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Réchauffement climatique: quel avenir pour les stations de ski?
information fournie par Le Figaro 22/01/2020 à 10:56

La hausse des températures et la baisse de l'enneigement en montagne conduisent des stations à fermer. D'autres, en revanche continuent d'investir dans des équipements toujous plus modernes.

Au début du mois d'août 2019, le glacier des Deux Alpes, situé à 3600 mètres, a été contraint pour la première fois de fermer ses remontées mécaniques aux skieurs d'été plus tôt que prévu. En cause? Le manque de neige, largement dû aux canicules qui ont paralysé la France métropolitaine. La station n'a pas été la seule dans ce cas. À Tignes, le glacier de la Grande Motte a lui aussi été fermé à toute activité de glisse estivale plus tôt que prévu, également pour cause d'enneigement insuffisant.

Les adeptes du ski d'été ont beau être relativement peu nombreux, ces fermetures anticipées sont un signe des temps: les activités liées à la glisse en montagne sont de plus en plus touchées par le réchauffement climatique. Un sujet crucial dont ne peuvent faire abstraction les participants à Grand Ski 2020, le plus grand salon dédié aux professionnels du tourisme en montagne et aux sports d'hiver, qui se tient à Chambéry les 21 et 22 janvier.

L'Hexagone, en particulier les Alpes, est en effet la première destination mondiale des skieurs (en concurrence avec les États-Unis, selon l'année et l'enneigement). La pérennité de l'activité est donc d'importance, conduisant même la Cour des comptes à décrire l'impact du climat sur les stations françaises dans son rapport annuel publié en février 2018. En 30 ans, Météo France a évalué la hausse des températures dans le massif alpin à 2°C. Dans certains massifs montagneux de moyenne altitude, comme celui de la Chartreuse, l'enneigement a perdu 30% sur la période 1990-2017. «La hausse des températures est plus forte dans les zones montagneuses qu'ailleurs» , explique au Figaro Christophe Chaix, météorologue et spécialiste de l'impact du réchauffement climatique sur le territoire alpin. «La limite pluie-neige, qui détermine l'enneigement d'une station, est passée de 1200 mètres d'altitude dans les années 1960 à environ 1500 mètres aujourd'hui» . En clair, les stations au-dessous de cette altitude ont du souci à se faire quant à la pérennité de leurs activités de ski.

De fait, la situation est très inégale selon les stations de ski et leur altitude. Les stations de basse et de moyenne montagne sont plus menacées que leurs voisines plus élevées. Une situation problématique, les Alpes étant une destination phare des Français comme des étrangers, et certains emplois dépendant exclusivement de la pratique du sport d'hiver. Les Alpes françaises comptent 129 stations en activité, certaines hiver comme été. Trouver des solutions face à la hausse des températures et la diminution logique de l'enneigement est devenu un enjeu crucial pour nombre d'entre elles.

Les difficultés grandissantes des stations de basse et moyenne montagne

Ce sont ainsi en premier lieu les stations de basse et moyenne montagne que menace le réchauffement climatique: la limite pluie-neige s'élève petit à petit, empêchant les stations les plus basses d'accueillir des skieurs. «Les années 1950 et 1960, pendant lesquelles la plupart des stations ont été construites, étaient une période faste en termes d'enneigement dans les Alpes. Mais aujourd'hui, beaucoup d'entre elles sont contraintes de fermer car elles ne sont plus viables économiquement depuis des années» explique Christophe Chaix. Privées de leur principale source de revenus, les stations doivent mettre la clé sous la porte ou bien trouver de nouvelles activités, et notamment développer une saisonnalité différente en diversifiant leurs activités car «la viabilité économique de l'exploitation d'un domaine skiable suppose une durée minimale d'ouverture de 100 jours (généralement entre le 1er décembre et le 15 avril)» peut-on lire dans le rapport de la Cour des comptes. Quand la neige n'est pas au rendez-vous, l'amour du ski ne suffit plus.

La station de Drouzin-le-Mont, située entre 1070 et 1920 m d'altitude, est pionnière en matière de reconversion. Dans les années 1990, la station souffrait de graves problèmes de trésorerie du fait de son manque d'infrastructures mais aussi d'enneigement. Au fur et à mesure que la quantité de neige s'est raréfiée sur les pistes de la station, celle-ci a progressivement décidé de développer une stratégie de diversification des activités proposées aux visiteurs. Aujourd'hui, Drouzin-le-Mont accueille les amateurs de ski de fond, de trail et les randonneurs: des activités sportives qui nécessitent peu de neige, voire pas du tout pour certaines. Cette initiative a été baptisée «montagne douce» , en référence à ces activités à l'impact moins visible que la seule pratique du ski. L'exemple de cette station est quasiment inédit en Haute-Savoie, mais il est possible qu'il fasse des émules, compte tenu de la nouvelle donne climatique.

Autre exemple dans la Drôme, où les stations sont généralement petites et accueillent principalement des locaux: face à la baisse de l'enneigement, celles-ci ont vu leurs revenus chuter à partir de 2012. Mais les collectivités n'ont pas baissé les bras pour autant. Lle projet «Montagnes drômoises» a permis une analyse approfondie de la situation de l'ensemble des stations: ont ainsi été développées des activités autres que le ski pour diversifier les revenus des stations, notamment les pistes de luge toutes saisons.

Le réchauffement climatique, pas une priorité en haute montagne

Si le réchauffement climatique est une menace pour les uns, il peut constituer une opportunité pour les autres. En effet, les stations de ski de haute montagne sont moins durement touchées. La fermeture de leurs concurrentes de basse et moyenne montagne conduit même davantage de clients sur leurs pistes. «Un effet d'aubaine» , résume Christophe Chaix. «À la montagne, il n'y a pas et il n'y aura pas d'activités qui rapporteront plus que le ski» , enchaîne-t-il.

Ainsi, ces stations de ski n'ont eu de cesse, depuis les années 2000, d'investir dans des infrastructures et des aménagements toujours plus nombreux et sophistiqués. Du côté du logement, le Club Med a ouvert en 2017 son plus grand resort à Samoëns, puis un autre aux Arcs 1600 en 2018, ce qui porte à 19 le nombre de ses resorts présents dans les Alpes françaises. Le groupe prévoit d'investir prochainement les stations de Valloire et Tignes.

D'après une enquête du journal des professionnels du ski Montagne Leaders de 2017, les investissements des stations de ski ont largement augmenté depuis 1990, période où les premières conséquences du changement climatique ont pu être observées. Ils se situent autour de 300 millions d'euros en 2016, soit trois fois plus qu'en 1990. Les recettes des stations, quant à elles, augmentent continuellement et atteignent la même année plus de 1,3 milliard d'euros. Les stations de ski n'ont économiquement pas intérêt à freiner leurs activités, bien au contraire. Quitte à jouer les contorsionnistes, souligne Christophe Chaix: «la clientèle, souvent aisée et éduquée, qui va faire du ski l'hiver cherche à avoir accès à un milieu encore préservé, qui prône le respect de l'environnement».

Face aux critiques formulées sur l'impact environnemental des activités liées à la glisse, Jean Pierre Rougeaux, maire de Valloire et président de l'Association nationale des maires des stations de montagne, se défend: «les stations de ski ont conscience du changement climatique» . Il concède cependant qu'aujourd'hui «62% de la surface des pistes [de sa station] est couverte par la neige artificielle en cas de besoin» et qu'il faut «un travail important pour répartir la neige de manière optimale à travers la station» . Valloire a cependant prévu de diversifier son offre d'activités durant l'année: le chiffre d'affaires de la station est réalisé à hauteur de 25 à 30% pendant la période estivale. En outre, la commune est située au pieds du célèbre Col du Galibier, lieu historique du passage du Tour de France, qui attire chaque année les spectateurs de la compétition la plus regardée de France, comme les courageux qui veulent le grimper eux-mêmes à vélo. Elle est également non loin du Col du Lautaret, autre attrait touristique des Alpes. Ainsi, «les collectivités se penchent beaucoup sur les activités de vélo, VTT et randonnée l'été, et particulièrement aujourd'hui sur la pratique du vélo électrique qui donne accès à l'escalade des cols, même pour les débutants» explique Jean-Pierre Rougeaux. «Il faudra un jour compenser les chiffres de l'hiver, mais rassurez-vous, nous pourrons skier encore longtemps» conclut-il, confiant.

La neige artificielle, une solution de court terme

Les canons à neige et enneigeurs artificiels, apparus en France dans les années 1970, sont une solution efficace pour lutter contre la baisse de l'enneigement dans les Alpes. Aujourd'hui, c'est 32% de la surface skiable alpine qui peut être couverte par la neige artificielle en cas de besoin.

Cependant, seules les grandes stations avec des moyens élevés peuvent se permettre un tel investissement. Les stations les plus basses, plus petites en termes de surface skiable et de capacité d'accueil, n'en ont pas les moyens. De plus, les coûts d'électricité et de stockage ou d'acheminement de l'eau sont particulièrement élevés en montagne.

La Cour des comptes rappelle que l'enneigement artificiel n'est qu'une solution de court terme face au réchauffement climatique. Elle précise ainsi: «la production de neige nécessite des températures suffisamment basses, désormais moins fréquentes en début et en fin de saison, mais aussi une ressource en eau dont la production, le stockage et le transport incombent souvent aux collectivités publiques.» Lors d'hivers trop peu neigeux, certaines stations ont été jusqu'à transporter de la neige par camion ou par hélicoptère pour enneiger certaines pistes, parce que les canons à neige manquaient d'eau. Des situations qui peuvent paraître absurdes, et qui sont aussi très coûteuses pour les collectivités. Qui plus est, cette solution n'est que partielle car elle ne permet pas de sauver les stations de ski de basse et moyenne montagne.

Derrière la problématique directe de la météo et des températures qui influent sur l'avenir des stations, se trouve celle de la gouvernance et de la stratégie globale des stations de sport d'hiver. Passer à un modèle plus préventif et écologique face aux risques de disparition de la neige et de raréfaction des réserves d'eau suppose d'amener de nombreux acteurs, confrontés à des enjeux financiers importants, à faire des concessions. Bien souvent, dans les stations françaises, les finances sont partagées entre les aides publiques, les collectivités et les opérateurs privés qui s'occupent des infrastructures (remontées mécaniques, canons à neige, forfaits...). Le problème majeur étant que ces opérateurs financent aujourd'hui à grands frais des projets de modernisation et d'agrandissement des stations pour répondre à une demande qui, si elle n'est plus en très forte croissance, ne faiblit pas pour autant. Les structures existantes sont donc loin de pouvoir se passer du secours des canons à neige. «On ne peut sevrer les amateurs de ski. Les classes de neige des enfants forment chez nous les skieurs de demain», résume le président de l'Association nationale des maires des stations de montagne.

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