
La représentation successorale permet à plusieurs héritiers de compter juridiquement comme un seul. (Crédit photo : Shutterstock)
Peut-on hériter à deux, mais ne compter que pour un ? C'est tout l'enjeu de la représentation successorale. Une affaire opposant un frère et une sœur sur l'héritage de leur grand-mère illustre ce point.
Le cœur du litige : combien d'héritiers comptent vraiment ?
Mme S, veuve, décède en 1999. Elle laisse derrière elle deux petits-enfants issus de son fils unique, décédé avant elle. Ce sont donc Mme A et son frère M. D qui se partagent la succession.
Mais très vite, un désaccord surgit : la défunte avait fait des donations importantes à Mme A de son vivant. M. D réclame alors une réduction de ces libéralités, affirmant que la réserve héréditaire a été dépassée.
La réserve héréditaire est une part minimale du patrimoine que le défunt ne peut pas léguer librement : elle revient obligatoirement aux héritiers dits « réservataires » (enfants, petits-enfants). Le reste — la quotité disponible — peut faire l'objet de donations ou de legs à d'autres bénéficiaires. En présence d'un enfant : la réserve est de la moitié des biens. En présence de deux enfants ou plus : la réserve est des deux tiers.
Une lecture erronée du lien de parenté
Pour M. D, la logique est simple. Ils sont deux héritiers : la réserve doit donc être des deux tiers. Mais la cour d'appel balaie cet argument. S'appuyant sur l'article 913-1 du Code civil, elle rappelle que : « les descendants ne doivent être comptés que pour l'enfant dont ils tiennent la place dans la succession du disposant ». Autrement dit, Mme A et M. D ne remplacent qu'un seul enfant, leur père défunt. Dans cette situation, la réserve héréditaire reste donc de moitié, comme s'il n'y avait qu'un seul héritier direct.
En effet, lorsqu'un enfant du défunt est décédé, ses propres enfants peuvent le représenter dans la succession. Ils ne viennent pas en leur nom, mais à la place de leur parent. Le nombre de représentants n'augmente pas le nombre d'héritiers réservataires : ils ne comptent que pour un.
Une décision conforme au droit
La cour d'appel confirme que le notaire a correctement appliqué la loi en considérant que les donations effectuées ne portaient pas atteinte à la réserve héréditaire. Elle souligne aussi que le Code civil ne prévoit aucune dérogation dans le cas de descendants représentés, même s'ils sont plusieurs. M. D, qui espérait faire requalifier la part disponible pour obtenir une redistribution, est donc débouté de sa demande. Son argument, bien que compréhensible sur le plan moral, ne tient pas en droit.
Source : Cour d'appel de Bordeaux - 12 novembre 2024 - RG n° 21/05910
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