Retraites : une équité à géométrie variable face aux inégalités d’espérance de vie
information fournie par Mingzi 20/06/2025 à 08:15

(Crédit photo : Fotolia)

À 65 ans, un cadre peut espérer vivre 6 à 7 ans de plus qu'un ouvrier, révèle le rapport du Cercle de l'Épargne publié en juin 2025. Dans un contexte de réformes à répétition, notre système de retraite prend-il réellement en compte ces disparités ? Le rapport analyse les pratiques en France et ailleurs et révèle les limites et pistes d'amélioration d'un système en quête d'équité.

Inégalités d'espérance de vie : un défi pour la justice sociale

L'espérance de vie progresse, et c'est une bonne nouvelle. En France, elle atteint 85,6 ans pour les femmes et 80 ans pour les hommes. Depuis 25 ans, elle a progressé de 3,11 ans pour les femmes et de 5,5 ans pour les hommes. Mais derrière ces moyennes se cachent des réalités bien plus contrastées :

  • À 65 ans, les femmes vivent en moyenne encore 23,4 ans, contre 19,7 ans pour les hommes.
  • Un homme sans diplôme vit en moyenne 7 ans de moins qu'un diplômé du supérieur.
  • Un cadre de 35 ans peut espérer vivre 7 années de plus qu'un ouvrier du même âge.

Ces écarts sont liés à la pénibilité du travail, aux risques professionnels, à l'accès inégal aux soins, et aux modes de vie (tabac, alcool, sédentarité). Ils sont encore plus criants au moment de la retraite, interrogeant la légitimité d'un âge de départ uniforme.

Carrières longues : partir plus tôt quand on a commencé tôt

Pour pallier une partie de ces inégalités, la France a introduit en 2003 le dispositif « carrière longue ». Il permet aux actifs ayant commencé à travailler avant 21 ans de partir plus tôt à la retraite, s'ils ont cotisé au moins 43 ans. Des pays comme l'Allemagne, le Danemark ou l'Italie ont adopté des dispositifs similaires. Ils visent à reconnaître l'usure professionnelle des travailleurs précoces, souvent issus des catégories sociales les plus exposées.

  • Allemagne : départ possible à 63 ans avec 45 années de cotisation.
  • Danemark : départ anticipé de 1 à 3 ans pour ceux ayant travaillé entre 16 et 19 ans.
  • Italie : retraite dès 61 ans pour ceux ayant cotisé 41 ans, avec une entrée précoce sur le marché du travail.

Invalidité et pénibilité : des dispositifs encore marginaux

Le départ anticipé pour cause d'invalidité est peu utilisé. En France, il concerne moins de 2 % des départs. La procédure, lourde et médicalisée, freine le recours à ce droit. Quant à la pénibilité, elle est censée être prise en compte via le Compte Professionnel de Prévention (C2P). Mais le dispositif reste peu utilisé, faute de simplicité et à cause de critères jugés trop restrictifs. À titre d'exemple, 13.600 salariés ont utilisé leur C2P entre 2015 et 2021 alors qu'on dénombre 1,9 million comptes C2P ouverts.

Une flexibilité renforcée … mais inégalitaire

Plusieurs pays, dont la France, ont mis en place des systèmes de décotes et surcotes, qui modulent le montant de la pension selon l'âge de départ. Ces mesures encouragent à travailler plus longtemps, mais ne corrigent en rien les inégalités d'espérance de vie. Pire, elles peuvent pénaliser les carrières courtes, souvent subies par les plus fragiles.

En Suède ou en Italie, les pensions sont ajustées en fonction de l'espérance de vie de la génération. Ce système, dit « en comptes notionnels », vise la soutenabilité mais ignore les écarts intra-générationnels. En clair : un ouvrier et un cadre nés la même année ont le même âge de retraite, malgré une durée de retraite potentiellement très différente.

La France applique une surcote de 1,25 % par trimestre travaillé au-delà de l'âge légal, soit 5 % par an. À l'inverse, une décote de 1,25 % par trimestre manquant pénalise les carrières courtes, jusqu'à -25 % maximum. Aux États-Unis, la surcote est de 8 % par an après 67 ans, jusqu'à 70 ans. En Allemagne, elle atteint 0,5 % par mois de report.

Vers une retraite plus équitable ?

Aux États-Unis ou au Royaume-Uni, certaines mesures redistributives permettent d'atténuer ces écarts. Le système américain, par exemple, accorde une pension plus avantageuse aux bas revenus, qui vivent en moyenne moins longtemps. En Grande-Bretagne, une pension forfaitaire est complétée par des aides spécifiques ciblant les plus modestes.

Malgré ces initiatives, aucun système ne parvient à compenser entièrement les inégalités d'espérance de vie. L'OCDE comme le Conseil d'Orientation des Retraites plaident pour une meilleure prise en compte des conditions de travail dans les paramètres des régimes. Une exigence sociale devenue incontournable alors que s'allonge l'âge légal de départ à la retraite.