Malmené depuis 2 ans en Bourse, le secteur américain de la santé conserve des atouts pour 2025 information fournie par Agefi Dow Jones 07/01/2025 à 15:52
L'élection de Donald Trump a renforcé la dynamique haussière d'un marché qui avait déjà nettement progressé depuis le début de l'année. Pour les investisseurs du secteur de la santé, en revanche, elle est venue renforcer la liste des arguments baissiers.
La nomination par Donald Trump du vaccino-sceptique Robert F. Kennedy Jr. (RFK Jr.) au ministère de la Santé ainsi que la perspective d'une remise en cause par les républicains des programmes de santé Medicaid et Obamacare ont déclenché un mouvement de vente touchant l'ensemble du secteur: hôpitaux, pharmacies, assureurs santé et autres biotech.
Les inquiétudes générées par le scrutin ont exacerbé les difficultés dont souffrait déjà le secteur. Les valeurs de la santé ayant enregistré en 2023 une performance inférieure d'environ 22 points de pourcentage à celle du S&P 500, d'aucuns pensaient que 2024 serait l'année du rebond. En lieu et place, l'histoire n'a fait que se répéter, avec une sous-performance de 20 points de pourcentage pour le segment. L'écart de valorisation ainsi créé a pris des airs d'aberration historique: le fonds indiciel coté (ETF) Health Care Select Sector présente une décote de plus de 20% par rapport au S&P 500 sur la base des multiples de bénéfices attendus, bien plus importante, donc, que la décote moyenne de 5% observée au cours des vingt dernières années, selon FactSet.
Cette tendance baissière s'explique en partie par les fondamentaux financiers. Alors que l'économie américaine est en bonne santé et que les entreprises technologiques bénéficient du fort enthousiasme suscité par l'intelligence artificielle (IA), la plupart des acteurs de la santé semblent être pris dans un cycle d'abaissement de leurs prévisions de résultats, constate Asad Haider, stratégiste spécialisé dans les valeurs de la santé chez Goldman Sachs. Les raisons sont propres à chaque métier.
+ Coûts post-pandémie plus élevés que prévu +
Pour les assureurs, il s'agit de coûts post-pandémie plus élevés que prévu, les patients ayant recommencé à fréquenter en masse hôpitaux et médecins. Pour les laboratoires pharmaceutiques, les problèmes de rentabilité sont en partie liés à une hausse des frais d'acquisition, le secteur cherchant à compenser la faiblesse de sa croissance par des opérations de rapprochement. En bref, dans un marché en surchauffe, ce n'est pas le secteur de la santé que les investisseurs privilégient. Les données de Goldman Sachs montrent que, depuis le début 2023, le secteur est sur la deuxième marche du podium des retraits de fonds accusés par les ETF sectoriels du S&P 500, derrière l'énergie.
En principe, c'est justement le moment où un investisseur avisé pourrait juger qu'en cas de déroute économique, la santé ferait très bien office de refuge. Le secteur sert traditionnellement de couverture contre les retournements du marché, parce qu'il fournit des biens et services essentiels. En 2022, alors que les investisseurs redoutaient un atterrissage brutal de l'économie, c'est en effet la fonction qu'il a remplie. Or même son atout défensif traditionnel s'est dissipé. Depuis l'élection présidentielle, "le déluge incessant de projets réglementaires, politiques, cliniques et compétitifs empêche tout effet de protection, parce qu'il implique une volatilité des titres", indique Jared Holz, spécialiste du secteur de la santé chez Mizuho. Dans les récents échanges, note Asad Haider chez Goldman Sachs, la santé semble s'être décorrélée des autres secteurs défensifs.
La bonne nouvelle pour 2025, c'est que la situation ne devrait pas trop se détériorer. A en croire l'historique, l'impact des incertitudes politiques finit généralement par se dissiper et le secteur par rebondir lorsque les conséquences politiques se révèlent finalement moins graves qu'anticipé initialement. Etant donné que de nombreux républicains sont opposés au programme de RFK Jr. et compte tenu des divisions naissantes au sein de la galaxie MAGA (Make America Great Again), toute réforme brutale de n'importe quel pan du secteur ne serait probablement obtenue que de haute lutte. Déjà bien visibles, les premiers signes de dysfonctionnement ont fait capoté un compromis sur le budget qui incluait une réforme du secteur de la gestion des ordonnances. Le problème pour les investisseurs, c'est qu'il est difficile d'estimer combien de temps durera cette menace politique.
+ Eli Lilly et Intuitive Surgical +
Pour l'heure, selon Asad Haider, les investisseurs du secteur ont sans doute intérêt à continuer de parier sur des valeurs individuelles proposant un produit en pleine croissance. Ce sont celles qui affichent généralement des multiples plus élevés que leurs concurrentes, mais ce sont aussi les moteurs du secteur. Parmi les principaux chefs de file figurent Intuitive Surgical et Eli Lilly. L'action Eli Lilly a enregistré une progression de 32% l'an dernier, tandis qu'Intuitive a bondi de 55%. On peut aussi parier sur des groupes comme CVS Health ou Pfizer , dont les titres se négocient à des niveaux historiquement bas et qui proposent pourtant des modèles économiques durables et des dividendes élevés.
Avec le temps, les pressions politiques seront plus ou moins fortes mais elles ne disparaîtront pas complètement, tout simplement parce que les dépenses de santé des Etats-Unis sont très élevées. Elles sont ainsi passées d'environ 5% du produit intérieur brut (PIB) il y a 50 ans, à environ entre 17% et 18% actuellement, une part sensiblement plus élevée que dans d'autres pays développés. Ce pourcentage est toutefois resté relativement stable au cours des 15 dernières années - hormis un pic pendant la pandémie. La façon la plus sûre de battre la concurrence à ce stade consiste à innover, comme le fait Eli Lilly avec ses traitements contre l'obésité, et Intuitive Surgical avec ses robots chirurgicaux de pointe.
Pour le secteur de la santé, les incertitudes ne sont pas près de disparaître. Pour autant, le secteur recèle encore des trésors d'opportunité.
-David Wainer, The Wall Street Journal (Version française Emilie Palvadeau) ed: JDO
"Le Market Blog" est le blog économique et financier de l'agence Agefi-Dow Jones.
Agefi-Dow Jones The financial newswire