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José Bové: «Nous avons obligé McDonald’s à changer son image»
information fournie par Le Figaro 12/08/2019 à 19:52

INTERVIEW - Vingt ans après avoir organisé le saccage du McDonald’s de Millau, le leader syndical et ancien député européen estime que si l’enseigne américaine a progressé, notamment dans ses relations avec les agriculteurs, son ADN reste celui de la «malbouffe».

LE FIGARO.- Quel regard portez-vous sur l’évolution de McDonald’s, depuis la destruction du restaurant de Millau il y a vingt ans?

Ce qui est sûr, c’est que ça les a obligés à changer leur image, et à construire une nouvelle communication. C’est venu des entreprises de communication qui travaillaient avec eux. Ils ont vu qu’ils ne pouvaient pas s’opposer à une vague de protestation de cette ampleur. Rapidement après notre action, ils ont retiré leur plainte, il n’y avait pas de partie civile au procès en juin 2000. J’ai cependant appris qu’ils avaient suivi les débats de très près, pour comprendre notre message. Si on regarde leur communication depuis, on remarque que tout s’inscrit dans cette réaction à notre action.

La restauration rapide n’est donc plus de la «malbouffe», selon vous?

Comme je le dis, on est sur un travail de communication. Dans les faits, je ne peux pas approuver l’industrialisation de l’agriculture. Qui dit fast-food, dit obligatoirement production de masse standardisée. Il y a des procédés très précis pour les salades, les pommes de terre, il faut produire de la masse. On est sur des calibrages précis. Si les pommes de terre pouvaient être rectangulaires, cela les arrangerait même! Pour la viande, le processus est là encore industriel. Tout cela ne pourra pas changer, c’est l’ADN de la restauration rapide. Deuxièmement, le problème vient de la standardisation du goût. Ce qui fait la renommée de cette entreprise, c’est que le hamburger a le même goût partout dans le monde. C’est le premier produit alimentaire mondialisé de manière volontariste par une entreprise. Pour ces deux raisons, cela reste bien de la «malbouffe», et ça ne pourra pas changer.

McDonald’s affirme cependant acheter pour 700 millions d’euros de produits aux éleveurs et agriculteurs français...

Il est certain que les efforts ont pu bénéficier à certains éleveurs ou agriculteurs, sous contrat avec l’enseigne. Il y a des contrats pour des tonnages de pommes de terre, de salade, de viande, et j’imagine que les producteurs essaient de se défendre pour obtenir des prix acceptables. Tant mieux si c’est le cas. Je me souviens qu’à l’époque de Millau, j’avais clairement dit: «je ne vous accuse pas de faire vos hamburgers à partir de viande américaine, je vous accuse de le faire dans le cadre d’un modèle industriel». C’est cette critique qui reste valable aujourd’hui.

Votre action aurait-elle la même légitimité aujourd’hui?

Le restaurant de Millau était le premier de la ville, il posait ce débat sur l’agriculture industrielle et la standardisation des goûts. Nous étions les bonnes personnes pour réagir et construire une action cohérente. La réussite de Millau, c’est qu’on était en première ligne, parce qu’on était des producteurs de lait de brebis pour Roquefort [l’action était une réaction à la surtaxation du Roquefort par les États-Unis, NDLR], qu’on avait la légitimité parce qu’on travaillait sur les questions de commerce international depuis plusieurs années, et que la population nous soutenait. Cela répondait donc à une situation bien précise.

Nous voulions aussi mettre en avant les principes sur lesquels nous ne voulions pas transiger: une bonne filière alimentaire respecte le sol, les animaux, procure un revenu décent aux agriculteurs ou éleveurs, ne dégrade pas l’environnement mais au contraire l’améliore, et répond à des éléments gustatifs liés à une culture et à un territoire. Le point de départ de notre action était la prise en otage du Roquefort, qui correspond pourtant à ce bon produit.

Quel regard portez-vous sur les mouvements actuels comme les chauffeurs Deliveroo, ou la protestation contre le Ceta, ce traité commercial entre l’UE et le Canada?

La galère des chauffeurs était à prévoir. C’est le résultat de la mondialisation des services, qui a suivi celle de l’agriculture. Dans les années 1980, les négociations du GATT [base la future Organisation Mondiale du Commerce, NDLR] portaient d’abord sur des produits et matières premières industrielles, puis l’agriculture est arrivée. Une instance internationale décidait que les Européens seraient obligés de manger du bœuf aux hormones. Il était naturel que les services soient également mondialisés, à partir d’un certain stade de développement du commerce. L’ubérisation actuelle et toute la libéralisation des services s’inscrivent dans un processus commencé à cette époque.

En ce qui concerne le Ceta, il suffirait qu’un parlement d’un des pays de l’Union européenne s’y oppose, et ça ne passerait pas. Le combat est donc légitime: chez nous, est-ce que le Sénat aura le courage de s’opposer? Les accords bilatéraux sont encore plus néfastes en termes de dérégulation et de libre-échange que les règles globales de l’OMC. D’ailleurs, à l’époque de Millau, nous n’étions pas opposés à une organisation régulant les échanges, nous voulions seulement que cet organe impose des droits très clairs. Je me souviens que les dossiers bilatéraux étaient déjà appelés «OMC++»: ils permettaient d’aller beaucoup plus loin.

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