Guerre commerciale: la Chine et les Etats-Unis concrétisent leur pause
information fournie par AFP 14/05/2025 à 18:05

Le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent (d), et le représentant américain au Commerce, Jamieson Greer, lors d'une conférence de presse à Genève, le 12 mai 2025, après une réunion à huis clos de deux jours entre les hauts responsables américains et chinois pour fin à une guerre tarifaire ( AFP / Fabrice COFFRINI )

La Chine et les États-Unis ont levé mercredi pour 90 jours l'essentiel des lourdes surtaxes douanières qu'ils s'imposent, une trêve dans leur éprouvante guerre commerciale, qui a bouleversé les chaînes d'approvisionnement et les marchés mondiaux.

Quelques heures avant cette levée partielle des droits de douane, le président américain Donald Trump a déclaré à la presse entrevoir un accord "très solide" avec le géant asiatique.

Cette baisse des surtaxes a été formellement mise en oeuvre mercredi à 04H01 GMT.

Lundi, après des négociations durant le weekend à Genève en Suisse, Chinois et Américains avaient annoncé une suspension de l'essentiel de leurs droits de douane punitifs. Un résultat bien supérieur aux attentes, qui a déclenché un optimisme prudent sur les marchés boursiers.

Dans le cadre de cet accord, les États-Unis ont accepté d'abaisser leurs surtaxes douanières sur les produits chinois à 30%, tandis que la Chine réduira les siennes à 10% sur les biens américains.

Le président américain Donald Trump lors d'un forum d'investissement saoudo-américain à Ryad, le 13 mai 2025 en Arabie saoudite ( AFP / Fayez NURELDINE )

"Nous avons le cadre d'un accord très, très solide avec la Chine", a affirmé Donald Trump dans une interview diffusée par la chaîne de télévision américaine Fox News mardi heure américaine.

"Il est temps pour la Chine de s'ouvrir - et ça fait partie de notre accord", a également déclaré M. Trump, sans plus de précisions. Il effectue actuellement une tournée au Moyen-Orient et était interviewé à bord de l'avion présidentiel Air Force One.

- "Comme une arme" -

Après l'accord de lundi, la Chine a levé l'interdiction qu'elle avait faite à ses compagnies aériennes d'accepter les avions du constructeur américain Boeing , a affirmé l'agence de presse Bloomberg.

Pékin a également annonce suspendre pour 90 jours certaines contre-mesures non douanières, notamment certaines restrictions prises à l'encontre de dizaines d'entités américaines.

Sont concernés 17 entités qui étaient interdites d'importer, d'exporter ou de faire de nouveaux investissements en Chine, et 28 entités sur une liste de contrôle des exportations afin de les empêcher de recevoir des produits pouvant être utilisés à des fins civiles et militaires.

Des conteneurs au port de Suzhou, dans la province du Jiangsu, à l'est de la Chine, le 13 mai 2025 ( AFP / STR )

De son côté, l'administration américaine a annulé mardi de nouvelles restrictions à l'exportation de semi-conducteurs utilisés pour le développement de l'intelligence artificielle (IA), qui auraient particulièrement pénalisé la Chine.

Malgré cette accalmie, Pékin cherche depuis plusieurs semaines à fédérer les autres nations face à la campagne mondiale de droits de douane lancée par Donald Trump.

Devant un parterre de dirigeants et ministres des Affaires étrangères de pays latino-américains réunis mardi pour un grand rendez-vous diplomatique, le président chinois Xi Jinping a ainsi de nouveau dénoncé les pratiques des États-Unis - sans les nommer.

Le président chinois Xi Jinping lors de la cérémonie d'ouverture de la 4e réunion ministérielle du Forum Chine-Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (Celac) à Pékin, le 13 mai 2025 ( AFP / Pedro PARDO )

"Personne ne peut gagner une guerre des droits de douane ou une guerre commerciale", a-t-il affirmé.

"Le harcèlement et l'hégémonisme ne mènent qu'à l'isolement", a souligné M. Xi.

De son côté, son chef de la diplomatie, Wang Yi, a exhorté les nations d'Amérique latine à "agir main dans la main" avec Pékin pour défendre leurs droits face à une puissance qui "utilise les droits de douane comme une arme pour intimider les autres pays".

- L'incertitude persiste -

Malgré la détente Pékin-Washington, le dossier du fentanyl, cette drogue qui fait des ravages aux États-Unis, reste un important point de friction bilatéral.

Sur les 30% de surtaxes douanières punitives que Washington continue d'imposer sur les produits chinois, les deux tiers, soit 20%, le sont pour faire pression sur Pékin dans le cadre de la lutte contre le trafic de cet opioïde.

Certains précurseurs chimiques de fentanyl, drogue qui fait des dizaines de milliers de morts chaque année aux États-Unis, sont fabriqués en partie en Chine. Les autorités chinoises sont accusées par Donald Trump de laisser-faire.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a encore exhorté mardi Washington à cesser de "rejeter la faute" sur Pékin et fustigé des surtaxes douanières "déraisonnables", eu égard à la "bonne volonté" chinoise en matière de coopération sur la lutte contre les stupéfiants.

Des analystes avertissent ainsi que la possibilité d'un rétablissement des droits de douane après 90 jours subsiste.

"Des réductions supplémentaires de droits de douane seront difficiles à obtenir et le risque d'une nouvelle escalade demeure", déclare à l'AFP Yue Su, économiste chez Economist Intelligence Unit.

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a de son côté estimé mercredi devant la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale que cet accord, ainsi que celui signé entre Washington et Londres, ne sont "pas de bons accords", appelant l'Europe à "nouer des alliances commerciales avec un maximum d'autres partenaires".

Ces derniers comportent en effet "encore trop de tarifs pénalisants - dont le +socle+ sans précédent de 10%, on n'en a peut-être pas assez souligné, dans l'accord anglais, le caractère quand même très élevé – et surtout toujours autant de flou et d’imprévisibilité qui provoquent l'attentisme", a-t-il détaillé.