
(Crédits: Unsplash - Alonso Reyes)
L'industrie, qui a mis du temps à se relever de la crise du Covid, tourne désormais à plein régime. Malgré des hausses de prix, la demande est là.
Un été radieux, sur l'eau. À contre-courant des autres acteurs du tourisme , les croisiéristes font le plein de vacanciers français. « On a été obligé de refuser des clients, malgré des prix en hausse de plus de 10%, confie Patrick Pourbaix, directeur général en France de MSC Croisières et sa nouvelle compagnie de luxe Explora Journeys. Nous avons 22 navires, comme l'an passé, alors que depuis 2016 nous avons accueilli au moins un nouveau navire par an. Les Français ont tendance à réserver plus tard que les Italiens et les Espagnols. Il nous a manqué des cabines pour répondre à toutes leurs demandes. » Après avoir fait voyager un nombre record de 300.000 passagers français en 2023, MSC Croisières en attend autant cette année, avec un panier moyen plus élevé.
Gain de parts de marché
Réputée pour être polluante , incarnant un tourisme de masse, l'industrie défie les pronostics et gagne des parts de marché. « Bien sûr, nous avons un impact sur l'environnement, reconnaît Patrick Pourbaix. Mais tous les nouveaux paquebots de MSC seront propulsés au GNL, qui réduit de 20 à 25 % les émissions de CO 2 . Nous travaillons aussi sur d'autres technologies, comme les piles à combustible à hydrogène» . L'Union européenne exige de son côté une alimentation électrique à quai pour tous les ports en 2030. Il n'empêche, régulièrement, des militants lancent des actions pour dénoncer le niveau d'émissions de gaz à effet de serre des paquebots. Soucieux de la vie des habitants, les grands ports touristiques multiplient les mesures pour limiter leurs arrivées. Amsterdam promet même d'interdire tous les bateaux de croisière d'ici à 2035… Pourtant, une clientèle de plus en plus nombreuse, constituée surtout de familles, opte pour la formule.
« Les croisières, qui représentent 15 % de nos ventes, montent en puissance », constate Richard Vainopoulos, président de TourCom. L'été, ce réseau de 1200 agences de voyages indépendantes, vend surtout des croisières de sept jours en Méditerranée, au départ de Marseille avec des escales en Espagne, au Maroc, en Tunisie, sur des îles grecques ou italiennes (comme la Sicile) et même à Malte. Avec leurs bateaux capables d'accueillir 6 000 à 7 000 personnes, MSC Croisières et Costa Croisières arrivent en tête des ventes. « Mais les plus petites compagnies comme le norvégien Hurtigruten marchent très bien, précise Richard Vainopoulos. Dans la catégorie luxe, Ponant est très demandé aussi ». Les bateaux de ce croisiériste haut de gamme sont quasiment complets un an à l'avance, avec des prix allant de 3 000 euros par personne à plusieurs dizaines de milliers d'euros.
Avec 575.000 passagers en 2023, la France est encore un petit marché pour les compagnies de croisières, qui accueillent d'abord des Américains, des Allemands et des Britanniques. Mais c'est un marché qui a progressé de 6 % depuis 2019, malgré les trois ans d'arrêt de la pandémie.
A priori négatifs
« Les Français ont encore des a priori négatifs sur la croisière, même si cela s'arrange, regrette Patrick Pourbaix. Beaucoup pensent à tort qu'il faut vivre collectivement sur un bateau. Or, les grands paquebots sont des villages flottants, où il n'y a aucune convivialité forcée. Il y a au contraire une grande liberté de choix d'activités » . Ceux qui ont testé la croisière sont visiblement conquis, puisque «93 % d'entre eux refont une croisière dans les trois ans » .
« Par rapport à d'autres types de vacances, en hôtel ou hôtel-club, la croisière offre le meilleur rapport qualité-prix avec une qualité aussi bonne qu'avant le Covid car les effectifs n'ont pas diminué, ajoute Marie-Caroline Laurent, directrice générale Europe de l'association internationale des croisiéristes (CLIA), qui fédère 300 des 450 navires de croisières dans le monde. Tous les marchés sont positifs en Europe, sous le double effet de la clientèle habituelle qui revient et de l'arrivée de nouveaux croisiéristes, principalement des familles. »
Au niveau mondial, la CLIA vise désormais l'objectif de 35,7 millions de passagers en 2024, après un record de 31,7 millions l'an passé (et 29,7 millions en 2019).
Tyrolienne, casino, piscine à toboggans…
Dominée par les américains Carnival (propriétaire de Costa Croisières) et Royal Caribbean, le norvégien Norwegian Cruise Line et le suisse MSC Croisières, la croisière était encore sous le choc du Covid en 2022 : les bateaux n'avaient retrouvé que 60 % de leurs niveaux d'activité de 2019. En 2023, l'industrie a réalisé un bon cru, avec beaucoup de réservations de dernière minute. Cette année, elle atteint un niveau de performance exceptionnelle, avec des bateaux remplis depuis plusieurs mois.
De quoi rassurer les investisseurs inquiets pour le niveau d'endettement colossal du secteur depuis quelques années - à l'arrêt pendant la pandémie, les armateurs ont été sauvés de la faillite par leurs actionnaires et des prêts de banques. Au deuxième trimestre, Royal Caribbean a ainsi augmenté son chiffre d'affaires de 16,6 % à 4,1 milliards de dollars et dégagé un résultat net de 854 millions. La compagnie vient d'annoncer qu'elle allait de nouveau verser des dividendes. Mais sa priorité est d'améliorer son bilan. Fin 2023, elle cumulait plus de 21 milliards de dollars de dettes… soit dix milliards de plus qu'en 2019.
Qu'elle soit haut de gamme ou grand public, la croisière a su dépoussiérer son image et rajeunir sa clientèle, grâce à des investissements considérables pour renouveler la flotte de bateaux. Selon un rapport de Transport & Environment (T & E), les plus grands paquebots d'aujourd'hui sont deux fois plus grands qu'en 2000. Et le nombre total de navires a été multiplié par vingt entre 1970. Plus gros, les bateaux sont aussi plus rentables pour les compagnies. Ils rivalisent d'activités et d'animations à bord - salle de jeux vidéo, karting, tyrolienne, piscine à toboggans, coiffeur, casino… - dont certaines sont payantes.
Cinq fois plus grand que le «Titanic»
L' Icon of the Seas , nouveau plus grand paquebot au monde signé Royal Caribbean a accueilli ses premiers clients au départ de Miami, en janvier . Pouvant accueillir 7600 passagers, ce géant des mers multiplie les superlatifs avec sept piscines, quarante restaurants, une patinoire, vingt ponts… Long de 365 mètres, il est cinq fois plus grand que le Titanic . Propulsé au GNL, ce mastodonte a coûté de 1,5 milliard de dollars. Les défenseurs de la planète hurlent au scandale. Mais l' Icon of the Seas trouve son public.
«Il se passe toujours quelque chose à bord, pour tous les âges. C'est aussi le cas dans un hôtel-club, mais dans une croisière, le paysage change tous les jours », souligne Pierre Pélissier, président de Croisieres.fr, une agence de voyages en ligne spécialisée dans les croisières.
À partir de 300 euros par personne une mini-croisière, jusqu'à 150.000 euros un tour du monde, l'offre s'est aussi démultipliée pour répondre à tous les types de demandes. Avec la volonté d'en offrir toujours plus qu'à terre. MSC propose depuis des années des spectacles du Cirque du soleil à bord. Et Ponant des voyages exceptionnels avec des danseurs de l'Opéra national de Paris.
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