Assurance-vie et succession : jusqu’où peut-on priver ses héritiers ?
information fournie par Mingzi 27/02/2025 à 08:12

Désigner un bénéficiaire d'assurance-vie doit respecter les droits des héritiers et éviter les primes exagérées. (Crédit photo : Shutterstock)

Peut-on librement désigner un bénéficiaire d'assurance-vie sans que cela ne porte atteinte aux droits des héritiers ? Une affaire opposant une héritière à une association vient rappeler les critères encadrant les primes manifestement exagérées.

Les faits

Mme G décède en 2019 à l'âge de 83 ans. Elle avait souscrit en 2009 un contrat d'assurance-vie et avait désigné la Ligue nationale contre le cancer comme bénéficiaire. Au fil des ans, elle avait versé un total de 274.800 euros sur ce contrat. Sa fille unique, Mme Y, conteste ces versements, arguant qu'ils portent atteinte à sa réserve héréditaire et qu'ils sont manifestement exagérés.

Elle porte l'affaire devant la justice. La Cour d'appel lui donne raison : elle estime que les versements effectués par Mme G sur son contrat d'assurance-vie sont excessifs, notamment parce qu'ils représentent plus de 75 % de son patrimoine total, ce qui a pour effet de déposséder sa fille d'une part significative de son héritage. La cour ordonne alors la réintégration de 130.000 euros à la succession.

Intervention de la Cour de cassation

Saisie par la Ligue nationale contre le cancer, la Cour de cassation annule cette décision. En effet, elle rappelle que, selon l'article L. 132-13 du Code des assurances, les primes versées sur un contrat d'assurance-vie ne sont rapportables à la succession que si elles sont manifestement exagérées. Or, pour déterminer le caractère manifestement exagéré, il faut considérer uniquement :

  • L'âge du souscripteur,
  • Sa situation patrimoniale et familiale,
  • L'utilité du contrat pour lui au moment du versement.

La Cour de cassation estime que la Cour d'appel a appliqué un critère inadapté en tenant compte de l'atteinte à la réserve héréditaire. Or, le désintéressement d'un héritier ne constitue pas un critère légal pour juger du caractère excessif des primes. Ainsi, en retenant cet argument, la Cour d'appel a violé la loi.

Par cette décision, la Cour de cassation réaffirme que l'appréciation du caractère manifestement exagéré d'une prime ne doit pas se baser sur la protection des héritiers réservataires mais sur les facultés du souscripteur au moment du versement. Elle renvoie donc l'affaire devant une autre Cour d'appel pour un nouvel examen.

Source : 19 décembre 2024 - Cour de cassation - Pourvoi n° 23-19.110