Faut-il introduire plus de capitalisation dans le financement des retraites ? information fournie par Le Cercle des économistes 16/06/2025 à 09:48
En réduisant structurellement le nombre d'inactifs cotisants par retraite, le vieillissement démographique remet en cause la soutenabilité de notre système de retraite par répartition. Même si elle fait débat chez certains, une solution régulièrement avancée par les experts est de combiner répartition et capitalisation.
Une capitalisation collective obligatoire combinée au système par répartition
Si un système par répartition n'empêche pas la capitalisation individuelle, celle-ci n'est en revanche possible que pour ceux qui en ont les moyens, ou qui ont la chance de travailler dans une entreprise qui investit pour leur retraite. L'idée est alors d'instaurer un système de capitalisation collective obligatoire, donc pour tous, où les cotisations des actifs sont placées dans un fonds commun qui est géré collectivement, par un organisme ou par l'Etat de préférence, permettant ainsi de constituer un capital destiné à financer les pensions futures sans dépendre des variations démographiques. Les fonds sont mutualisés et la gestion centralisée.
Ce système a plusieurs avantages : le capital investi peut bénéficier de la croissance des marchés financiers et offrir un rendement supérieur à celui de la répartition ; les risques liés aux marchés sont mutualisés, ce qui peut atténuer l'impact d'une mauvaise performance individuelle ; les placements sont diversifiés et optimisés. Il implique également une réglementation et un contrôle strict pour éviter toute dérive. En revanche, il s'expose à des pertes potentielles en cas de crise financière, et il peut manquer de transparence pour les affiliés/
En France, il existe des régimes par capitalisation obligatoire comme dans la fonction publique (Retraite Additionnelle de la Fonction Publique), à la Banque de France ou pour certaines professions libérales comme les pharmaciens, mais cela reste marginal. Par ailleurs, il faut rappeler que le Fonds de Réserve des Retraités (FRR) créé par Lionel Jospin en 1999, avait été pensé typiquement comme un système de capitalisation collective pour anticiper le déséquilibre financier lié au choc démographique. Toutefois, celui-ci n'a plus été abondé depuis 2010 et ne comprend plus qu'une vingtaine de milliards.
Comment gérer et financer la transition vers la capitalisation collective ?
La question majeure ici est la transition vers un régime de capitalisation collective. Par construction, les actifs devraient simultanément financer les pensions des retraités (via la répartition) et épargner pour leur propre retraite (via la capitalisation). La mise ne place d'un tel système de capitalisation collective produirait des générations sacrifiées en engendrant un double paiement.
En outre, le besoin de capitalisation pour financer les retraites actuelles et futures nécessiterait de mobiliser un capital très important, de l'ordre de plusieurs centaines de milliards d'euros pendant plusieurs décennies, ce qui rend la transition totale irréaliste à court ou moyen terme sans autre levier de financement. Plusieurs pistes sont régulièrement évoquées pour financer la transition, et si possible, ne pas faire peser tout le poids de celle-ci sur les actifs. Tout d'abord, il s'agirait de prélever les réserves disponibles détenues par l'Agirc-Arrco valorisées à 86 milliards d'euros fin 2024.
Toutefois, la proposition peut paraître osée car ces fonds proviennent des cotisations payées par les salariés et les employeurs afin de garantir le paiement des retraites complémentaires : elles n'ont donc pas vocation à combler le déficit d'autres régimes. Une autre solution consisterait à sous-indexer les pensions mais de manière temporaire, et à supprimer les 10% d'abattement fiscal pour frais professionnels des retraités estimé à 4,5 milliards d'euros par an. Ces deux mesures apparaissent toutefois peu probables compte-tenu du poids des plus de 65 ans dans le corps électoral. Enfin, une autre piste consisterait à vendre des participations de l'Etat dans certaines entreprises, mais cela ne suffira pas.
Nathalie Chusseau
Professeure à l'Université de Lille
Membre du conseil scientifique de l'Etablissement public d'insertion de la Défense
Invitée par le Cercle des économistes