par David Shepardson
WASHINGTON, 21 novembre (Reuters) - Le président de la FCC,
l'autorité fédérale des communications aux Etats-Unis, a dévoilé
mardi son projet d'abrogation du décret de 2015 interdisant aux
fournisseurs de services internet (FAI) de bloquer ou de
ralentir l'accès des clients au contenu web et il a prévenu que
le régulateur empêcherait les Etats et les municipalités
d'adopter des dispositions similaires.
Nommé en janvier par le président Donald Trump à la tête de
la FCC, Ajit Pai s'était déjà prononcé en ce sens en faisant
valoir que les règles édictées par l'administration Obama en
matière de "neutralité du net" avaient entraîné des suppressions
d'emplois chez les fournisseurs d'accès et dissuadé
l'investissement.
Mardi, il a dit à Reuters que la Commission fédérale des
communications voterait lors d'une réunion le 14 décembre sur la
suppression de ces règles.
Avec trois commissaires républicains et deux démocrates, la
proposition est presque certaine d'être approuvée. Donald Trump,
issu des rangs républicains, a exprimé son opposition à la
neutralité du net en 2014 avant même son adoption, qualifiant
l'initiative de Barack Obama de "coup de force".
"La FCC ne s'occupera plus de la microgestion des modèles
d'entreprises ni d'interdiction préventive des services,
applications et produits susceptibles d'être favorables à la
concurrence", a déclaré Ajit Pai lors d'un entretien à Reuters,
ajoutant que l'administration Obama avait mis en place une
réglementation "lourde" d'internet.
"Nous devrions simplement définir le code qui permet aux
entreprises de toutes sortes dans chaque secteur de se faire
concurrence et laisser les consommateurs décider qui gagne et
perd", a-t-il ajouté.
La neutralité du net, qui vise à garantir l'égalité de
traitement de tous les flux de données sur internet, interdit
aux fournisseurs de haut débit de facturer davantage leurs
clients pour accéder plus vite à certains contenus, une pratique
appelée "paiement prioritaire".
Ajit Pai a dit vouloir éviter que les Etats et les autorités
locales imposent leurs propres règles de neutralité du net car
selon lui le service internet haut débit est "intrinsèquement un
service inter-Etats".
L'initiative attendue de la FCC représente une victoire pour
les géants du secteur comme AT&T T.N , Verizon Communications
VZ.N et Comcast CMCSA.O qui se plaignent ne pas pouvoir
réguler le trafic internet efficacement et disent être
découragés d'investir pour développer leurs capacités.
En juillet, l'Internet Association, regroupant notamment
Facebook FB.O et Alphabet GOOGL.O , maison mère de Google,
avait exhorté Ajit Pai à abandonner son projet d'abrogation des
règles.
Lors de sa réunion de décembre, la FCC votera sur la
proposition d'Ajit Pai consistant à demander aux FAI de dévoiler
s'ils permettent le blocage ou le ralentissement de l'accès au
web ou autorisent des voies rapides contre un paiement
prioritaire. Une telle information permettra à une autre agence,
la Federal Trade Commission (FTC), d'agir plus facilement contre
les FAI qui ne dévoilent pas leurs conditions aux consommateurs,
a ajouté Ajit Pai.
"DISPARAÎTRE À JAMAIS"
De nombreux démocrates et certaines entreprises internet
critiquent le projet de la FCC et estiment que sans les règles,
la transparence de l'internet sera menacée.
Le démocrate Eric Schneiderman, procureur général de New
York, écrit sur Twitter: "Internet est la place publique du XXIe
siècle. Si nous ne nous levons pas tous contre le projet de la
FCC pour tuer la #neutralité, l'internet libre et ouvert que
nous connaissons aujourd'hui pourrait disparaître à jamais".
L'abrogation attendue de la neutralité du net est le dernier
exemple d'une série de mesures adoptées sous Barack Obama que
Donald Trump s'emploie à supprimer depuis son arrivée à la
Maison blanche en janvier. Le milliardaire menace des accords
commerciaux internationaux, a retiré son pays de l'accord de
Paris sur le climat et cherche à abroger l'Obamacare, la réforme
de l'assurance santé de son prédécesseur.
L'initiative d'Ajit Pai devrait reclasser les fournisseurs
d'accès internet comme "services d'information" et non plus en
"services de télécommunication", réduisant ainsi le pouvoir de
supervision de la FCC. Cette dernière a approuvé en mai le
projet d'Ajit Pai mais a laissé en suspens de nombreuses
questions clés, dont celles de conserver ou non les exigences
légales limitant la conduite des FAI.
Sur un autre dossier, le patron de la Commission fédérale
des communications demandera à l'agence américaine de voter en
décembre pour reconsidérer les règles empêchant une entreprise
de posséder des réseaux de télévision desservant plus de 39% des
foyers américains, a-t-on appris mardi de source informée du
dossier.
Dans un avis aux commissaires, Ajit Pai a demandé sur ce
dossier à la FCC d'examiner s'il fallait supprimer ou accroître
le plafond actuel.
Les grands groupes de médias comme Tegna TGNA.N , CBS
CBS.N et Nexstar Media Group NXST.O affirment que cette
réforme pourrait les inciter à rechercher des opportunités de
croissance.
(David Shepardson; Claude Chendjou pour le service français,
édité par Véronique Tison)