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«Peut-on avoir davantage de croissance avec moins de crédit ?»
information fournie par Le Cercle des économistes02/04/2019 à 18:30

Patrick Artus
Patrick Artus

Patrick Artus

Natixis

Chef économiste

https://www.natixis.com/natixis/jcms/j_6/fr/accuei

"Aujourd'hui, la croissance du crédit au secteur privé est de 5,5% par an en France, de 2% par an dans la zone euro." (source : Adobe Stock)

"Aujourd'hui, la croissance du crédit au secteur privé est de 5,5% par an en France, de 2% par an dans la zone euro." (source : Adobe Stock)

L'endettement du secteur privé continue de progresser en France, à un rythme – trop ? – élevé selon les autorités financières. Elles viennent d'intervenir auprès des banques pour prévenir tout risque de dérapage. Le crédit peut-il être un ennemi de la croissance ? Nous n'y sommes pas encore, estime Patrick Artus.

Le Haut Conseil de stabilité financière en France vient (le 18 mars 2019) de décider d'accroître à 0,5% le niveau des fonds propres contracycliques que doivent détenir les banques françaises. Il juge donc que la croissance du crédit est trop rapide en France et menace la stabilité financière.

Dans le même temps, la BCE a décidé de maintenir à 0% son taux d'intérêt directeur et d'avoir un nouveau TLTRO (prêts à 2 ans de la BCE aux banques à des conditions favorables), ce qui montre que la BCE pense qu'il faut inciter les banques à prêter davantage pour relancer l'économie de la zone euro.

Y a-t-il contradiction entre la décision française de freiner le crédit et la décision de la BCE de le soutenir ? La décision de la Banque de France (du Haut Conseil de stabilité financière) menace-telle la croissance en France ? En réalité, la plupart des économistes ont de la sympathie pour deux idées.

La première idée est que, dans une Union Monétaire, les situations des différents pays en ce qui concerne la distribution du crédit peuvent être très diverses. La Banque Centrale réagit à la situation moyenne de l'Union Monétaire, ce qui peut forcer légitimement les Banques Centrales à mener une politique macro-prudentielle active (ce qui est le cas aujourd'hui en France) si la situation de certains pays est très différente de la moyenne de l'Union Monétaire.

Aujourd'hui, la croissance du crédit au secteur privé est de 5,5% par an en France, de 2,0% par an dans la zone euro (4,6% par an en Allemagne, -2,5% par an en Espagne, -5,0% par an en Italie), ce qui est bien le cas de figure où la BCE peut mener une politique monétaire très expansionniste et la France une politique macro-prudentielle restrictive.

Aller plus loin que les écarts entre France et zone euro

La seconde idée avec laquelle la majorité des économistes est en accord est que les banques centrales doivent mener, dans les périodes d'expansion, des politiques que l'on a appelées « Leaning Against the wind », c'est-à-dire des politiques monétaires restrictives préventives qui évitent l'excès d'endettement et les bulles sur les prix des actifs. Ceci peut conduire les économistes à soutenir la décision française récente, puisque les taux d'endettement des ménages et des entreprises progressent nettement en France (le taux d'endettement des ménages est passé de 64% du Produit Intérieur Brut en 2010 à 73% en 2018 ; celui des entreprises françaises de 66% du PIB en 2010 à 74% en 2018), alors que dans la zone euro en dehors de la France, le taux d'endettement des ménages recule fortement et celui des entreprises est stabilisé.

Mais il faut aller en réalité plus loin que l'analyse des écarts entre la France et la zone euro, et de la progression des taux d'endettement en France. La question centrale n'est pas de savoir si le crédit progresse vite en France, mais de savoir si le crédit est dangereux. La progression du crédit aux ménages français ne conduit pas aujourd'hui à une hausse anormale des prix de l'immobilier (les prix de l'immobilier rapportés au salaire par tête, qui est la variable pertinente, sont aujourd'hui 15% plus bas qu'en 2008), et finance donc le volume de l'investissement en logements, ce qui est favorable dans un pays où 2 millions de logements sont de mauvaise qualité.

La progression du crédit aux entreprises françaises a comme contrepartie non le financement d'investissements en logements (les investissements des entreprises sont largement autofinancés et il n'y a donc pas déficit de profitabilité), mais le financement d'acquisitions et la hausse de la détention de cash par les entreprises ; l'endettement net dans les entreprises de la détention de cash recule depuis 2009, ce qui montre que la hausse de l'endettement des entreprises est probablement sans danger (on sait de plus que ce sont les entreprises qui s'endettent qui détiennent du cash).

Le crédit peut être l'ennemi de la croissance s'il finance une bulle immobilière, s'il compense l'insuffisance des profits pour financer les investissements ou une bulle actions. Mais on ne voit rien de cela aujourd'hui en France, ce qui peut faire craindre que le Haut Conseil de stabilité financière ait réagi un peu mécaniquement à la croissance du crédit.

Patrick Artus, membre du Cercle des économistes, chef économiste, membre du Comité Exécutif de Natixis

1 commentaire

  • 01 avril16:50

    oui, le problème c'est qu'il faut commencer par purger la detter. C'est là que les choses se compliquent.......


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