablette de chocolat est relativement modeste. Aujourd'hui, le coût d'achat des fèves, c'est 5 à 10% du coût d'une tablette. Il y a tout à fait la possibilité de payer le prix minimum sans impacter le consommateur.

Quelles sont les principales contraintes au développement du cacao équitable?

Le développement du marché équitable demande un changement culturel. Aujourd'hui, les denrées agricoles deviennent un objet abstrait et anonyme de spéculation. Il y a eu 30% de rendement sur le cacao à la Bourse de Londres l'an dernier! Les négociants sont habitués à faire des grosses marges. Il faut que cette donne change. Il faut améliorer les termes de l'échange. Cette bataille peut être gagnée, les clignotants sont au vert. Le problème, c'est que dès qu'on touche au portefeuille, à la marge, au business-model, tout devient compliqué. Les gouvernements pourraient aussi faire plus. Ils pourraient être les premiers sponsors d'une démarche collective d'amélioration. À ce titre, l'initiative de la Cote d'Ivoire et du Ghana, qui représentent 65% de la production mondiale, va dans le bon sens. Les deux pays ont annoncé un prix minimum pour le cacao. C'est une façon de dire aux acheteurs qu'ils doivent raisonner en matière de revenu suffisant pour les producteurs.

Et quel est le rôle du consommateur?

Il est central. Ce qui freine les acheteurs, c'est la demande du consommateur. Toutes les marques attendent d'être sûres que leurs consommateurs sautent le pas. Beaucoup de choses dépendent du geste d'achat. Si les consommateurs envoient des signaux, ils peuvent être certains que l'industrie et la distribution feront des efforts pour proposer un prix accessible et une gamme diversifiée. Il faut que le consommateur prenne l'habitude de retourner sa tablette et de lire ce qu'il y a écrit derrière. Il n'est plus possible que nous consommions avec des œillères.

La culture du cacao est menacée par le réchauffement climatique. Le commerce équitable est-il l'une des solutions pour faire face à ce défi?

Oui, les deux sujets sont liés. Les producteurs de cacao souffrent en effet de la double peine. Installés sur la ceinture intertropicale, ils comptent parmi les plus pauvres de la planète et sont les plus touchés par les changements climatiques. À terme, cela va désorganiser et appauvrir la société. Il faut donc donner les moyens aux producteurs de faire face aux défis. C'est ce que permet le commerce équitable. La prime de développement aide à assurer la pérennité de l'exploitation. Et le prix minimum va permettre de créer les conditions du développement durable en favorisant des modèles agroécologiques.

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