
Désireux de sécuriser l’avenir de Christine en cas de décès, Antoine souhaite désormais mettre en commun leur patrimoine et assurer une meilleure protection juridique pour sa conjointe. ( crédit photo : Getty Images )
Sommaire:
- La situation d’Antoine, marié sous le régime de la séparation de bien et désormais retraité
-
Ce que dit la loi concernant l’occupation de la propriété principale pour les couples mariés -
Choisir un régime matrimonial plus protecteur pour Christine - Antoine réfléchit à faire une donation entre époux
- La piste de la donation-partage avec Baptiste est envisagée par la famille
- Rédiger un testament clair et personnalisé
- Optimiser la transmission via un contrat d’assurance-vie
- Conclusion: protéger son conjoint, c’est protéger son couple et son patrimoine
La situation d’Antoine, marié sous le régime de la séparation de bien et désormais retraité
Antoine, 65 ans, et Christine, 63 ans, ont bâti leur vie ensemble. Ils se sont mariés en 1984 sous le régime de la séparation de biens. Antoine, déjà chef de son entreprise dans le BTP à ce moment-là, a voulu préserver le patrimoine personnel de sa femme en cas de dettes professionnelles. En 1990, ils accueillent un enfant, Baptiste. Le couple s’installe alors dans une maison à 10 kilomètres du centre de Tours et proche des locaux professionnels d’Antoine. Antoine achète seul la résidence principale, grâce à un héritage et aux fruits de son travail. Puis en 2010, Antoine acquiert un deux-pièces dans l’hypercentre de Tours, pour y installer son fils alors étudiant en droit à l’Université de Tours.
Désormais, les choses ont changé: Antoine a cédé son entreprise et vient de prendre sa retraite. Il perçoit sa pension de retraite mensuellement sur son compte. Il dispose d’un patrimoine financier de 200.000 euros placé sur son contrat d’assurance-vie. Il a terminé de rembourser ses crédits immobiliers concernant la maison et le T2, respectivement évalués à 400.000 euros et 160.000 euros. De son côté Christine, professeure de lycée, n’a jamais été associée officiellement à la propriété de ces deux logements.
Antoine regarde l’avenir avec lucidité. Il sait que s’il vient à disparaître prématurément, Christine ne dispose pas de droits immédiats sur leur résidence principale. Il souhaite donc prendre les bonnes décisions pour la protéger.
Ce que dit la loi concernant l’occupation de la propriété principale pour les couples mariés
En l’état, si Antoine ne prend aucune disposition et décède, Christine bénéficie de droits légaux limités, même en tant qu‘épouse. Dans le cadre du régime matrimonial de la séparation de biens, elle pourrait choisir entre:
- Un quart du patrimoine d’Antoine en pleine propriété, le reste (c’est-à-dire les trois-quarts restants) revenant légalement à leur fils Baptiste, héritier réservataire.
-
L’usufruit de la totalité de la succession, c’est-à-dire le droit d’utiliser les biens, sans en être propriétaire.
Dans le premier cas, Christine ne récupère donc légalement que 100.000 euros concernant la maison, et 40.000 euros concernant l’appartement. En outre, elle doit composer avec l’accord de leur fils pour effectuer des travaux, par exemple, puisque Christine et Baptiste se retrouveront en indivision. Cette configuration s’accompagne de risque: difficulté à vendre ou louer un bien, tensions familiales, impossibilité de débloquer certains comptes…
Le cas de l’usufruit peut apparaître plus protecteur, puisque Christine peut continuer à vivre dans la résidence principale. Mais cette situation peut aussi être inconfortable: Christine ne peut pas vendre la maison ou l’appartement seule (il faut l’accord de Baptiste) et l’entretien et les charges des biens lui incombent (réparations, taxe foncière, assurance…). Ainsi, Christine, disposant de ressources plus modestes qu’Antoine, pourrait se retrouver dans l’incapacité d’assumer ces frais, tout en étant incapable de vendre pour dégager du capital. Ces deux situations sont bancales aux yeux d’Antoine, qui souhaite sécuriser la situation de son épouse et mettre leurs biens en commun.
Choisir un régime matrimonial plus protecteur pour Christine
Il est possible, à tout âge, et pour n’importe quelle raison, de changer de régime matrimonial. Dans le cas d’Antoine et Christine, il est judicieux de quitter le régime peu sécurisant de la séparation de biens et d’opter pour le régime de la communauté universelle. Il repose sur un principe simple: tous les biens des époux deviennent communs, qu’ils aient été acquis avant ou pendant le mariage, par donation, achat ou héritage. Cela signifie que la maison, le T2, les comptes bancaires, les meubles… tout est désormais considéré comme appartenant aux deux époux à parts égales.
Si Antoine décède, la communauté est dissoute et elle est partagée en deux parts égales. La moitié (280.000 euros) revient à Christine et l’autre moitié (280.000 euros) entre dans la succession d’Antoine. Cette dernière moitié est alors répartie selon le droit successoral:
- Christine, en tant qu’épouse, a droit à un quart en pleine propriété, soit 70.000 euros.
- Leur fils Baptiste hérite des ¾ restants, soit 210.000 euros.
Cette situation protège mieux Christine, mais elle n’obtient toujours pas l’intégralité du patrimoine, et cela ne règle toujours pas les problématiques liées au statut compliqué de l’indivision avec Baptiste. Pour ajouter un cran de protection pour le conjoint survivant, il y a une astuce: ajouter une clause dite d’attribution intégrale au survivant. Elle permet, en cas de décès, que 100% du patrimoine commun revienne automatiquement au conjoint survivant, sans droits de succession à payer (grâce à l’exonération entre époux) et sans ouverture de la succession.
A noter
Exemple
Antoine décide de faire une donation-partage. Il attribue la maison (400.000 euros) à Christine, en nue-propriété (avec usufruit à son profit) et le T2 (160.000 euros) à Baptiste. Résultat:
- Christine peut vivre dans la maison toute sa vie, sans devoir racheter la part de Baptiste,
- Baptiste sait qu’il héritera d’un bien immobilier à part entière,
- Au décès d’Antoine, ces biens ne feront plus partie de la succession, donc pas de conflit, ni de revalorisation.
Ce changement de régime matrimonial doit être validé par un notaire et nécessite l’accord de Christine et de leur fils majeur Baptiste. L’acte coûte entre 2000 et 3000 euros, selon les situations.
Antoine réfléchit à faire une donation entre époux
C’est une solution simple pour augmenter la part d’héritage du conjoint survivant, sans toucher au régime matrimonial: la donation entre époux, également appelée «donation au dernier vivant». Il s’agit d’un outil simple, souple et peu coûteux, permettant à Antoine de garder la main sur son patrimoine tout en élargissant les droits de Christine au moment de son décès.
Au lieu des deux choix classiques (¼ en pleine propriété ou la totalité en usufruit), elle peut ainsi choisir parmi les trois combinaisons suivantes:
- L’usufruit total du patrimoine d’Antoine: elle en conserve l’usage, et peut donc rester dans la maison familiale, mais n’en devient pas propriétaire,
- 1/4 des biens en pleine propriété + 3/4 en usufruit: un mélange entre sécurité et souplesse,
- La pleine propriété de la quotité disponible, soit la moitié de la succession puisqu’ils ont un enfant (il dispose de l’autre moitié).
Pour mettre en place une donation entre époux, Antoine doit obligatoirement passer par un notaire (coût de l’acte: entre 200 et 500 euros, selon les études). Antoine peut révoquer ou modifier la donation à tout moment, tant qu’il est vivant. De son côté, Christine n’a rien à signer: c’est un acte unilatéral de protection.
La piste de la donation-partage avec Baptiste est envisagée par la famille
La donation-partage permet de régler sa succession en amont, dans la transparence et l’équilibre. Grâce à la donation-partage, Antoine peut transmettre une partie de son patrimoine de son vivant, en répartissant intelligemment ses biens entre Christine et Baptiste.
Là encore, c’est un acte qui nécessite l’intervention d’un notaire (coût entre 1000 et 3000 euros selon la nature des biens transmis) et l’accord des parties (en l’occurrence: Christine et Baptiste). Bien sûr, cette opération doit être bien équilibrée, pour ne pas léser l’un ou l’autre des bénéficiaires .
A noter
Il est possible de cumuler donation-partage (pour transmettre un bien dès maintenant) et une donation au dernier vivant (pour laisser à Christine la liberté de choix sur le reste du patrimoine).
Rédiger un testament clair et personnalisé
Si Antoine souhaite rester sous le régime de la séparation de bien , le testament est un complément indispensable. En effet, Antoine peut protéger davantage son épouse ainsi. Il peut par exemple mettre en place une disposition d’usufruit au profit de son épouse sur l’ensemble de ses biens immobiliers. Dans ce cas, Christine peut continuer à vivre dans la résidence principale et louer le T2 pour en tirer des revenus, jusqu’à son décès.
Autre exemple: Antoine peut léguer la totalité de quotité disponible (c’est-à-dire la moitié de son patrimoine puisqu’il a un fils qui doit obligatoirement recevoir 50% de celui-ci) en pleine propriété à son épouse. Christine devient alors pleine propriétaire de 50% du patrimoine d’Antoine, au lieu de seulement 25% sans testament. Sa part successorale est doublée.
Antoine doit rédiger son testament à la main, le dater et le signer. Il doit être clair, sans rature et sans ambiguïté. Il est important de le conserver dans un lieu sûr. A tout moment, Antoine peut modifier son testament ou le révoquer. Antoine peut également se rendre chez le notaire. Il dicte alors ses volontés, rédigées par le notaire, puis signées. Le testament est ensuite conservé au Fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV). Coût de l’acte: entre 130 et 200 euros.
Optimiser la transmission via un contrat d’assurance-vie
En plus de sa résidence principale et du T2 à Tours, Antoine détient également un contrat d’assurance-vie, dans lequel l’épargne accumulée totalise 200.000 euros. En désignant Christine comme bénéficiaire de ce contrat dans la clause bénéficiaire, il lui permet de recevoir ce capital:
- Hors succession, puisque l’assurance-vie est considérée comme un actif successoral et n’entre donc pas dans la réserve héréditaire,
- En exonération de droits de succession jusqu’à 152.500 euros, puisque les primes ont été versées avant les 70 ans d’Antoine. Pour le reste (soit 47.500 euros), elle doit payer un impôt de 20%, soit 9500 euros. Elle récupère donc 190.500 euros nets.
Ce mécanisme permet à Christine de jouir rapidement et librement de liquidités importantes, sans être tributaire des décisions liées aux biens immobiliers.
A noter
Dans la clause bénéficiaire, Antoine peut décider de désigner Christine à 75% et Antoine à 25%. Ainsi, ils récupèrent respectivement 150.000 euros et 50.000 euros, sans aucun droit de succession.
Conclusion: protéger son conjoint, c’est protéger son couple et son patrimoine
L’exemple d’Antoine montre l’intérêt de concevoir une protection du conjoint sur-mesure. De nombreuses solutions existent pour éviter les mauvaises surprises, à condition d’anticiper. Changer de régime matrimonial, faire une donation au dernier vivant, préparer sa succession, optimiser son contrat d’assurance-vie… autant de leviers puissants pour que Christine puisse continuer à vivre sereinement dans leur cadre de vie, même après le départ d’Antoine.
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer