Aller au contenu principal Activer le contraste adaptéDésactiver le contraste adapté
Fermer

5 leçons à tirer de Singapour pour espérer sortir de la crise immobilière
information fournie par Le Figaro 03/11/2024 à 08:00

Si le régime politique de cette cité-État est souvent perçu comme «semi-autoritaire», Singapour a obtenu des résultats remarquables en matière d’urbanisme.

Économie, santé, éducation, environnement... dans quasiment tous ces domaines Singapour fait figure de très bon élève voire de premier de la classe. Et, c’est sans doute moins connu, ses performances en termes d’urbanisme et d’accès à la propriété sont tout aussi remarquables. Pour un État qui n’a pas 60 ans et qui est parti d’un dénuement presque total, cette trajectoire ne peut qu’interroger. Il faut dire que Singapour a très humblement étudié les succès et les échecs d’énormément de pays pour tracer sa propre voie et qu’en retour il y a beaucoup de choses à apprendre des choix qui ont été faits.

Une Française, Estelle Forget, qui a vécu sur place, a choisi de frotter son expertise du développement durable des territoires aux meilleures sources locales, notamment auprès du Dr Liu Thai Ker, fondateur de l’urbanisme de Singapour. Elle en a tiré son propre Petit livre rouge de 100 pages titré «Petit traité d’urbanisme et de planification de Singapour à l’usage des décideurs» . Voici ce que le grand public peut en retenir en attendant que les décideurs ne s’en emparent.

1. Une maîtrise publique du foncier

C’est sans doute le nerf de la guerre. Dans une société pluriethnique comme Singapour où avant l’indépendance les droits sur la terre étaient différents selon les communautés, l’une des premières missions de l’État a été de racheter le foncier. Résultat: près de 90% des terres sont aux mains de la puissance publique, alors même que la surface de Singapour s’est étendue de 24% en gagnant sur la mer, passant de 580 km² à 720 km². Une situation qui explique que lorsque l’on achète un logement, sauf exception, on n’est titulaire que d’un bail emphytéotique (à très longue durée, 99 ans au maximum). Logiquement, la valeur de ces biens décroît quand le bail est très avancé mais le système incite à investir rapidement dans un bien familial et à le revendre pour se reloger dans un appartement plus petit quand on est plus vieux.

Cette formule pourrait se rapprocher du modèle du Bail réel solidaire (BRS) qui se développe en France en dissociant le bâti acheté par des accédants à la propriété tandis que le foncier est aux mains d’un organisme foncier solidaire. «Le BRS, c’est une arnaque sans fin, balaie cependant Estelle Forget. Contrairement au modèle de Singapour, vous continuez à payer votre foncier par le biais de redevances mensuelles et il y a toute une série de contraintes pour encadrer les successions et interdire les plus-values.» Sans doute plus en phase avec le modèle singapourien, l’avocat Aubry d’Argenlieu, associé du cabinet Fairway spécialisé en immobilier, plaide pour la création de foncières étatiques qui géreraient dans un premier temps l’immobilier de l’État .

2. Des logements sociaux accessibles à 100% de la population

Pour être tout à fait précis, on parle de logements publics et non pas sociaux à Singapour puisqu’ils sont accessibles à l’intégralité de la population, sans condition de ressources. Ces logements sont d’un bon niveau de qualité et d’équipement vu le niveau de vie à Singapour mais ils sont largement standardisés. Les gros budgets peuvent toujours opter pour des logements privés, beaucoup plus luxueux et bien plus chers. Et si ceux qui disposent de gros revenus souhaitent acquérir un logement public, rien ne s’y oppose. Simplement, à la revente du logement, l’éventuelle plus-value sera diminuée du montant des subventions accordées pour l’achat.

3. Acheter plutôt que louer

Et s’il n’est question que d’achat de logements publics ci-dessus, ce n’est pas un hasard: ces logements ne sont pas à louer. Faire de Singapour un pays de propriétaires était tout sauf une chimère. En moins de 60 ans, ce petit pays qui comptait à l’origine moins de 2 millions d’habitants dont une large part s’entassait dans des bidonvilles, est passé à près de 6 millions de personnes avec 91% de propriétaires. Une statistique qui donne à réfléchir, sachant que la France peine à dépasser la barre des 60% et connaît même un recul de cette proportion ces dernières années.

Le fait de disposer d’un parc immobilier exclusivement constitué de propriétaires, est un vecteur très efficace pour aligner les intérêts. Pas de batailles entre propriétaires et locataires , quand il est question d’entretiens, de charges, de travaux etc. tout le monde a intérêt à maintenir au mieux son patrimoine. Ce parc homogène permet aussi aux structures publiques d’effectuer des commandes en très grandes quantités et de serrer les prix de ces logements publics.

4. Une vision à (très très) long terme

«Singapour a la chance de raisonner à très long terme et d’avoir un véritable projet politique alors que nous en France sommes condamnés à du marketing politique et des solutions à très court terme répondant à des impératifs budgétaires» , se désole Estelle Forget. La meilleure preuve tient dans les plans d’urbanisme de Singapour. Alors que nous connaissons des plans locaux d’urbanisme qui sont parfois révisés au bout de 5 ans, la cité-État s’est dotée dès 1971 d’un plan d’urbanisme à 20 ans. Et sitôt ce rodage effectué, le pays s’est offert un schéma directeur à...100 ans.

Non, ce n’est pas une coquille, la planification et l’aménagement urbains déroulent bel et bien une vision sur un siècle résumée par le slogan: «Vers une ville tropicale d’excellence» . Il s’agit notamment de promouvoir un cadre de bien-être où la santé physique et psychologique de la population est privilégiée. Ce qui passe, entre autres par un cadre de vie soigné, une nature et une biodiversité préservés et une attention quasi maladive à la propreté. Pour les pères de Singapour, l’excellence est la seule manière de préserver l’indépendance de ce petit État entouré de géants. Il s’agit donc de se classer parmi les meilleurs sur de nombreux critères, la propreté étant le plus directement accessible et visible pour tous même lors d’un passage rapide sur place.

5. Une organisation efficace des acteurs

Malgré une population multiethnique, Singapour a su aligner les intérêts et faire marcher main dans la main le public et le privé, le politique et le citoyen. On peut évidemment revendiquer notre côté «gaulois» et ingouvernable face à un rouleau compresseur singapourien mais il faut lui reconnaître son efficacité. « Une organisation simple qui repose sur un principe de subsidiarité à la bonne échelle », selon Estelle Forget. Aux côtés du gouvernement et de l’appareil étatique, on trouve de grandes agences Urban Redevelopment Authority ou Housing Development Board et des agences associées comme le Public Utilities Boards ou la Building and Construction Authority.

Et au plus près du terrain les maires, les citoyens et le secteur privé. En face de cela, l’Hexagone est souvent resté au stade de mille-feuille organisationnel avec beaucoup de situations au cas par cas et des répartitions de compétences manquant de clarté avec de nombreuses redondances et interférences. Il suffit de voir la complexité du travail des maires qui se retrouvent à gérer des contraintes techniques, administratives et financières en matière d’urbanisme à un niveau géographique qui n’est sans doute pas le bon.

0 commentaire

Signaler le commentaire

Fermer

A lire aussi

  • Dans une copropriété, le syndic exécute les décisions de l'assemblée générale des copropriétaires (Crédits: Adobe Stock)
    information fournie par BoursoBank 31.03.2025 12:00 

    De l'organisation des assemblées générales à la gestion des finances, en passant par l'application des décisions votées par le syndicat des copropriétaires, le syndic joue un rôle clé pour assurer la sérénité et la bonne gestion de la copropriété. Mais comment ... Lire la suite

  • Est-ce le bon moment pour investir sur l'or ? ( Crédits photo: ©  Gilles Paire - stock.adobe.com)
    information fournie par Moneyvox 02.04.2025 08:05 

    Alors que le cours de l'or s'est envolé, dépassant son plus haut niveau historique, est-il encore pertinent d'investir dans ce métal jaune ? Zoom sur l'avis des experts et sur les alternatives à considérer. Plus de 3 000 dollars l'once d'or : le cours actuel du ... Lire la suite

  • Un budget 2026 cauchemardesque ?
    information fournie par Ecorama 01.04.2025 14:00 

    Si le niveau du déficit public en 2024 est meilleur qu’attendu à 5,8%, le budget 2026 s’annonce toujours éminemment compliqué, et même un "cauchemar" selon la porte-parole du gouvernement. A juste titre ? Les explications de Marc Vignaud, journaliste à L'Opinion. ... Lire la suite

  • Le taux du livret A pourrait chuter à 1,7 % en août prochain. (illustration) (rawpixel / Pixabay)
    information fournie par Boursorama avec Newsgene 01.04.2025 13:27 

    Après une première réduction en février dernier, le taux du livret A devrait encore chuter au 1er août 2025. Une baisse de 0,7 point est attendue. Mauvaise nouvelle pour les millions de Français qui possèdent un livret A : son taux devrait à nouveau baisser le ... Lire la suite