* La Commission européenne voulait une décision rapide
* Le tribunal de commerce a jugé les offres dérisoires
* La liquidation judiciaire menace
(Actualisé avec contexte, réactions)
par Jean-François Rosnoblet
MARSEILLE, 10 juin (Reuters) - Le tribunal de commerce de
Marseille a ignoré mercredi les avertissements de la Commission
européenne sur la SNCM en ordonnant un nouvel appel d'offres
pour la reprise de la compagnie maritime, qui risque la
liquidation judiciaire.
L'exécutif européen a demandé à plusieurs reprises que le
choix du repreneur soit fait avant le début de la saison d'été
pour que cesse la distorsion de concurrence créée par le
versement de subventions qu'elle juge illégales. ID:nL5N0YV48A
Il avait également fait savoir qu'il ne renoncerait à
réclamer le remboursement de 440 millions d'euros d'aides d'Etat
versées dans le passé que si une décision rapide était prise.
Mais le tribunal de commerce de Marseille a ordonné mercredi
le lancement d'un nouvel appel d'offres, rejetant les trois
candidatures fermes déjà déposées et les deux lettres
d'intention qui lui ont été remises le week-end dernier.
Une audience aura lieu le 25 septembre prochain, après la
saison d'été, pour examiner les offres qui auront été déposées
d'ici là pour la Société nationale Corse Méditerranée, placée
fin novembre en procédure de redressement judiciaire.
"Tenter un nouvel appel d'offres paraît être l'ultime mesure
dont dispose le tribunal pour organiser une cession dans les
meilleures conditions possibles pour l'entreprise", souligne la
justice consulaire dans un jugement que Reuters s'est procuré.
Elle précise qu'une liquidation de la SNCM "paraît
prématurée" au regard d'une "trésorerie positive de l'ordre de
30 millions d'euros", suffisante pour passer la saison estivale.
OFFRES "DÉRISOIRES"
Le tribunal se montre sévère sur les offres de reprise
présentées par la compagnie Baja Ferries, le transporteur corse
Patrick Rocca et la société d'investissement Med Partners de
Christian Garin, ancien président du port de Marseille.
Il souligne que les offres sont "dérisoires", entre 3,5 et 5
millions d'euros, "sans commune mesure avec la valeur des actifs
de la société" estimée à plus de 200 millions d'euros.
Le tribunal n'a pas non plus pris en compte les lettres
d'intention d'un consortium d'entrepreneurs corses et du groupe
STEF-TFE STF.PA , spécialiste européen de la logistique du
froid et propriétaire de la Compagnie Méridionale de navigation
(CMN), partenaire historique de la SNCM.
Les deux compagnies assurent ensemble la très controversée
délégation de service public (DSP) pour les dessertes entre la
Corse et le continent, qui représente 96 millions d'euros par an
et doit prendre fin le 1er octobre 2016.
La DSP avait été attribuée pour la période 2014-2023, ce qui
a été contesté par la compagnie concurrente, Corsica Ferries,
devant le tribunal administratif de Bastia. Ce dernier l'a
annulée le 7 avril dernier.
Les syndicats de la compagnie ont exprimé leur satisfaction.
"Le tribunal a rejeté toutes les pressions en ordonnant un
nouvel appel d'offres", a affirmé le délégué CFE-CGC, Maurice
Perrin, qui a annoncé la levée du préavis de grève de jeudi.
Le président de la Chambre de commerce et d'industrie
Marseille-Provence, Jacques Pfister, a aussi salué dans un
communiqué une "sage décision" qui permet de "laisser passer la
saison estivale afin de ne pas pénaliser les économies" locales.
LIQUIDATION INÉVITABLE ?
Mais la SNCM, dont l'actionnaire majoritaire est Transdev,
coentreprise entre la Caisse des dépôts et Veolia VIE.PA , est
désormais en grand danger, et ses 1.500 emplois en CDI aussi.
Transdev s'est étonné de la présentation de nouvelles offres
juste avant l'audience de mercredi alors que, selon lui, toutes
les conditions étaient réunies pour une décision.
"Transdev ne peut que souhaiter que ces démarches de
dernière minute aient été initiées dans un esprit de sérieux et
de sincérité, et ne constituent pas des manoeuvres dilatoires
destinées à empêcher à tout prix la mise en oeuvre d'une
solution pérenne", dit le groupe dans un communiqué.
L'entreprise s'inquiète d'une réaction négative de la
Commission européenne face à ce nouveau report, avec le risque
de rendre toute reprise impossible, ce qui "provoquerait une
liquidation totale de la compagnie".
Olivier de Chazeaux, l'avocat de Christian Garin, a lui
aussi estimé qu'"au bout de la route, en début de d'automne,
c'est la liquidation judiciaire qui menace l'entreprise".
Aucun repreneur ne devrait en effet prendre le risque de
voir la Commission lui réclamer le remboursement des 440
millions d'euros d'aides jugées illégales, sauf si le
gouvernement français parvient à un compromis avec Bruxelles.
"La France va devoir très vite rassurer Bruxelles sur ce
point", dit une source proche du dossier.
(Edité par Yves Clarisse)