La crise sanitaire a mis en exergue la fracture numérique qui existe dans notre pays. L’illectronisme, transposition du concept d’illettrisme dans le domaine du numérique, toucherait aujourd’hui 13 millions de personnes. Si la priorité a souvent été la couverture maximum de notre territoire, la maîtrise des usages a été négligée et l’illectronisme devient un facteur d’exclusion important. Qui sont les personnes les plus inaptes à cet usage, et comment y remédier ?
L’illectronisme en France / iStock.com - VioletaStoimenova
Les exclus du numérique
Pour accéder à l’ensemble des services essentiels, l’usage du numérique devient une obligation. Or, si beaucoup de Français possèdent un ordinateur ou un smartphone, les compétences pour en faire un usage quotidien ne sont pas toujours acquises. Ainsi, 40% des Français reconnaissent avoir des problèmes dans leurs usages numériques au quotidien. Cette fracture numérique semble toucher davantage nos seniors. En effet, plus de 53% des personnes de plus de 75 ans ne sont pas équipées en matériel connecté et ont une forme d’appréhension face au numérique, faute de formation. Elles sont aussi 64% à n’avoir jamais utilisé internet au cours de cette année. Mais, une autre tranche de la population est aussi concernée par ce phénomène : les jeunes. 12% d’entre eux se disent mal à l’aise face aux outils numériques et se trouvent souvent désemparés dès que l’usage n’en devient plus ludique. Certains ont d’ailleurs eu, durant le confinement, des difficultés à suivre des cours en ligne. À ceux-ci se rajoutent les « abandonnistes », ceux qui délaissent totalement le Web par manque d’intérêt ou de formation.
Comment y remédier ?
Il suffirait parfois de quelques heures de cours pour que l’outil informatique ne soit pas vu comme l’outil inaccessible à la compréhension. Ainsi, Jean Deydier, fondateur et directeur de WeTechCare, une start-up sociale, se propose de faire du numérique un véritable levier d’inclusion. Pour ce faire, un réseau social mettant les jeunes qui arrivent sur le marché du travail en relation avec des cadres a été créé afin d’aider ces premiers à rédiger correctement un CV et à les préparer à réussir un entretien d’embauche. Également, en partenariat avec Emmaüs Connect et Lemon Learning, ils ont permis aux personnes souhaitant utiliser Doctolib ou Skype de se former à ces deux plateformes. Une autre initiative, à destination des seniors, est proposée par Laurent Levasseur, directeur de Bluelinea, une entreprise spécialisée en apport de solutions numériques en faveur des seniors. La crise sanitaire a souligné l’isolement dont souffrent nos ainés. Aussi, de nombreux départements, des fondations et de grandes entreprises leur ont mis à disposition des tablettes. Ce dispositif a très bien fonctionné dans les EPHAD où du personnel était capable d’expliquer le mode de fonctionnement de celles-ci. À domicile, ce fut une autre histoire, car l’accompagnement aux outils numériques fut plus ardu. La crise sanitaire a révélé que le problème de l’illectronisme n’est pas anodin et qu’il est temps de le prendre au sérieux. Ce contexte particulier a fait prendre conscience à beaucoup de personnes le lien social que pouvait constituer le numérique. Aussi, des initiatives privées ou locales de formations voient le jour, et on note, par exemple, qu’en Moselle, 19 conseillers numériques ont été recrutés. La lutte contre l’illectronisme devient un sujet auquel le gouvernement attache de l’importance afin que ce phénomène ne soit plus un facteur d’exclusion.