Peut-on parler en France de « grande démission », comme aux États-Unis ?
information fournie par Boursorama avec LabSense 25/09/2022 à 06:30

Ces derniers mois, près de 520 000 personnes ont donné leur démission dans l’hexagone, dont 470 000 titulaires d’un CDI. Si le chiffre est à son plus haut niveau depuis 2008, il ne s’apparente que de loin au phénomène de la « grande démission » qui sévit outre-Atlantique. Décryptage.

Peut-on parler en France de « grande démission » ?-iStock-LanaStock

Les démissions au plus haut niveau depuis 2008

Sans être inédit, le nombre de démissions en France ces derniers mois est au plus haut niveau depuis 2008. Dans une lettre publiée en août, la Direction statistique du ministère du Travail (la Dares), écarte cependant tout parallèle avec le phénomène de la Great Resignation (« grande démission ») américaine. Boostés par les performances boursières ou attirés par un changement de vie radical, près de cinq millions de travailleurs américains ont en effet quitté leur emploi en 2021. En France, fin 2021 et début 2022, 520 000 salariés ont volontairement mis fin à leur contrat. 470 000 d’entre eux étaient en CDI. Le précédent record de démissions datait de 2008, avec 510 000 ruptures volontaires de contrat initiées par des salariés. La Dares pondère ces chiffres qui, bien qu’élevés, sont à considérer en regard du nombre de salariés actuel dans l’hexagone. Ainsi le taux de démission atteint 2,7 % au 1er trimestre 2022. La Dares précise également qu’aux États-Unis, si le taux atteint fin 2021 (3%) est sans égal depuis 2000, il n’a également rien d’inédit dans le marché de l’emploi étasunien.

Le choix des salariés

Le phénomène s’explique par plusieurs facteurs. Aux États-Unis, la pandémie, puis le dynamisme du marché du travail post pandémique ont poussé les salariés à quitter le marché de l’emploi plus tôt que prévu (retraite anticipée) ou à changer radicalement de voie. En France, la reprise post pandémique, l’évolution des conditions de travail (flexibilité, généralisation du télétravail dans de nombreuses entreprises) et le manque de main d’œuvre dans le secteur tertiaire placent assurément la balle dans le camp des salariés. Le record de ruptures initiées par les employés ne traduit donc pas un retrait massif du marché de l’emploi, mais un réel dynamisme en faveur des salariés.

Un marché d’opportunités

La pénurie croissante de main-d’œuvre génère des opportunités sans égal pour les salariés en poste, et donc augmente les possibilités de débauchage par les entreprises concurrentes. Ce phénomène trouve écho à la situation actuelle du marché de l’emploi dans plusieurs pays en manque de main-d’œuvre. Selon les chiffres avancés par la Dares, en France, les employés démissionnaires retrouvent rapidement un emploi. En effet, au second semestre 2021, 8 démissionnaires de CDI sur 10 étaient embauchés dans les six mois suivant leur démission. Par ailleurs, le pouvoir de négociation des employés favorise une hausse globale des salaires. Les enquêtes du Dares montrent également qu’en parallèle des hausses salariales, « début 2022, certaines entreprises [ont fait] des concessions sur les conditions ou l'organisation du travail (télétravail) ou sur la forme des contrats d'embauche pour conserver ou attirer des salariés ».