
Les pauvres ont moins recours aux aides sociales, pourquoi ?-congerdesign -pixabay.jpg
La grande précarité en augmentation
Le Secours catholique a accueilli en 2023 plus d’un million de personnes, dont 216 000 familles avec enfants. Selon les chiffres du rapport annuel de l’association, les bénéficiaires étaient 25,4 % à n’avoir aucune ressource, ce qui représente un niveau record. Cette même année 2023, le revenu médian des bénéficiaires ne dépassait pas 555 € par mois, et 95 % étaient sous le seuil de pauvreté (1 216 € pour une personne seule). Fin 2024, la situation est loin de s’être améliorée puisqu’on dénombre 2 043 enfants à la rue, ce qui a conduit le Premier ministre Michel Barnier à déclarer l’état d’urgence sociale. Ce constat va à l’encontre du principe de la constitution qui prévoit que tout être humain, quels que soient son statut et sa situation, est en droit d’obtenir de la collectivité des « moyens convenables d’existence ».
La dématérialisation des aides : un frein pour certains publics
Cette grande précarité, qui oblige les foyers démunis à trouver des stratégies pour survivre (entraide, système D), traduit la difficulté accrue de l’accès aux droits engendrée par la technologisation de l’administration. La dématérialisation des démarches administratives s’est considérablement accélérée depuis 2017, ce qui décourage et pénalise les publics fragiles. Ceux qui n’ont pas Internet ou qui ne parviennent pas à maîtriser l’outil se retrouvent marginalisés par cette digitalisation croissante de l’aide sociale. Le rapport du Secours catholique évalue à 13 % les foyers qui ont besoin d’accompagnement pour solliciter les prestations sociales (soit une hausse de 7 % en 10 ans). Si on prend le seul exemple du RSA (Revenu de solidarité active), les ménages éligibles seraient 36,1 % à ne pas avoir fait la demande (soit 13 % en plus depuis 2010). Le phénomène de non-recours concerne autant les aides financières (allocations, etc.) que les aides non financières (service à la personne par exemple) attribuées par les organismes tels que la CAF, la CPAM ou Pôle emploi.
Les autres causes du phénomène de non-recours
D’autres raisons expliquent le recul des demandes, notamment le durcissement des critères d’éligibilité, ce qui est le cas du RSA, des allocations chômage ou du minimum vieillesse. D’après le président du Secours catholique, il suffit de ne pas remplir un critère de façon stricte pour se retrouver dans un délai d’attente de plusieurs mois, le temps que l’administration étudie le dossier. Selon lui, un accueil physique des administrés serait indispensable pour pallier ce dysfonctionnement. La peur de la stigmatisation est une autre cause du non-recours. Cette crainte de la marginalisation est alimentée par le discours culpabilisant des autorités, dont certains représentants soulignent facilement, dans les médias, le coût de l'aide sociale et le comportement d’« assistés » des bénéficiaires. Face à ces constats, le Secours catholique propose une politique de lutte contre les non-recours. Certaines initiatives locales tentent également de contrecarrer la tendance. C’est le cas du département de Meurthe-et-Moselle, qui expérimente en 2024 le dispositif « territoire zéro non-recours ». La vice-présidente du département, déléguée à la lutte contre le non-recours, souligne la honte ressentie par certains bénéficiaires, qui ont perdu confiance et adoptent une attitude de repli conduisant au renoncement à leurs droits. Elle lance un appel aux autres collectivités pour tester le dispositif.
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