"Pas d'élection demain !": Manifestation en Algérie contre la présidentielle

information fournie par Reuters 11/12/2019 à 13:06
    ALGER, 11 décembre (Reuters) - Plusieurs milliers de
manifestants se sont rassemblés mercredi dans Alger à la veille
d'une élection présidentielle dont ils réclament l'annulation.
    Les manifestants considèrent que ce scrutin est une
mascarade et qu'il n'est pas possible d'organiser une
présidentielle en Algérie tant que la totalité des membres de la
"vieille garde" n'auront pas quitté la scène et que l'armée
n'aura pas mis fin à ses ingérences dans la vie politique du
pays.
    "Pas d'élection demain", ont scandé les manifestants.   
    "Les Algériens veulent un changement radical, ils en ont
assez", témoigne Ahmed Kamili, un étudiant de 25 ans, croisé
dans le cortège les épaules couvertes du drapeau algérien.
    La Kabylie, région traditionnellement rétive au pouvoir
central, est pour sa part paralysée par une grève générale. Là
encore, il s'agit de rejeter l'organisation du scrutin.
    Cette élection présidentielle est la conséquence de la
démission d'Abdelaziz Bouteflika, évincé du pouvoir début avril
sous la pression de la rue et de l'armée alors qu'il projetait
de briguer un cinquième mandat. 
    Le scrutin avait été initialement programmé début juillet
mais repoussé faute de candidats, les deux seules personnalités
en lice ayant été invalidées par le Conseil constitutionnel.
    Cinq candidats brigueront jeudi la présidence.
    Abdelmadjid Tebboune, éphémère Premier ministre en 2017, Ali
Benflis, qui a dirigé le gouvernement en 2000-2003, Azzeddine
Mihoubi, ancien ministre de la Culture soutenu par le Front de
libération nationale (FLN), Abdelkader Begrine, ex-ministre du
Tourisme, et Abdelaziz Belaïd, ancien membre du comité central
du FLN, ont tous été liés à un stade ou un autre de leur
carrière à Abdelaziz Bouteflika.
    Pour les partisans du "Hirak" (mouvement, en arabe), qui a
débuté en février et mobilisé des centaines de milliers de
personnes, ils sont tous les cinq issus de la "vieille garde"
qui monopolise le pouvoir depuis l'indépendance, en 1962.
    Ils considèrent de ce fait que ce scrutin n'a aucun sens et
qu'il ne servira qu'à masquer derrière un gouvernement civil de
façade la mainmise de l'armée. Une mainmise renforcée par les
condamnations pour corruption qui ont frappé ces derniers mois
des figures du pouvoir, dont le frère de l'ex-président Saïd
Bouteflika et Mohamed Mediène, ancien patron du Département du
renseignement et de la sécurité (DRS), la sécurité intérieure.
    "L'élite corrompue de Bouteflika est en prison. La mauvaise
nouvelle, c'est qu'il n'y a aucune élite de rechange. Le système
ne changera pas, il va simplement s'adapter ainsi qu'il l'a
toujours fait", note un ancien ministre aujourd'hui retiré de la
vie politique.
    Le chef d'état-major des forces armées algériennes, le
général Ahmed Gaïd Salah, au centre du jeu depuis l'émergence du
Hirak, estime à l'inverse que l'élection de jeudi est la seule
voie pour sortir de la crise politique.
    "Nous allons voir si une mauvaise élection vaut mieux que
pas d'élection du tout", commente le politologue Farid Ferrahi.

 (Lamine Chikhi et Hamid Ould Ahmed 
version française Henri-Pierre André)