USA-La couverture du risque de "convexité" alimente le repli des rendements souverains information fournie par Reuters 25/03/2025 à 16:46
par Gertrude Chavez-Dreyfuss
Le récent recul des rendements souverains américains pourrait avoir été déclenché par des achats importants de titres du Trésor et de swaps de taux par des gérants et des assureurs, selon des observateurs.
Ces achats, qui permettent de limiter l'impact du refinancement des prêts hypothécaires à des taux plus faibles, pourraient amplifier le déclin des rendements du Trésor alimenté par les inquiétudes sur la croissance américaine.
La stratégie des gérants et des assureurs tient au concept de "convexité", qui mesure l'impact des taux d'intérêt sur la valorisation d'une obligation. De faibles variations de taux peuvent en effet avoir des impacts disproportionnés sur les portefeuilles ou les bilans, et des stratégies de couverture sont déployées par les acteurs du secteur des prêts hypothécaires lorsque les taux reculent.
Des analystes estiment que les achats de convexité ont commencé début mars, le rendement du 10 ans américain touchant un plus bas depuis octobre après avoir atteint en février un record sur 15 mois.
Le rendement du 10 ans influe sur le coût du financement pour les ménages et les entreprises et demeure proche de son plus bas atteint le 4 mars, à 4,10%.
"Des achats de couverture contre la convexité ont lieu en permanence et varient en intensité. Mais le mouvement (du 10 ans) est suffisamment important pour encourager les investisseurs à repositionner leurs portefeuilles", explique Gennadiy Goldberg, responsable de la stratégie taux chez TD Securities.
Les prêts hypothécaires américains peuvent être refinancés ou remboursés par anticipation lorsque les rendements reculent, diminuant la durée de vie moyenne d'un emprunt et réduisant donc son rendement, la progression de la valeur du prêt lorsque les taux baissent étant limitée par ces anticipations, un exemple de "convexité négative". Ce phénomène érode par ailleurs la duration du portefeuille des investisseurs en ces titres, qui devient donc inférieure à celle de l'indice de référence.
Environ 16% des prêts hypothécaires en cours ont des taux supérieurs à 6% et pourraient donc être refinancés rapidement en cas de baisse des taux - bien que 64% des prêts existants affichent des taux inférieurs à 4%, selon une note de Goldman Sachs.
Afin de maintenir une duration de portefeuille comparable à celle de l'indice, les investisseurs en prêts hypothécaires achètent, ou bien des titres souverains américains, ou bien des contrats à terme sur les bons du Trésor. Il est aussi possible d'acheter la "jambe variable" d'un swap de taux et de payer un taux variable en échange d'un taux fixe, ce qui protège contre les baisses de taux d'intérêt.
Les swaption receveurs, qui offrent la possibilité de contracter un swap de taux comme "jambe variable", permettent par ailleurs de couvrir les risques de convexité négative, des analystes indiquant que le marché des swaption était orienté vers les produits receveurs.
"Il y a eu beaucoup d'achat liés à la convexité. Les investisseurs veulent aussi acheter de la duration parce qu'ils craignent que des taux plus faibles ne déséquilibrent leurs portefeuilles", explique Guneet Dhingra, responsable de la stratégie taux américains chez BNP Paribas.
Pour les assureurs, des taux plus faibles éroderaient les rendements pour les détenteurs d'assurance-vie et les actionnaires.
Reste que la part des investisseurs actifs détenant des titres adossés à des prêts hypothécaire ne cesse de reculer, passant de 27% en 2002 à 6% actuellement, limitant d'autant l'impact sur les marchés des stratégies de couverture de convexité, écrit Goldman Sachs dans une note.
CONVEXITE
Néanmoins, la couverture du risque de convexité contribue à expliquer le resserrement de l'écart de taux entre le swap de taux à 10 ans et le rendement de la maturité correspondante (swap spread), passé de -38,3 points de base au 14 février à -44 points de base lundi. Des swap spread plus étroits sont liés à une demande plus importante en "jambe variables" de swaps.
Par ailleurs, la volatilité implicite sur les swaptions à maturité longues, comme celle sur les swaps de taux à 10 ou 30 ans, a augmenté. La volatilité implicite sur les options à trois mois sur les swaps de taux à 10 ans a touché un plus haut en quatre mois le 10 mars à 27,71 points de base, contre 25 points de base lundi.
Amrut Nashikkar, responsable de la stratégie dérivés chez Barclays, explique que cette volatilité implicite plus élevée sur les swaption à maturité courte tient au flou entourant les mesures que pourrait prendre la nouvelle administration Trump.
Mais les "attentes de besoin en couverture de convexité (…) ont pu causer la hausse de la volatilité implicite sur les options sur les swaps à plus long terme", conclut le responsable.
(Rédigé par Gertrude Chavez-Dreyfuss, version française Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)