Le projet Europacity suspendu à la décision du tribunal ce vendredi
information fournie par Le Figaro 22/02/2019 à 05:45

Ce vendredi, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit se prononcer sur le plan local d’urbanisme de Gonesse. En cas de rejet, l’aménagement du triangle de Gonesse pourrait être menacé.

Après plusieurs années de soubresauts judiciaires, un nouveau rebondissement pour le projet Europacity se déroule ce vendredi: le tribunal administratif de Cergy-Pontoise va rendre sa décision sur le plan local d’urbanisme (PLU) de la ville de Gonesse, un document essentiel pour la mise en place du projet. Attaqué par les opposants d’Europacity, ce PLU voté en septembre 2017 a en effet rendu possible l’urbanisation du triangle de Gonesse et l’installation d’une gare du Grand Paris sur place. Selon un acteur bien informé, trois issues sont possibles: soit le tribunal valide le PLU, soit il le rejette, soit il accorde un sursis à la mairie pour qu’elle puisse ajuster le document.

Pour bien comprendre l’affaire, il faut revenir en 2017: la mairie de Gonesse veut modifier son plan local d’urbanisme afin de permettre l’urbanisation d’une partie du triangle de Gonesse, aujourd’hui majoritairement composé de terres agricoles. C’est sur ce terrain que seront bâties une gare de la future ligne 17 du métro ainsi que les installations d’Europacity, le projet titanesque de plus de trois milliards d’euros porté par la société Alliages & Territoires, composé de Ceetrus, branche immobilière du groupe Auchan (ex-Immochan), et du chinois Wanda, un opérateur immobilier spécialisé dans le divertissement. Menée entre mai et juin de la même année, l’enquête publique sur cette modification se termine par un avis consultatif défavorable de la part du commissaire en charge du dossier. Ce dernier estime que le projet d’urbanisation est «peu compatible avec la notion de développement durable», et que les objectifs d’emploi affichés sont «peu en phase avec le niveau de formation local». De plus, «le projet ne semble pas co-construit avec les différents acteurs territoriaux», et ces derniers sont aussi «partagés sur le projet d’Europacity», justifie l’auteur du document.

La mairie de Gonesse conteste cette analyse, et défend un projet «équilibré»: en septembre 2017, elle décide donc de ne pas suivre l’avis du commissaire public et vote son nouveau PLU. En face, les opposants ne désarment pas, et plusieurs associations formulent un recours contre la modification afin d’empêcher la «bétonisation» du triangle de Gonesse. C’est sur ce point que va se prononcer la justice, ce vendredi. La partie semble mal engagée pour la municipalité: fin janvier, le rapporteur public du tribunal s’est exprimé pour une annulation du PLU, et il est rare que ses opinions ne soient pas suivies.

L’abandon du projet requis par les opposants

Contactée, la mairie soutient que la transformation de ce territoire prévue représente un «projet structurant pour rattraper les inégalités régulièrement dénoncées» dans une zone particulièrement défavorisée. Plus spécifiquement, la gare permettra de désenclaver le territoire et Europacity participera de l’amélioration de l’image des communes environnantes et entraînera des créations d’emplois «nettes et considérables». «Nous avons imposé des normes environnementales solides à Alliages & Territoires», précise-t-elle, ajoutant que les plans officiels permettent d’atteindre un «équilibre entre développement socio-économique et protection de l’environnement».

Un rejet du PLU ne signifiera pas un arrêt de mort du projet d’aménagement, loin de là: Gonesse réitère sa «détermination», et soutient l’implantation du métro et d’Europacity. La mairie revendique l’appui continu des hautes sphères publiques, et ce malgré quelques déclarations récentes d’édiles plus mitigés comme le porte-parole de Matignon, Benjamin Grivaux, ou l’ancien ministre Nicolas Hulot.

Contactée par Le Figaro , Alliages & Territoires rappelle que, pour l’heure, les tensions se cristallisent autour du métro du Grand Paris et de la future gare du Triangle de Gonesse. «Qu’Europacity soit là ou non, le métro sera construit», précise notre interlocuteur, qui ajoute que leur projet s’inscrit dans le temps long et ne sera bâti que plusieurs années après la gare. «Nous avons le soutien de la population locale face à une opposition qui ment sur la destruction des terres agricoles», explique-t-on. Le groupe reste donc «confiant et déterminé» pour la suite.

Une opposition philosophique

Cet épisode n’est que le dernier en date d’une longue suite d’oppositions féroces entre promoteurs et opposants au projet. Les deux parties s’affrontent à la fois sur un plan quasi-philosophique - quel type d’aménagement faut-il mettre en œuvre? - mais aussi sur le détail des projets dévoilés jusqu’ici. Et, à mesure que les mois passent, les tensions s’exacerbent. Les choses se sont accélérées depuis que le projet d’aménagement du triangle de Gonesse a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, en décembre dernier, quelques mois après une enquête publique aux conclusions favorables, en juillet.

Mercredi soir, les multiples opposants au projet ont organisé une réunion publique à Paris pour bander leurs muscles à l’orée de la décision du tribunal et mettre en avant leur proposition alternative, baptisée Carma. Le plan d’Auchan et Wanda a contre lui des profils bien différents, allant des militants anticapitalistes aux associations de défense de l’environnement, en passant par des élus d’extrême-gauche (dont Clémentine Autain) et le géant de l’immobilier Unibail-Rodamco via son centre commercial Aéroville.

Six mois pour apaiser les tensions

Adversaire emblématique du projet et porte-voix du collectif Non à Europacity, Bernard Loup verrait dans le rejet du PLU de Gonesse un «encouragement» à poursuivre son combat pour convaincre les pouvoirs publics: il ne déposera pas les armes avant «qu’une décision politique de la région ou du gouvernement soit prise pour abandonner Europacity». «Notre crainte principale, dans l’immédiat, c’est la construction de la gare du grand Paris Express», explique-t-il. «Nous avons six mois pour que l’Etat ou la région prenne un décision politique forte», en abandonnant Europacity.

Car l’horloge tourne: le début des travaux de la future gare «triangle de Gonesse» de la future ligne 17 pourrait mener à une opposition plus frontale encore. La construction de cette station rendrait en effet inévitable l’urbanisation des zones alentours, avec ou sans Europacity. «Nous sommes prêts à poursuivre les discussions», explique Bernard Loup, qui se dit ouvert à un «projet d’urbanisation si celui-ci sert réellement les habitants du territoire». Toutefois, en l’absence d’une décision concertée, «on risque de tomber dans les types de contestations physiques des «gilets jaunes» ou de Notre-Dame-des-Landes», prévient celui qui n’exclut pas de voir émerger une ZAD sur cette zone agricole. Le temps presse: les travaux pour la gare doivent débuter fin 2019.