Succession : un testament est-il valide si la date apposée n'est pas entièrement de la main du testateur ?
information fournie par Mingzi 18/06/2024 à 11:54

(Crédit photo : Fotolia)

À son décès, Madame S laisse comme héritier son fils et un légataire désigné dans un testament olographe, léguant à ce dernier un ensemble immobilier. Le fils conteste la validité du testament, arguant que la date apposée sur le document n'était pas entièrement de la main de la défunte.

Madame S décède le 12 juillet 2009, laissant comme héritier son fils, Monsieur Z, et un légataire, Monsieur B, désigné dans un testament olographe daté du 26 mars 2009. Par ce testament, elle lègue à Monsieur B un ensemble immobilier et son contenu. Le fils de la défunte conteste la validité du testament en justice et assigne Monsieur B pour le faire annuler, arguant que la date apposée sur le document n'était pas entièrement de la main de Madame S.

Le testament olographe

Un testament olographe est un document écrit entièrement à la main par le testateur (c'est-à-dire la personne qui souhaite disposer de ses biens après son décès). Pour être valide, le testament olographe doit répondre à trois conditions principales :

1. Il doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. L'utilisation d'un ordinateur, d'une machine à écrire ou d'un autre moyen mécanique n'est pas permise.

2. La date doit être précise (jour, mois, année) et écrite de la main du testateur. Cette exigence permet de vérifier la capacité juridique du testateur au moment de la rédaction et d'établir l'ordre chronologique des volontés si plusieurs testaments existent.

3. La signature doit être apposée par le testateur à la fin du document. Elle atteste que le document reflète bien ses dernières volontés.

Le testament olographe ne nécessite aucune formalité particulière ni l'intervention d'un notaire, ce qui le rend facile à rédiger. Étant rédigé par le testateur lui-même, il reste confidentiel tant qu'il n'est pas divulgué. En revanche, étant souvent conservé par le testateur lui-même, il peut être perdu ou détruit accidentellement. En cas d'ambiguïté ou de non-respect des conditions légales (comme une date incorrecte ou une absence de signature), le testament peut être contesté et annulé.

La Cour d'appel annule le testament

La Cour d'appel donne raison au fils de la défunte, déclarant nul le testament du 26 mars 2009 en raison de cette irrégularité. Elle se base sur un rapport d'expertise judiciaire indiquant que le chiffre « 9 » de la date « 26 mars 2009 » n'avait pas été écrit par Madame S. Cette formalité non respectée est jugée suffisante pour annuler le testament, sans examiner plus avant la capacité mentale de Madame S au moment de la rédaction.

Monsieur B conteste cette décision, soutenant qu'un testament olographe ne devrait pas être annulé simplement en raison d'une irrégularité de date, si des éléments intrinsèques (internes au testament) et extrinsèques (externes au testament) peuvent établir que le testament a été rédigé durant une période où le testateur était encore capable. Il fait valoir que la mention « 26 mars 200 » avait bien été écrite de la main de la testatrice et que cela, combiné avec d'autres preuves, doit suffire à valider le testament.

Il se pourvoit alors en cassation.

La réponse de la Cour de cassation

La Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel, estimant que cette dernière n'a pas suffisamment recherché si, malgré l'irrégularité de la date, des éléments intrinsèques et extrinsèques ne pouvaient pas établir que le testament avait été rédigé à une période déterminée. En conséquence, la Cour d'appel n'a pas fourni une base légale suffisante pour sa décision.

Pour ces motifs, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel uniquement en ce qu'il déclare nul le testament olographe du 26 mars 2009.

Source : Cour de cassation - Pourvoi n° 22-17.127 - 23 mai 2024