Œufs contaminés: le scandale sanitaire en questions

information fournie par Le Figaro 07/08/2017 à 11:22

L'affaire des œufs contaminés a pris une tournure politique après les déclarations de Bruxelles et de Berlin qui se renvoient la balle. Pendant ce temps, des milliers d'élevages néerlandais restent désespérément à l'arrêt.

Nouveaux scandale sanitaire qui rapelle ceux de la grippe aviaire ou de la viande de cheval dans les plats préparés. En Allemagne, en Suisse, en Belgique et aux Pays-Bas, de nombreuses chaînes de supermarchés ont retiré de leurs rayons des centaines de milliers d'œufs contaminés par un insecticide toxique. Ce scandale sanitaire ne concerne pas la France à l'exception d'un élevage dans le nord placé sous surveillance par précaution mais dont les œufs n'ont pas été mis à la vente.

● D'où vient la contamination?

L'affaire débute le 4 août quand la chaîne de supermarchés Aldi retire brusquement tous ses œufs de la vente en Allemagne. Cette décision du discounter fait suite à la découverte dans certains œufs néerlandais d'un taux trop élevé de Fipronil, un insecticide toxique interdit dans le traitement des animaux destinés à la chaîne alimentaire par l'UE. Or des aviculteurs néerlandais et allemands avaient acheté un désinfectant, le Dega-19 à la société Chickfried. Selon les médias belges et néerlandais, la société néerlandaise mise en cause, aurait acheté son désinfectant dans le nord de la Belgique, auprès de la société Poultry-Vision. L'avocat de cette dernière a affirmé à la presse que l'entreprise n'est pas responsable de l'utilisation potentiellement frauduleuse du produit. Poultry-Vision «a correctement informé les acheteurs», a-t-il affirmé.

● Y a-t-il eu rétention d'informations?

Interrogé, le ministre de l'Agriculture allemand, Christian Schmidt a haussé le ton : «J'attends des autorités compétentes qu'elles élucident (ce dossier) rapidement et minutieusement. En particulier la Belgique et les Pays-Bas en ont ici l'obligation». «Quelqu'un a clairement procédé avec une énergie criminelle pour frelater (des œufs) avec un produit interdit», poursuit-il. Le débat est d'autant plus houleux que les autorités belges savaient depuis juin qu'il y avait «un problème» avec la contamination des œufs, mais avaient gardé le secret pour éviter de gêner le déroulement de l'enquête pour «fraude». «Nous sommes au courant depuis début juin qu'il y avait potentiellement un problème de Fipronil dans le secteur avicole», a déclaré Katrien Stragier, une porte-parole de l'Agence belge pour la sécurité de la chaîne alimentaire, sur une chaîne de télévision flamande.

● Y a-t-il un risque pour la santé du consommateur?

Des contrôles ont confirmé la présence de Fipronil en faibles doses dans certains œufs. Cependant, l'Agence belge pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) a assuré que les concentrations restaient très en dessous des seuils prévus par la réglementation européenne qui sont basés sur la consommation de deux œufs par jour. «Pour l'instant, nous ne voyons aucun danger pour la santé publique», affirme l'Afsca. Le ministre belge de l'Agriculture Denis Ducarme se veut lui aussi rassurant concernant les taux de l'insecticide prohibé dans les œufs belges. Selon lui, «une personne de 70 kg peut manger une quinzaine d'œufs avant même d'éprouver - à cause du Fipronil - de potentiels problèmes de santé». Toutefois, la Commission européenne a déclaré «suivre l'affaire de très près».

● Quels sont les pays concernés? La France en fait-elle partie?

En Allemagne, la contamination concernerait près de 10 millions d'œufs au total.Aldi a décidé de retirer tous ses oeufs de la vente, alors que d'autres chaînes comme Lidl, Rewe et Penny avaient choisi de ne détruire que les œufs néerlandais. En Suisse, les deux chaînes de supermarché les plus importantes du pays, Migros et Coop, ont elles aussi retiré tous les œufs d'importation de leurs rayons. En Belgique, les chaînes Delhaize, Albert Heijn, Colruyt et Aldi en ont fait de même, pour les œufs en provenance de fournisseurs sur lesquels pesaient des doutes. En France, pour l'heure, seul un élevage a été placé sous surveillance par précaution mais dont les œufs n'ont pas été mis à la vente, dans le nord du pays.

● Quelles conséquences pour les aviculteurs concernés?

Les plus durement touchés sont les aviculteurs néerlandais qui ont déjà subi des pertes de «plusieurs millions d'euros», selon une déclaration vendredi dernier du syndicat des éleveurs de volailles. La Haye a annoncé vendredi dernier qu'elle envisageait, en collaboration avec les acteurs du secteur, le déblocage d'un plan d'aide d'urgence, d'après l'agence de presse néerlandaise ANP. En Allemagne, par ailleurs, les aviculteurs ont dénoncé une «réaction exagérée» de la part d'Aldi (seuls quatre élevages allemands avaient été touchés). La Fédération allemande des agriculteurs a calculé que la décision d'Aldi avait fait perdre 4000 euros en moyenne à chacun des fournisseurs.

Pour les éleveurs dont les poules ont été contaminées, il n'y a que deux options pour faire disparaître entièrement l'insecticide: éliminer les poules touchées ou provoquer une «mue» et faire traiter l'évacuation du fumier par un organisme spécialisée afin de préserver l'environnement. En effet, la molécule prohibée se niche dans les graisses des poules et la mue provoquée par la baisse de luminosité fait perdre leurs plumes et leurs gras aux poules, l'efficacité du procédé n'est d'ailleurs pas garantie selon le site agricole néerlandais Boerderij. Les aviculteurs doivent donc plonger les poules dans le noir en attendant que le Fipronil soit évacué. D'autres éleveurs, en général ceux dont les poules sont plus âgées, optent pour la première option. Près de 300.000 poules ont déjà été supprimées aux Pays-Bas selon l'organisation agricole LTO. Un chiffre qui pourrait atteindre des millions avant la fin de la crise.