Véhicule électrique : « La technologie n’est pas aboutie » selon Carlos Tavares (Stellantis)

information fournie par AOF 05/07/2023 à 18:15

(AOF) - En matière de véhicule électrique, « la technologie n’est pas aboutie », « rien n’est optimisé », affirme le patron de Stellantis, Carlos Tavares, dans un entretien accordé au « Figaro », estimant que « l’industrie doit passer d’une technologie qui a été optimisée, affûtée, pendant plus d’un siècle à une technologie encore balbutiante ». Or les constructeurs chinois « ont pris de l’avance » et la bataille avec eux « sera très rude, et d’abord en Europe », car l’Europe « a calé sa réglementation sur ce qui est précisément le point de force des constructeurs chinois ».

" On demande à des champions de basket de se mettre au saut à la perche " et " ça ne se fait pas du jour au lendemain ", précise le patron de Stellantis. " Il faut changer nos technologies et nos organisations, adapter nos dispositifs industriels dans un temps très court et dans des sociétés occidentales qui n'aiment pas beaucoup le changement " donc " ce sera darwinien ". En écho aux propos qu'il a en janvier 2023 dans le magazine allemand " Automobilwoche " en marge du CES 2023 de Las Vegas, Carlos Tavares se demande " combien pourront survivre ".

" C'est sur le prix de vente que la réussite de cette transition se fera " " or, la relocalisation augmente les coûts " et " nous éloigne donc de l'objectif" ajoute-t-il. Il faut selon lui " profiter de structures de coûts low cost ", ce qui " ne veut pas forcément dire construire en Chine " car " il peut y avoir de meilleurs endroits dans le monde, pour certains plus près de l'Europe, et même en Europe ". Il faut également " produire dans nos pays des voitures avec une forte valeur ajoutée et un plus grand contenu technologique ".

" Le groupe Stellantis proposera des voitures électriques à moins de 25.000 euros, voire à 20.000 euros avec la Citroën C3 électrique fabriquée en Slovaquie ", annonce Carlos Tavares. " Il faut additionner les atouts des pays européens plutôt que d'ajouter de la division et du protectionnisme à l'intérieur de l'Union ", conclut-il.

AOF - EN SAVOIR PLUS

Points-clés

- Sixième groupe automobile mondial -3ème américain avec 11 % de parts de marché et 2ème européen avec 18 %, né en janvier 2021 de la fusion Groupe Peugeot-Fiat Chrysler ;

- Chiffre d’affaires de 179,6 Mds€ réalisé sous 14 marques - Alfa Romeo, Chrysler Citroën, DS, Jeep, Opel, Peugeot…-, essentiellement en Amérique du nord et du sud et en Europe ;

- Modèle d’affaires adaptant le groupe aux nouveaux usages des automobilistes et à l’électrification des véhicules (positions mondiales dans les véhicules électriques) via la transformation digitale, la culture interne de la performance (compétitivité industrielle élevée) et la responsabilité sociale ;

- Capital avec 4 actionnaires principaux : le holding de la famille Agnelli Exor pour 14,4 %, la famille Peugeot pour 7,2 %, le chinois Dongfeng pour 5,6 % et BPI France pour 5,66 %, John Elkann présidant le conseil d’administration de 11 membres et Carlos Tavares étant directeur général ;

- Situation financière saine : 61,3 Mds€ de liquidité industrielle disponible et 61,3 Mds€ de capitaux propres, face à une dette de 34 Mds€.

Enjeux

Plan stratégique « Dare forward 2030 » :

- maintien d’un point d’équilibre à moins de 50 % des facturations et de marges opérationnelles à plus de 2 chiffres,

- doublement des revenus dont un quadruplement dans le haut de gamme, ¼ réalisé hors Europe et Amérique du nord (20 Mds€ en Chine) et 1/3 tirés des ventes en ligne,

- stratégie software de 20 Mds de chiffre d’affaires et environ 40 % de marge brute ;

- Stratégie d’innovation :

- hausse de la capacité des batteries à 400 GWh,

- association piles à combustibles/hydrogène pour les grands utilitaires,

- nouveau fonds de capital risque de 300 M€ pour les technologies de pointe,

- écosystème collaboratif, avec plus de 160 projets cofinancés et plus de 1 000 partenaires -conduite autonome, connectivité, électrification et propulsion de pointe,

- académies dans le digital & data et l’électricité et 9 hubs digitaux ;

- Stratégie environnementale de neutralité carbone en 2038 via une baisse de 50 % en 2030 vs 2021 :

- 100 % de véhicules électriques en Europe et 50 % aux Etats-Unis ;

- nouvelle division d’économie circulaire – achat du reconditionneur Stimcar, lancement de hubs circulaires régionaux à partir de 2023, label SUSTAINera - visant 2 Mds€ de chiffre d’affaires en 2030,

- investissement dans la mine de cuivre « durable » Los Azules en Argentine,

- Intégration du spécialiste Share now -5 millions de clients dans le monde ;

- Sécurisation de l’écosystème des batteries par 5 giga-entreprises en Europe et Amérique du nord et par intégration verticale des matières premières ;

Défis

- Réduction des pénuries de semi-conducteurs d’ici fin 2023 ;

- Retombée du partenariat stratégique avec Archer dans la production de l’aéronef électrique à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL) ;

- Avancées des activités de financement aux Etats-Unis et en Europe, à forte rentabilité ;

- Après une hausse de 29 % des revenus au 3ème trimestre, confirmation de l’objectif 2022 d’une marge opérationnelle à 2 chiffres et d’un flux d’autofinancement libre positif.

- Dividende 2022 de 1,34 € et rachat d’actions pour 1,5 Md€.

Une performance paradoxale

Les données du cabinet EY soulignent que la performance des 16 premiers constructeurs mondiaux a été particulièrement élevée en 2021. Alors que la marge moyenne a reculé pendant trois années de suite, passant de 6,3% en 2017 à 3,5% seulement en 2020, cette marge s'est établie à 8,5% en 2021. Ce niveau constitue un record depuis dix ans. Pourtant le contexte a été particulièrement chahuté pour les constructeurs, confrontés à des pénuries inédites de composants. Les ventes mondiales ont chuté de 14% en 2020, année de la crise sanitaire, pour rebondir de seulement 5% en 2021. Toutefois, l'an passé, les acteurs ont pu tirer les fruits de leurs efforts sur la structure de leurs coûts fixes.