POINT HEBDO-Les trajectoires américaines et européennes à la loupe des marchés
information fournie par Reuters 10/03/2025 à 07:00

(Répétition sans changement d'une dépêche publiée vendredi)

L'économie américaine et les impacts du vaste plan européen de réarmement occuperont dans les prochains jours les investisseurs, qui garderont aussi un oeil sur les annonces chinoises de relance économique.

Tour d'horizon des perspectives de marché dans les jours à venir :

1/ L'ECONOMIE US VACILLE

Les chiffres de l'inflation CPI aux États-Unis seront publiés mercredi, ce alors que les investisseurs s'inquiètent de plus en plus de l'état de santé de l'économie américaine.

"La politique économique de Donald Trump sera-t-elle favorable à la croissance et, au bout du compte, aux actifs financiers ? Juste après l’élection, la réponse donnée par les marchés et les enquêtes de sentiment était plutôt positive, reflétant les espoirs de baisses d’impôt et de déréglementation", rappelle Bruno Cavalier, chef économiste d'Oddo BHF.

"Quatre mois plus tard, la réponse est plutôt négative", ajoute l'observateur.

L'incertitude est au cœur des préoccupations des agents économiques, qui évoquent notamment les droits de douane et leurs effets inflationnistes dans les dernières enquêtes ISM. La dégradation du sentiment pèse à son tour sur les actions américaines, en repli de plus de 6% depuis leur pic de la mi-février.

Car si le manque de clarté peut pousser les entreprises à reporter leurs décisions d'investissement et les consommateurs à différer leurs dépenses, cela encouragera également la Réserve fédérale à davantage de prudence au cours de sa réunion du 19 mars - un vent contraire de plus pour des actifs profitant d'un assouplissement des conditions monétaires.

2/ L'ECONOMIE EUROPEENNE À UN POINT D'INFLEXION

En plus des incertitudes sur les droits de douane, les investisseurs doivent composer avec le plan de réarmement européen, aux implications profondes mais floues.

La Banque centrale européenne (BCE) a donné le ton jeudi: s'il est encore trop tôt pour avoir une idée des impacts économiques de ce plan, davantage de dépenses militaires et dans les infrastructures soutiendra l'inflation, la croissance et la productivité dans l'Union européenne (UE).

L'ampleur dépend notamment de la manière dont seront fléchées ces dépenses.

"L'impact direct sur la croissance (…) du plan européen prendra du temps à se matérialiser et dépendra en partie de la résolution des contraintes de capacité et de la part des achats publics réalisés auprès d'acteurs nationaux", commente Eiko Sievert, analyste chez Scope Ratings.

Philippe Dauba-Pantanacce, économiste en charge de la géopolitique chez Standard Chartered, rappelle qu'entre 2019 et 2023, 55% des armes en Europe ont été importés des États-Unis, et que la part totale des États-Unis dans les achats d'équipement de défense par l'UE est sans doute plus importante.

Réduire cette surreprésentation américaine pourrait être d'autant plus complexe que des négociations autour de la réduction du déficit commercial entre Vieux Continent et États-Unis pourraient inclure le marché de la défense, ajoute l'économiste.

Les premières estimations réalisées par les observateurs suggèrent donc une hausse modeste du PIB en 2025 pour la zone euro, qui s'accélérerait les années suivantes à mesure que les investissements porteront leurs fruits. Citi prévoit ainsi un impact très faible pour cette année, de 0,2 point de pourcentage en 2026 et de 0,5 à 0,7 point en 2028 et 2029.

3/ LES ACTIFS EUROPEENS SE REPOSITIONNENT

En attendant la matérialisation de ces investissements, la bonne performance des actions européennes devrait se poursuivre.

"Au-delà d'un soutien direct des gouvernements, un changement de rhétorique autour des perspectives de croissance de l'Europe pourrait considérablement améliorer les valorisations", remarquent les stratèges de Goldman Sachs.

Vendredi à l'ouverture, les actions européennes s'échangeaient à 14,2 fois le bénéfice par action, un niveau supérieur à la moyenne historique mais qui affiche toujours une décote de 35% par rapport aux actions américaines, presque un record, selon des données Datastream.

Les rendements souverains ont également un peu de place pour progresser, soutenus par un accroissement attendu de l'endettement en Europe et une révision à la hausse des perspectives de croissance de l'UE.

Le rendement du Bund à 10 ans DE10YT=RR , référence de la zone euro, a pris plus de 40 points de base en une semaine, faisant repartir l'ensemble des rendements mondiaux à la hausse.

"Le mouvement de cette semaine est cohérent avec des dépenses nettes supplémentaires représentant 1,5% du PIB pour l'Allemagne. La prime de terme pourrait encore augmenter en 2025, le rendement des Bunds pouvant aller jusqu'à 3% et n'étant pas susceptibles de revenir sous 2,50%", écrit Adam Kurpiel, responsable de la stratégie taux chez Société Générale CIB.

Reste qu'une pentification de la courbe liée à une amélioration des perspectives économiques, et non au risque souverain ou à une inflation plus forte, est en générale positive pour les actions, rappelle Goldman Sachs.

4/ PEKIN ATTENDU SUR LES DETAILS DE SA RELANCE

Les "deux sessions" du Parlement chinois se termineront les prochains jours, les observateurs attendant l'annonce de mesures concrètes pour atteindre les objectifs de croissance ambitieux de Pékin.

"Réitérer un objectif de croissance 'autour de 5%' en dépit d'un environnement économique plus complexe est selon nous une démonstration de confiance et suggère des mesures de soutien à la demande nationale plus importantes", remarque Lynn Song, chef économiste Chine chez ING.

De fait, l'objectif le plus important pour le gouvernement est cette année de "soutenir avec vigueur la consommation et améliorer l'efficacité des investissements", un changement remarqué par rapport aux années précédentes où l'objectif principal se focalisait sur le pan de l'offre.

(Rédigé par Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)