Un ancien foyer d’étudiantes transformé en coliving, une formule qui fait fureur chez les investisseurs, est dans le viseur du sénateur communiste Ian Brossat et de la mairie du 11e à Paris.
La «bête noire» des propriétaires immobiliers a encore frappé ! Après Airbnb et l’ encadrement des loyers , le sénateur communiste Ian Brossat s’attaque désormais au coliving . Ce nouveau mode d’habitat, qui fait fureur chez les investisseurs, est dans le viseur de l’ancien adjoint d’Anne Hidalgo qui envisage de déposer, « d’ici l’été », une proposition de loi pour encadrer le coliving. Régulièrement, Ian Brossat publie des vidéos sur son compte X (ex-Twitter) (voir ci-dessous) pour dénoncer ce qu’il n’hésite pas à qualifier de « nouveau fléau » dans l’immobilier et pointer du doigt « l’avidité de spéculateurs sans scrupule ».
Une fois n’est pas coutume, le propriétaire mis en cause n’est pas un particulier lambda mais l’Église. Rien que ça ! Et plus précisément le diocèse de Paris. La cible ? Un foyer pour étudiantes , géré jusque-là, par une congrégation de religieuses espagnoles et propriété de la paroisse Saint-Ambroise. Située rue René Villermé dans le 11e et construite il y a 125 ans, cette résidence de 1600 m², qui rouvrira ses portes en septembre prochain, a été transformée en coliving. Avec à la clé une hausse de « 550 euros la chambre à 950 euros », affirment Ian Brossat et la mairie du 11e. « C’est choquant qu’une institution religieuse, qui est censée pratiquer une doctrine sociale, fasse du profit sur le dos des jeunes et des travailleurs et ne respecte pas l’encadrement des loyers, alors que nous sommes en pénurie de logements notamment sociaux », dénonce Adrien Tiberti, adjoint au maire du 11e, chargé du logement, qui dit avoir été « prévenu par des riverains ».
« Faux ! », rétorque le Père Pascal Nègre, contacté par Le Figaro, qui dénonce une vidéo «insultante et pleine de contre-vérités». « Le loyer n’était pas de 550 euros (avant la transformation en coliving) mais au moins de 750 euros », affirme le curé de la paroisse. Un loyer qui inclut la location d’une chambre individuelle d’une dizaine de m² (meublée et équipée d’une douche et d’un lavabo et, pour certaines, d’un WC) et l’accès à des espaces communs (cuisine, salle à manger, salle d’étude, cour arborée...), comme le précise le site de l’ancien foyer .
Après le départ des religieuses, la paroisse a dû trouver un autre gestionnaire et a opté, en janvier, pour un spécialiste de l’habitat partagé : La Casa, qui « n’a pas été le mieux-disant ». « Leur valorisation du lieu, les services qu’ils proposent et leur manière d’aborder la qualité des étudiants pour les aider à mener à bien leurs études rendent le projet attractif », se réjouit le curé. Sur les 64 chambres disponibles, 20 ont déjà trouvé preneur. Le nouvel exploitant n’étant ni « confessionnel, religieux ou paroissial », la croix visible à l’entrée du bâtiment sera masquée et la chapelle intégrée à l’ancien foyer, a été remplacée par une salle de cinéma.
Encadrement des loyers respecté
Le loyer a certes grimpé à 950 euros par mois - tarif minimal pour une chambre «économique», jusqu’à 1020 euros pour une chambre «premium» - mais il inclut désormais, outre une chambre avec salle de bains de 12 m² et 8 m² d’espaces communs (cuisine, salle à manger, séjour, salle de cinéma, salle de sport...) par personne (500 m² au total divisés par 64 chambres), les charges d’énergies et d’assurance (140 euros) et les services annexes (accès sécurisé, abonnement Internet, abonnement Canal+/Netflix...) (135 euros). « Si l’on déduit aux 950 euros ces frais (275 euros) qui ne sont pas inclus dans les loyers d’une location classique, on arrive à un loyer de 675 euros par mois pour 20 m², soit 33,75 euros par m². Nous respectons l’encadrement des loyers », rétorque Victor Augais, fondateur de La Casa. La preuve en chiffres : le loyer maximal qui peut être exigé pour un logement meublé d’une pièce, situé dans le quartier Roquette et construit avant 1946 (les caractéristiques de ce nouveau coliving), s’élève à 40,4 euros le m² au maximum, selon la préfecture d’Île-de-France qui fixe chaque année cet indicateur.
Face aux accusations de la mairie du 11e et de Ian Brossat, le curé martèle qu’il « n’est en aucun cas décisionnaire du montant du loyer et ne le touche pas ». C’est l’exploitant qui le perçoit et verse, en contrepartie, un loyer à la paroisse. De son côté, l’entrepreneur rétorque qu’« il n’est pas là pour faire du logement social mais de l’habitat partagé pour créer du lien social. J’entends la problématique de logement mais j’ai un cadre économique contraint à respecter ». « Depuis 2017, nous avons créé plus de 440 logements dans des zones tendues (où la demande est plus forte que l’offre, NDLR) dont 65 logements en 2024 grâce à la rénovation de 9 pavillons de banlieue transformés en colocations XXL. Nos rénovations permettent de passer d’un DPE E à C, en moyenne. »
À deux pas de ce nouveau coliving, une autre adresse fait polémique du côté de la mairie. Il s’agit d’une maison, dénommée La Maison du Sept , qui accueille les activités jeunesse de la paroisse. La municipalité la soupçonne de vouloir également la transformer en un coliving. Le curé de la paroisse dénonce un « faux procès ». « Aucun projet de coliving n’est prévu , dément le Père Pascal Nègre. Le projet d’aménagement et d’agrandissement pour lequel nous avons obtenu un permis de construire et qui est consultable par tout le monde, est connu de tout le quartier, y compris de la mairie, depuis presque 10 ans. » L’affaire est close ? Pas sûr car ces transformations en coliving risquent encore d’être montées en épingle jusqu’à ce que ce débat soit tranché par les députés et les sénateurs.
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