Vers un retour à l'ISF, ou une version européenne ?
information fournie par Boursorama avec LabSense 21/05/2020 à 08:30

Des économistes proposent un nouvel impôt sur la fortune pour financer la lutte contre la crise économique et sanitaire. Pour faire face à cette crise sans précédent, trois économistes proposent la mise en place d’une taxe temporaire et progressive appliquée au patrimoine des 1 % les plus riches. Cet impôt sur la fortune à l’échelle de l’Europe aurait pour objectif de soulager la dette publique en participant au financement des dépenses engagées dans la lutte contre le coronavirus. Le point sur les enjeux et les risques associés à ce dispositif.

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Une dette abyssale

Ce n’est pas une surprise : la lutte contre le coronavirus fera, à terme, exploser les dettes des pays dans le monde entier. A l’échelle de l’Union Européenne, les voix s’élèvent en faveur de la création d’instruments communs qui permettraient une mutualisation salutaire des coûts et des risques. La proposition de trois économistes français, Camille Landais, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, va dans ce sens.

Une taxe européenne temporaire

Pour faciliter la gestion de la dette publique, les trois spécialistes prônent l’instauration d’une nouvelle taxe sur la richesse. Cet impôt, progressif et temporaire, serait perçu à l’échelle européenne où la concentration des richesses est supérieure à celle de la France. Les auteurs de la proposition notent qu’en Europe, « les 1 % des individus les plus riches détiennent entre 20 et 25 % de la richesse totale en France, en Allemagne, en Espagne et dans les pays scandinaves ». La taxe devrait être appliquée sur le total des actifs moins les dettes (patrimoine net) des plus riches. Le taux serait progressif, selon le montant du patrimoine net : taxation de 1 % au-dessus de 2 millions d’euros, de 2 % au-dessus de 8 millions et jusqu’à 3 % au-delà de 1 milliard. Le taux de 3 % s’appliquerait à environ 330 milliardaires européens. Le barème proposé correspond au barème de taxation pratiqué dans les pays qui disposent ou disposaient d’un impôt sur la fortune. Camille Landais estime que cette taxe exceptionnelle pourrait « lever chaque année un montant équivalent à 1,05 % du PIB de l’Union, ce qui permettrait d’éponger en une dizaine d’années les dettes supplémentaires liées au coronavirus ».

Une première en Europe

Cet impôt, s’il voyait le jour, serait une première en Europe. En effet, à l’heure actuelle, il n’existe aucune base juridique permettant d’instaurer un impôt à l’échelle de l’Union Européenne. Un tel dispositif nécessiterait la modification de traités et le concours unanime de tous les pays membres de l’Union.

Les risques d’une taxe européenne

Certains économistes pointent du doigt le risque de raviver l’exil fiscal, situation qui profiterait au Royaume-Uni. Les détracteurs de la proposition mettent également au jour le risque d’accroissement des disparités économiques entre les pays de l’Union, au sein desquels un million d’euros n’a pas la même valeur économique. Rappelons qu’en France, le gouvernement a supprimé l’impôt sur la fortune (ISF) en 2018. Interrogé début mai sur BFMTV, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a écarté la possibilité d’un rétablissement l’ISF, précisant par ailleurs qu’aucune hausse d’impôts n’était envisagée par le gouvernement.